Quand les plus pauvres paient le prix du développement industriel de l’Occident

Quel emploi et quel logement pour les réfugiés du climat ?

2 novembre 2006

Parmi les conséquences du changement climatique, il faut s’attendre à des déplacements forcés de populations qui doivent quitter un pays devenu inhabitable. Cela aura des conséquences sociales sans précédent, avec en face un système économique mondialisé qui ne considère pas la solidarité comme la valeur fondamentale.

La parution d’une étude économique sur l’impact du changement climatique souligne à nouveau l’ampleur du défi à relever et l’urgence d’aller vers un autre mode de développement. 5.300 milliards de dollars : selon un économiste américain, le coût du réchauffement serait supérieur à celui des deux guerres mondiales, ou à celui du crash boursier de 1929.
Pendant ce temps, les écrans du monde diffusent le documentaire de l’ancien vice-président américain Al Gore. Ce dernier milite pour des décisions urgentes à prendre dans les 10 années à venir.
Il est aujourd’hui inconstestable que les activités humaines jouent un rôle dans l’accélération des changements climatiques qui peuvent être aujourd’hui perçus de manière significative. Une des conséquences les plus évidentes touche les régions insulaires et les plaines cotières situées à des niveaux voisins de la mer.
D’ores et déjà, il est acquis que des pays vont être rayés de la carte d’ici la fin du siècle. Pour les habitants des îles Tuvalu, l’arrivée d’une grande marée d’équinoxe signifie la submersion des terres émergées de leur archipel. Liée au réchauffement global du climat, la montée des eaux de l’océan menace des États insulaires, déjà vulnérables de part leur handicaps structurels tels que l’étroitesse du marché intérieur, la dépendance envers une monoculture d’exportation ou l’enclavement. La montée des eaux rend peu à peu impropres à la consommation humaine des nappes phréatiques et pousse à l’exil définitif des peuples qui voient leur terre ancestrale recouverte peu à peu par les eaux. Ils donnent naissance à de nouveaux réfugiés, ceux qui sont chassés de leur environnement devenu inhabitable à cause du réchauffement climatique. Leur nombre ne peut que grandir, eu égard aux causes du réchauffement.

Des peuples contraints à l’exil

En effet, les zones de delta densément peuplées comme par exemple le Bangladesh sont également concernées par ce phénomène. Des centaines de millions de personnes peuplent ces espaces particulièrement vulnérables à l’impact du réchauffement climatique. Ces habitants de la Terre sont tous des potentiels “réfugiés climatiques”, ils seront dans l’obligation de migrer vers d’autres régions de la planète habitables. Se posent alors les questions suivantes : quels seront les pays qui les accueilleront ? Comment s’y prendre pour garantir à ces migrants des droits aussi élémentaires comme celui à un travail et à un logement ?
Or, même dans les pays bénéficiant du développement le plus élevé, ces droits ne sont pas respectés. Et paradoxalement, une des mesures prises par des dirigeants politiques pour tenter de faire reculer le chômage et le mal-logement dans ces pays dits développés est précisément de fermer le plus possible les frontières aux migrants potentiels, à l’exception des cerveaux.

Révélateur de l’impasse d’un système

Cela souligne la nécessité de changer radicalement de type de développement en se libérant d’un système qui produit du chômage, de l’exclusion et cerise sur le gateau, est responsable de dégradations irréversibles d’un environnement planétaire, le tout payé au prix fort par les peuples qui ne tirent pas les bénéfices de ce type de développement.
Le modèle dominant libéral porte une lourde responsabilité dans ces atteintes, et force est de constater que le réchauffement climatique agit comme un révélateur de l’impasse vers laquelle les tenants du profit financier à court terme conduisent l’humanité.
Il ne servira à rien d’élever des barrières toujours plus hautes pour contenir la révolte des peuples que la mondialisation libérale affame et vide de leur forces vives. L’inéluctabilité des changements climatiques va rendre inhabitables des zones densément peuplées, elle va amplifier cette pression démographique. Et pour ces migrants, l’entrée en Europe, Amérique du Nord et dans d’autres régions plus propices à la vie humaine sera tout simplement une question de survie. Une survie que seul peut garantir un développement qui fait de la solidarité la priorité, autrement dit : faire de l’emploi et du logement pour tous la condition du développement.

M.M.


La machine s’emballe

La planète ne répercute pas immédiatement l’impact que peuvent avoir sur elle les activités humaines. Réchauffement et accumulation de gaz à effet de serre ont un lien. Mais ce que la planète connaît aujourd’hui est le résultat de la pollution des générations précédentes. Auparavant, un développement basé sur la consommation abondante de sources d’énergies fossiles telles que le charbon et le pétrole ne concernait qu’une minorité de la population mondiale. Ces “privilégiés” se concentraient essentiellement en Europe et en Amérique du Nord. Ce clivage se retrouve aujourd’hui dans un constat : peuplés par 300 millions d’habitants, soit moins de 5% de la population mondiale, les États-Unis rejettent dans l’atmosphère 25% des gaz à effet de serre.
Or, la croissance économique mondiale est aujourd’hui tirée par le haut par l’émergence de géants démographiques tels que la Chine et l’Inde qui tendent à utiliser le même mode de développement que les Occidentaux. La différence tient dans la démographie. Inde et Chine représentent plus de 2 milliards d’habitants. Et malgré toutes les mesures prises par les gouvernements de ces pays pour tenter d’infléchir la hausse de la consommation, la machine du déréglement climatique est enclenchée.


Répondre à l’urgence

Manger, payer son loyer, se vêtir : ce sont autant de préoccupations immédiates qui concernent plus de la moitié des Réunionnais. Pris dans cette urgence, il est bien difficile pour la plupart d’entre nous de s’approprier les enjeux du changement climatique. Que signifie parler de la disparition d’un pays au cours du siècle prochain à un travailleur privé d’emploi depuis plusieurs années, condamné à survivre avec le RMI ?
Cela explique pourquoi la bataille pour le développement durable se mène dans la globalité, sans perdre de vue que la responsabilité des décideurs d’aujourd’hui est certes de répondre aux enjeux de demain, mais également d’être en première ligne dans le combat pour faire respecter des droits qui sont refusés aux Réunionnais : un travail, un salaire et un logement dignes.


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