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Tuvalu se lève pour sauver le monde

Samedi 19 décembre, 3 heures 20 du matin : le moment décisif

lundi 21 décembre 2009, par Manuel Marchal


Le moment décisif de la conférence de Copenhague a eu lieu le 19 décembre à 3 heures 20 du matin, lorsque le délégué de Tuvalu a dit ceci : « M. le Président, notre futur n’est pas à vendre. J’ai le regret de vous informer que Tuvalu refuse d’accepter ce document ».


Tuvalu a refusé de signer. Ce pays a été aussitôt soutenu par le Venezuela, la Bolivie, Cuba. Il suffisait qu’un seul pays ne mette pas sa signature sur l’Accord de Copenhague pour que ce dernier soit rendu nul et non avenu.
Le président de la Conférence pensait faire une brève présentation du texte, suspendre la séance pendant une heure, le temps que tout le monde en prenne connaissance puis passer au vote. Il a été rappelé à l’ordre par les représentants de nombreux pays qui ont demandé la parole. Car le texte dit "Accord de Copenhague" n’est pas le résultat d’un consensus, c’est la conclusion de discussions d’un groupe de pays dont la représentativité est loin d’être unanimement reconnue.
Résultat : la tactique du passage en force a échoué.
Tuvalu a appris l’existence d’un accord à la télévision, et qui plus est, cet accord signifie la fin des îles Tuvalu. Deux degrés d’augmentation de la température vont faire suffisamment monter le niveau de la mer pour engloutir Tuvalu et d’autres pays insulaires.
« Nous travaillons sous les auspices des Nations Unies, le secrétaire général de l’ONU est à vos côtés à la tribune », a dit le représentant de Tuvalu au président de la conférence, le Premier ministre du Danemark. À l’ONU, « nous travaillons de manière collective. Mais nous avons appris à la télévision qu’il y a un accord. Les négociations par médias sont peut être la norme dans certains pays, mais nous, nous respectons la démocratie ».
Pour la survie de Tuvalu, la température ne doit pas augmenter de plus de 1,5 degré, alors que "l’Accord de Copenhague" prévoyait deux degrés. « Nous n’avons pas de garantie que le Protocole de Kyoto continue au-delà de 2012 », a-t-il dit en substance.
Pour mémoire, Tuvalu a proposé depuis plus de six mois un amendement au Protocole de Kyoto qui prévoit une baisse des émissions de gaz à effet de serre de 45% d’ici 2018.
Tuvalu indique que l’accord prévoit un fonds d’adaptation. Mais son représentant ajoute aussitôt : « M. le Président, notre futur n’est pas à vendre. J’ai le regret de vous informer que Tuvalu refuse d’accepter ce document ».
La décision de Tuvalu signifie la fin de "l’Accord de Copenhague".
Aussitôt, le Venezuela, la Bolivie, Cuba, le Costa-Rica soutiennent Tuvalu. Le Venezuela dit au Premier ministre du Danemark qu’il aura à assumer ce « Coup d’État » contre les Nations Unies.
De vendredi matin à samedi matin, soit durant plus de 31 heures non-stop, l’Occident allait utiliser tous les moyens à sa disposition pour imposer sa vision. Retours en images sur le fil de cette dernière journée décisive.

 Manuel Marchal 

Vendredi 18 décembre à 8 heures : la dernière journée de la Conférence de Copenhague se passera sans les ONG. Les organisateurs de la conférence ont en effet limité chaque jour davantage la présence des ONG lors de la dernière semaine. Sur une capacité d’accueil du lieu de la conférence de 15.000 personnes, les membres d’ONG autorisés n’étaient que de quelques centaines.
Vendredi 18 décembre au matin : le président des Etats-Unis arrive à la Conférence. Il va aussitôt participer à une réunion d’une vingtaine de chefs d’État dont les délégués ont rédigé un projet d’accord.
Vendredi 18 décembre à midi : peu d’informations filtrent. Nicolas Sarkozy est un des rares à sortir pour annoncer que les négociations continuent.
Vendredi 18 décembre à 16 heures : peu après être intervenus en séance plénière, Hugo Chavez, Évo Moralès et tous les pays de l’ALBA (Bolivie, Cuba, Equateur, Nicaragua et Venezuela) annoncent qu’ils n’ont pas été consultés au sujet de cet accord en préparation, et que ce document ne concerne donc que moins de 30 pays sur les plus de 190 représentés à Copenhague. Tous dénoncent la méthode qui est révélatrice d’un manque de transparence et de démocratie.
Vendredi 18 décembre à 22 heures : une conférence de presse de l’Union européenne est annoncée officiellement, aussitôt la salle de presse se vide.
Vendredi 18 décembre à 22 heures 45 : la salle devant accueillir la conférence de presse de l’Union Européenne est remplie par des centaines de journalistes. L’UE annonce alors qu’elle n’a fait que réserver la salle.
Vendredi 18 décembre à 23 heures 20 : quelques minutes après le président de la République en français, le président des Etats-Unis annonce la fin de la conférence sur un accord. À deux heures du matin, le président de la Commission européenne tiendra une conférence de presse pour confirmer cette nouvelle.
Samedi 19 décembre à 3 heures 20 : Lars Løkke Rasmussen, Président de la conférence de Copenhague après la démission de Connie Hedegaard, présente "l’Accord de Copenhague" à la tribune de la séance plénière. Il ne lit pas le texte et demande une suspension de séance afin que chacun puisse lire le document pour ensuite l’adopter.
Samedi 19 décembre à 3 heures 20 : le délégué de Tuvalu s’oppose au coup de force. « M. le Président, notre futur n’est pas à vendre. J’ai le regret de vous informer que Tuvalu refuse d’accepter ce document », affirme-t-il. Ce refus signifie que "l’accord" n’existe plus.
Samedi 19 décembre dans la matinée : la séance plénière se poursuit. Les pays du Sud montent au créneau pour dénoncer l’attitude de ceux qui ont cru penser que 160 pays allaient valider un coup de force de quelques dirigeants, et pour rappeler les propositions d’un accord équitable refusé par l’Occident. La conférence consent à « prendre note » du texte appelé "Accord de Copenhague" par ses auteurs.
Samedi 19 décembre à 11 heures : le secrétaire général de l’ONU annonce de manière assez surprenante qu’une majorité de dirigeants du monde soutient "l’Accord de Copenhague" qui prend pour base une augmentation de la température de deux degrés. En réalité, cet "Accord de Copenhague" est relégué au rang de déclaration politique commune à quelques États dont la Conférence des Nations Unies sur le Changement climatique a déclaré « prendre note », ce qui est très différent.

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