Intervention de Paul Vergès à la clôture de l’Eco-Meeting Be Green

« On va vers un nouveau modèle de civilisation »

5 avril 2013

Hier après midi, à l’occasion de l’“Eco-Meeting Be Green”, Paul Vergès, sénateur et président-fondateur de l’ONERC, a partagé son analyse de la situation dans le cadre de “Quelles transitions énergétiques pour demain face aux défis du changement climatique ?”.

En clôture de l’Eco-Meeting Be Green, Paul Vergès a expliqué pour quelle raison « il faut réfléchir à une nouvelle civilisation » pour que « l’Homme puisse survivre face aux changements climatiques » qui s’accentuent d’année en année. Devant un pare-terre de responsables politiques, acteurs économiques, étudiants et citoyens, Paul Vergès a indiqué les raisons de la création de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC) et les perspectives de l’Humanité au cours de ce siècle « exceptionnel ».

Que va-t-il se passer ?

Pour débuter son allocution, Paul Vergès a indiqué qu’à la question lui demandant pourquoi il fondé l’ONERC, cela l’a appelé à une « réflexion philosophique, notamment sur l’avenir que nous avons ». Depuis une dizaine d’années, de nombreuses études sont publiées sur les causes et les conséquences des changements climatiques dans l’Histoire du monde, mais aussi à La Réunion. Territoire insulaire, La Réunion subit les changements climatiques bien qu’ayant toutes les alternatives possibles pour opérer un tournant face à la hausse des émissions de gaz à effet de serre.

Devant le siècle qui commence, on se demande ce qui va se passer. Dire qu’au-delà des informations qui nous accablent tous les jours, quelle force fondamentale va marquer notre siècle, a posé Paul Vergès. Face à un monde en plein bouleversement politique, économique, social, environnemental, mais aussi culturel, le président de l’ONERC a expliqué : « j’ai pris conscience que ce siècle sera le plus important de toute l’Histoire de l’Humanité », mais cela demande « à réfléchir sur la réalité » du monde.

Le poids de la démographie

La hausse démographique en perspective aura des conséquences majeures sur les nations, mais aussi sur l’évolution des changements climatiques. Pour appuyer ses explications, le président de l’ONERC a rappelé les derniers chiffres des Nations unies. La population mondiale devrait dépasser les 9 milliards d’individus en 2050, contre 7 milliards en 2012. Cette hausse de 2,5 milliards d’individus correspond à la démographie des années 1950 sur l’ensemble de la planète, il s’agit d’un « phénomène exceptionnel dans l’Histoire de l’Homme », a expliqué ce dernier.

En effet, la hausse brutale de la démographie dans le monde pose de nombreuses questions telles que comment nourrir 9 milliards d’habitants ? Les loger ? Leur permettre de se déplacer ? « C’est un problème fondamental », car aujourd’hui, 870 millions de personnes souffrent toujours de la faim, comment nourrir 2,5 milliards d’individus en plus d’ici 40 ans ? D’autant qu’en « plus des erreurs manifestes, on ne peut pas résoudre le problème du chômage, notamment celui des jeunes, ou encore de la construction de logements et d’infrastructures pour pouvoir répondre à la demande grandissante de ces nouveaux individus. L’ensemble dans le respect de la nature et de ses contraintes ».

Tout près de La Réunion, Madagascar connaitra la fin de sa transition démographique en 2050, avec 53,5 millions d’habitants contre 22,8 millions en 2012, et le continent africain aura dépassé la population de l’Europe, passant de 250 millions d’habitants en 1950 à 2 milliards d’ici 2050. « Comme disait Mao Zedong, en 1949 lors de la proclamation de la République populaire de Chine, 550 millions de Chinois ont été libérés, aujourd’hui, ils sont 1,394 milliards », a noté Paul Vergès. D’ici 2030, la Chine sera la première puissance mondiale, ce qui met en exergue le bouleversement de l’ordre mondial depuis quelques années.

« A l’échelle du monde, des désordres et conflits feront surface. Et le réchauffement climatique dont tout le monde parle aura des conséquences considérables » notamment après les échecs des Sommets mondiaux sur le climat destinés à signer la seconde phase des accords de Kyoto. « Si on ne s’occupe pas à avoir une politique globale solidaire pour combattre les phénomènes climatiques, alors le chiffre maximal donné par les experts de 3°C sera dépassé et tous les experts annoncent qu’il sera impossible de maitriser la situation », a prévenu Paul Vergès.

Que va devenir l’humanité ?

Paul Vergès a expliqué que pour appréhender les conséquences du changement climatique, il faut prendre en compte plusieurs facteurs comme la hausse démographique, les changements climatiques, l’économie mondialisée arrivée au sommet de son développement et de la maitrise qu’en font les acteurs économiques et politiques ainsi que la recherche et l’innovation arrivées à des hauts niveaux. Dans ce monde en mouvement, « que fait La Réunion ? ».

Le territoire possède tous les atouts permettant une autonomie énergétique a contrario de ce qui se fait depuis des décennies. En effet, lors de sa mandature au Conseil régional, Paul Vergès avait mené une politique environnementale basée sur l’autonomie énergétique et l’autosuffisance alimentaire, résolvant ainsi les nombreux défis à venir. Ce dernier a d’ailleurs évoqué son intervention en 1999 à l’UNESCO pour l’autonomie énergétique de l’île, projet accueilli avec sérieux et l’aval des experts.

A La Réunion, « ils pensent tous que ce qui vient d’ailleurs est meilleur, alors qu’il y a ici les énergies renouvelables comme la mer, la houle, le vent, la géothermie, la biomasse, mais on préfère aller importer du pétrole à Singapour et acheter du charbon », a indiqué Paul Vergès. Encensée par les hauts responsables de l’État pour son innovation en matière d’environnement, La Réunion était alors « un exemple pour la France et le monde », mais aujourd’hui, « tout a été supprimé ».

La société influencée par le climat

En conclusion de son allocution, Paul Vergès a expliqué en quoi « toute la société de demain va être influencée par les mesures énergétiques d’aujourd’hui en fonction de la disparition des énergies fossiles ». Au-delà des changements climatiques, « le changement en matière de culture et de civilisation devra se faire. L’Histoire l’a montré, après la force musculaire pour produire de l’énergie, il y a eu la force des animaux pour le transport et l’agriculture, les machines à vapeur, le charbon et le pétrole ». « Chaque fois pour l’accumulation primitive du capital » .

De plus, l’épuisement des ressources pétrolières et des énergies fossiles en général met en évidence l’extrême fragilité sur laquelle l’Homme se repose pour produire et consommer. C’est pour ces raisons qu’il faut « changer si on veut que l’Humanité survive. C’est tout le modèle de développement basé sur l’énergie fossile qu’il faut changer pour une nouvelle société ». Paul Vergès a expliqué que la disparition du Dodo était un exemple concret de l’extermination des espèces par l’Homme.

Les défis démographique, économique et politique, mais aussi les problématiques des déplacements et de l’urbanisme devront s’intégrer dans une politique immédiate basée sur le changement climatique, ce qui est « fondamental, car c’est ce siècle exceptionnel » qui guidera l’Humanité. « On va vers une nouvelle civilisation » , a conclu Paul Vergès.

Céline Tabou

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