Dans ’le Monde’ : Bangkok s’enfonce inexorablement dans la mer

Une mégalopole face à l’urgence de l’adaptation

20 juillet 2011

Dans son édition d’hier, ’le Monde’ indique que dans 20 ans, 90% des immeubles de la capitale de la Thaïlande sont menacés d’engloutissement. C’est le résultat d’une urbanisation inadaptée, du pompage des nappes phréatiques, et des effets du changement climatique.

Jour après jour, Bangkok s’enfonce. Inexorablement. Les experts les plus pessimistes redoutent qu’une partie de la capitale thaïlandaise ne soit submergée dès 2030. Cette perspective sera un défi de plus à relever pour le prochain gouvernement issu des élections du 3 juillet, alors que les spécialistes déplorent l’absence d’une politique susceptible d’empêcher un désastre annoncé. Changements climatiques, élévation du niveau de la mer, érosion du rivage, affaissement des sols argileux... Plusieurs facteurs se combinent pour condamner la grande cité du delta de la rivière Chao Praya, fondée le 21 avril 1782 par le premier souverain de la dynastie des Chakri qui règne toujours aujourd’hui.

Or, la ville ne cesse de gonfler au plan démographique : une dizaine de millions de personnes vivent désormais en ville et dans les faubourgs de cette mégapole. Même le poids des gratte-ciel, qui ne cessent de grimper dans cette cité en perpétuelle transformation, contribue à l’engloutissement progressif de Bangkok. Une grande partie de la mégapole est désormais au-dessous du niveau de la mer alors que les sols s’affaissent de 1,5 à 5,3 centimètres par an. À plus ou moins long terme, plus d’un million d’immeubles, dont 90% sont résidentiels, sont menacés par la montée du niveau de la mer. Lorsque la situation aura vraiment commencé à se dégrader, redoute l’Institut asiatique de technologie, le rez-de-chaussée des bâtiments pourrait baigner dans un marécage d’une dizaine de centimètres d’eau pendant une partie de l’année.
Dans le port de Samunt Prakan, situé à une quinzaine de kilomètres de Bangkok, les habitants des résidences pavillonnaires bâties le long de la rivière vivent déjà les pieds dans l’eau, certains mois.
Un rapport publié conjointement par la Banque mondiale, la Banque de développement asiatique et l’Agence de coopération japonaise pour le développement a placé Bangkok dans la liste des villes menacées par le changement climatique.

20 ans pour agir

Jan Bojo, expert de la Banque mondiale dans la capitale thaïe, explique que l’une des raisons du naufrage de Bangkok est le « pompage abusif » des nappes phréatiques. Les experts ne sont cependant pas tous d’accord entre eux, même si tous conviennent que la situation va empirer ces prochaines années. Smith Dharmasaroja, responsable du Centre national de prévention des désastres naturels, prédit qu’en 2100 Bangkok sera une nouvelle “Atlantide”. Pour pessimistes qu’elles soient, les analyses de ce météorologue sont tenues pour crédibles, car, dans les années 1990, il avait prévu le terrible tsunami qui ravagea en décembre 2004 les pays de l’océan Indien.
M. Dharmasaroja affirme qu’au plan gouvernemental, « aucune décision n’a été prise » pour enrayer le phénomène. « Et si rien n’est fait, tranche-t-il, Bangkok pourrait être inondée dès 2030 ».

L’une des solutions qu’il propose est de construire une gigantesque série de digues le long du golfe de Siam, un projet estimé à plus de 2 milliards d’euros. Il appelle à commencer les travaux au plus vite. Sinon il sera trop tard pour enrayer l’enchaînement inexorable des causes de la catastrophe à venir.

Anond Snidvongs, un océanographe spécialiste de l’impact du changement climatique en Asie du Sud-Est, est plus mesuré dans ses jugements.
« Personne ne peut prédire combien de temps cela prendra pour que Bangkok soit inondée et comment ce processus évoluera », dit-il. Le scientifique estime que la construction de grandes digues serait inutile. « L’évaluation du niveau de la mer n’est pas si importante que cela et le changement climatique ne joue qu’un rôle relativement mineur — environ 20% selon lui — dans le scénario en cours ».
« II ne sert à rien, insiste-t-il, de tenter de préserver le rivage qui s’érode au rythme de 3 à 4 centimètres par an : c’est sans espoir. En revanche, il existe bien d’autres moyens de combattre les inondations, comme, par exemple, une meilleure gestion des terrains à bâtir en ville ».

L’urbaniste Niramon Kulsri-sombat, enseignante au département d’architecture de la prestigieuse université Chulalongkorn, confirme que « les inondations ont toujours été un phénomène naturel, puisque Bangkok est bâtie sur des terrains boueux situés à 1,50 mètre au-dessus du niveau de la mer ».

Un million d’immeubles menacés

Auparavant, de nombreux “khlongs” (canaux), potagers et champs absorbaient les inondations. Mais au cours du récent processus d’urbanisation, de nombreux immeubles ont été construits sur des terres qui permettaient auparavant à l’eau de s’écouler.

« Les efforts du gouvernement qui ont consisté à ériger des barrages de 2,8 mètres de hauteur le long de certaines parties du Chao Praya, analyse Niramon Kulsrisombat, n’ont fait que détruire un peu plus l’aspect traditionnel d’une ville où l’on vivait sur l’eau dans des maisons sur pilotis... »

Anond Snidvongs estime que la coordination des mesures prises au niveau politique sera la clef de la sauvegarde de la ville.
À plus ou moins long terme, plus d’un million d’immeubles, dont 90% sont résidentiels, sont menacés par la montée des eaux . « La question n’est pas essentiellement technique ou budgétaire. Il faut également que les spécialistes accordent leurs violons pour donner des chiffres précis susceptibles de dresser un tableau cohérent de ce que réserve l’avenir ».
En clair, les scientifiques qui scrutent Bangkok jour après jour doivent affiner leur diagnostic pour mieux préparer le sauvetage de la capitale de la Thaïlande.

Bruno Philip 

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