Conséquence du changement climatique

Quand l’eau ne coule plus au robinet

5 février 2018, par Manuel Marchal

Au mois d’avril, l’eau du robinet cessera de couler au Cap si les barrages qui alimentent la ville ne sont pas suffisamment remplis par la pluie. 4 millions d’habitants devront faire la queue devant 200 fontaines pour s’approvisionner. C’est la conséquence de trois années de sécheresse et c’est une situation qui interpelle à La Réunion, où les coupures d’eau sont déjà fréquentes en saison sèche.

L’eau du robinet est un élément de confort qui est aujourd’hui présent dans toutes les maisons à La Réunion. C’est un des résultats des luttes qui ont été menées par les progressistes pour que l’accès à l’eau ne soit pas seulement réservé aux plus riches. Mais ces dernières années, des coupures ont déjà eu lieu dans plusieurs communes pour préserver la ressource. Une des conséquences de la tempête Berguitta a aussi montré la vulnérabilité de l’approvisionnement en eau de milliers de personnes au Tampon. Elles dépendent d’une canalisation qui court le long d’une falaise sujette aux éboulis. Des moyens importants sont mis en œuvre pour réduire au minimum la durée d’indisponibilité de ce service, car aujourd’hui, personne ne peut se passer de l’eau qui coule au robinet dans tous les logements. Faire la queue devant la fontaine et porter des bacs remplis d’eau sont des images qui appartiennent à un passé qui semble révolu.

Une fontaine pour 20.000 habitants

Mais ce qui se passe à trois heures d’avion de La Réunion interpelle. En effet, avoir de l’eau qui coule au robinet va devenir un luxe dans deux mois au Cap, la seconde ville d’Afrique du Sud. Ce service ne sera plus assuré que dans les hôpitaux et les lieux où cela est jugé indispensable. Pour les 4 millions d’habitants de l’agglomération de cette cité, l’eau ne sortira plus du robinet. C’est la conséquence d’une décision des autorités pour justement limiter l’eau à des usages indispensables. Elle est d’ores et déjà rationnée. Si une famille dépasse une consommation de 50 litre par jour et par personne, elle doit payer une amende. Dans deux mois, il faudra aller faire la queue devant une des 200 fontaines et transporter l’eau comme avant à La Réunion. Cela fait une moyenne d’une fontaine pour 20.000 habitants. Les autorités de la ville se préparent à des émeutes, tandis que des personnes peu scrupuleuses ont stocké de l’eau pour la revendre au prix fort.

Depuis La Réunion, la ville du Cap est souvent présentée comme une destination touristique. Il est donc difficile d’imaginer que dans un tel lieu, l’eau ne coule plus au robinet.

C’est pourtant une conséquence concrète du changement climatique, conjugué à la croissance de la population. Il a suffi de trois années de sécheresse pour mettre les réservoirs à sec. Les autorités travaillent à des solutions alternatives comme des usines de dessalement d’eau de mer. Mais tout cela ne pourra être prêt du jour au lendemain. En attendant il faudra gérer la pénurie d’un élément indispensable à la vie.

Sécheresse et montée du niveau de la mer

Si La Réunion n’est pas encore dans cette situation, des faits interpellent. Ces dernières années, la sécheresse a dominé. Plusieurs fois, la cascade du Niagara à Sainte-Suzanne était à sec alors que la région Est est traditionnellement celle qui est la plus arrosée. La récolte de letchis a été désastreuse en raison du manque d’eau. Si les passages au large des tempêtes Ava et Berguitta ont rechargé les nappes, la plus grande partie de l’eau tombée du ciel est partie dans la mer. Pendant ce temps, la population continue d’augmenter. Aussi la question de savoir si l’eau va continuer à couler au robinet mérite d’être posée. En effet, dans notre île, l’eau rendue potable à la suite d’importants investissements ne sert qu’une fois, et ce sont les captages dans les rivières qui en assurent une grande partie. Quand la sécheresse s’installe, le débit est insuffisant obligeant à des restrictions. Aucune région de l’île n’est épargnée. L’autre partie de l’eau potable vient des nappes phréatiques. Or avec la montée du niveau de la mer, le volume de l’eau exploitable va diminuer, ce qui met en péril l’approvisionnement de villes du littoral.

Stocker l’eau de pluie

Pourtant notre île est coutumière des épisodes de fortes pluies. Il est donc essentiel de stocker cette eau tombée du ciel. C’est le sens d’une proposition du PCR : construire un réseau de retenues collinaires dans les hauts afin d’anticiper sur une sécheresse devenue durable à cause du changement climatique.

Un tel projet doit également s’accompagner sur une nouvelle politique de l’eau afin que cette ressource ne soit plus jetée après une seule utilisation. Les promoteurs des stations d’épuration assurent qu’à la sortie du traitement, l’eau est de qualité dite de baignade. Elle pourrait donc être réutilisée pour tous les usages qui ne nécessitent pas de l’eau potable, notamment l’arrosage des espaces verts. Quant aux besoins d’une famille dans ces domaines, pourquoi ne pas envisager un système de récupération et de stockage de l’eau de pluie pour l’arrosage des jardins ou l’utilisation des toilettes ?

La décision de la ville du Cap montre que l’eau du robinet est un acquis bien fragile. Il incombe donc d’agir pour le préserver, afin d’éviter que les Réunionnais soient obligés de retourner faire la queue devant les fontaines.

M.M.

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