Recommandation de la Cour des comptes

Réduire le cheptel de vaches pour limiter les émissions de gaz à effet de serre

24 mai 2023

Le gouvernement français devrait « définir et rendre publique une stratégie de réduction » du nombre de vaches élevées en France pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre, a estimé la Cour des comptes dans un rapport publié le 22 mai.

Le rapport a été publié au moment où la Première ministre Elisabeth Borne a dévoilé un plan d’action gouvernemental évaluant les réductions de gaz à effet de serre par grand secteur de l’économie, et chiffrant l’effort pour l’agriculture afin de réduire l’impact de l’élevage et des engrais azotés.

La France, premier producteur européen de viande bovine et deuxième troupeau laitier derrière l’Allemagne, compte environ 17 millions de têtes de bovins. Or l’élevage bovin compte pour 11,8 % des émissions du pays.

« Le bilan de l’élevage bovin pour le climat est défavorable », a écrit la Cour des comptes dans son rapport sur les soutiens publics aux éleveurs de bovins. La Cour a précisé que la séquestration de carbone par les prairies où pâturent les bêtes est « loin de compenser les émissions  » de l’élevage.

L’élevage est impacté par les rejets de méthane, car ce gaz - très réchauffant - est issu de la digestion des ruminants et de leurs déjections. Ce secteur représente 45% des émissions agricoles françaises.

« Le respect des engagements de la France en matière de réduction des émissions de méthane (…) appelle nécessairement une réduction importante du cheptel », a indiqué l’institution qui demande au ministère de l’Agriculture de « définir et rendre publique » une stratégie en la matière.

La Cour note également que le ministère lui a communiqué « ses hypothèses sur l’évolution du cheptel bovin » qui pourrait refluer à environ 15 millions de têtes en 2035 et 13,5 millions en 2050.

La baisse du cheptel a déjà commencé, avec une baisse de 10 % en six ans. Mais « cette diminution reste subie et ne fait pas l’objet d’un véritable pilotage par l’Etat, au détriment des exploitants », a souligné la Cour.

Pour l’institution, la baisse du cheptel n’entamerait pas la « souveraineté » de la France en matière de viande rouge, sauf si les consommateurs suivent les recommandations des autorités de santé de ne pas en manger plus de 500 grammes par semaine.

Elle recommande aussi au ministère de « mieux accompagner les éleveurs les plus en difficulté » afin qu’ils puissent « se réorienter vers d’autres systèmes de production ou changer d’orientation professionnelle ». De plus, la Cour considère que les dispositifs d’aide actuels aux éleveurs de bovins sont « très coûteux » (4,3 milliards d’euros en 2019).

Les éleveurs « blessés » par la recommandation

« On est particulièrement agacés du procès qui est fait à l’élevage français », a réagi le patron de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), Arnaud Rousseau.

Selon lui, les éleveurs ressentent une « vraie blessure » la recommandation de la Cour des comptes de « définir une stratégie de réduction » du cheptel bovin pour diminuer l’empreinte carbone de la France, a déclaré le 23 mai à l’AFP le président du syndicat agricole.

« Lire que votre activité doit cesser ou largement diminuer, c’est très compliqué pour des éleveurs » qui sont de moins en moins nombreux, a estimé Arnaud Rousseau. Il reproche aussi au ministre de l’Économie Bruno Le Maire un « tweet ravageur », le 17 mai, à l’occasion d’une visite d’usine de l’entreprise Happyvore, qui commercialise des substituts à la viande.

Le ministre avait écrit : « Le saviez-vous ? 100g de protéines végétales génèrent de 60 à 90 % de gaz à effet de serre en moins que 100g de protéines animales. » Les éleveurs ont, selon le président de la FNSEA, « un sentiment d’abandon (...) de stigmatisation » sur l’autel de la décarbonation.

Le syndicat majoritaire FNSEA défend un « élevage corrélé au marché, aux besoins de consommation et à ce stade on a peu ou pas de baisse ». Pour Arnaud Rousseau, l’élevage français peut réduire ses émissions via l’innovation (des additifs dans la ration des vaches promettent de réduire la production de méthane ) et sans avoir à pousser des éleveurs à arrêter.

La « pyramide des âges » présage naturellement d’un moindre nombre d’éleveurs et donc de têtes de bétail. Il rappelle aussi que les prairies pâturées par les vaches captent du carbone. Or « personne ne conservera des prairies si on n’a pas de vaches à mettre dessus », met-il en garde.


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