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Les “classes de ville permutées“ ont pris un certain essor ces dernières années en France, avec comme fer de lance le rectorat de Créteil puis celui de Vénissieux.
À La Réunion, la commune du Port - souvent à la pointe de la recherche et de l’innovation - et les deux inspecteurs de l’Éducation nationale de la circonscription ont tenté cette année l’expérience de “classes de ville permutées” : deux classes d’écoles différentes, situées dans des quartiers différents mais appartenant à la même ville, échangent leur lieu de vie et de travail. C’est toute la matinée d’un samedi (le 25 juin dernier) qui a été consacrée à la présentation par les enfants de ces deux semaines exceptionnelles.

Un journal

Du lundi 23 au vendredi 27 mai, deux classes portoises ont donc joué le jeu : un CM1 de l’école Camille Macarty et un CM1 de l’école Laurent Vergès. De la Rivière des Galets à la SATEC, on reste toujours dans la même commune. Et pourtant...
Un fabricant de vouves, dans le quartier de l’école Camille Macarty, c’est difficile à trouver. De même, il est rare pour les élèves de La Rivière des Galets de rencontrer un chocolatier. Et pourtant...
C’est pourquoi, outre une exposition, des films, des contes, il était indispensable de marquer cette première expérience en éditant un petit journal réalisé par les enfants avec l’aide des enseignantes, Daisy Courteaud et Yasmine Françoise, qui ont sans hésiter, étrenné le dispositif. Voici quelques extraits de ce petit journal très intéressant.
La classe de CM1 de Mme Daisy Courteaud, de l’École Laurent Vergès de La Rivière des Galets, découvre le quartier de la SATEC. Extraits.

L’avenir mais aussi le passé

"Au bureau des programmes de la ville, nous avons vu une magnifique maquette de la future ville du Port. Le programme “ville et port” consiste à recréer des liens entre la ville et le port. En effet, la ville est née du creusement du port à la Pointe des galets et des activités portuaires. Peu à peu elle s’est développée à l’extérieur.
Ce programme va agrandir et redynamiser la ville par une nouvelle darse de grande plaisance, une extension de la base nautique, un complexe avec résidence de tourisme, une gare maritime... une voie urbaine, le mail de l’océan reliera l’ancienne et la nouvelle ville. C’est M. Alain Dreneau qui nous a tout expliqué.
M. Eugène Rousse est venu nous parler du creusement du port à la fin du 19ème siècle. Le Titan, qui a donné son nom au quartier près du port, était une grue utilisée pour le creusement du port. Le chemin de fer a été construit en même temps pour transporter les marchandises et le matériel pour les travaux du port : de ce chantier est née la cité ouvrière, la ville du Port".

Le dur métier de docker

"M. Dioflar a exercé le métier de docker. Il chargeait et déchargeait les bateaux. Il transportait sur son dos des balles de riz, de maïs, de ciment de plus de 50 kg car ces produits arrivaient dans de grands sacs de jute, des “gonis”.
Les dockers se divisaient en deux groupes : ceux dans la cale pour décharger et ceux des quais pour recevoir les sacs. Le docker n’avait pas d’horaire de travail : il travaillait à la tâche jusqu’à la fin du déchargement du bateau".

Pass’Port

"Mme Alice Rébécca nous a expliqué le rôle de l’association Pass’Port dans le quartier. Cette association accompagne les projets socioculturels des enfants âgés de plus de 13 ans (d’autres associations s’occupent des plus jeunes). Pass’Port répond (par exemple) à la demande des habitants du quartier de l’Épuisement, elle propose des activités telles que le Hip Hop, la couture, la danse moderne, la danse indienne... Pour cela Pass’Port travaille aussi avec d’autre associations telles que l’OMS, Village Titan...
La mission de l’association est de faire en sorte que les habitants du quartier se retrouvent autour d’un projet, qu’ils puissent échanger et ne se sentent pas isolés. Les animateurs et les médiateurs de l’association sont à l’écoute des habitants. Un loisir encore pratiqué dans ce quartier est la “bataille coq” : certains habitants possèdent un élevage de coqs".

La base nautique

"Nous avons retrouvé Yannis à la base nautique des Mascareignes, qui offre la possibilité de pratiquer la voile, la navigation et le canoë-kayak. Tout près de cette base se trouvent des terminaux céréaliers où est entreposé et traité l’ensemble des importations de céréales et d’aliments pour le bétail en vrac.
Nous avons visité les darses de pêche et de plaisance. Le port de pêche sert de base à la pêche dans les Terres Australes et Antarctiques Françaises (espadon, thon, mais aussi langoustes et légines). Nous avons vu des bateaux-usines, des palangriers, des goélettes, des vedettes".

La vie d’autrefois

La classe de CM1 de Mme Yasmine Françoise, de l’école Camille Macarty, découvre La Rivière des Galets.
"Madame Alexis, Ninine et Fabienne nous ont parlé de la vie “lontan”, des traditions d’élevage, de plantation et de ce qu’ils avaient l’habitude de manger comme le soso-maïs, la patate et le manioc. Pour les bébés de 7 à 8 mois, ils râpaient du conflor et faisaient une crème.
Fabienne a présenté le journal qui s’appelle “Choka bleu”, qui existe depuis 10 ans et qui est rédigé par les membres du Collectif d’habitants. Il y a 4 pages pour les enfants des écoles du quartier.
Ensuite Fabienne nous a montré des “objets-lontan” : une bassine en fer blanc, un bac à eau, un arrosoir en fer blanc, une robe de baptême, un tourne-disque, une machine à coudre manuelle, une brosse à paille coco, une râpe à manioc, un fer à repasser (“karo charbon”), une lampe à pétrole, une grègue, un moulin à café et bien d’autres objets de la vie courante.
Puis nous sommes allés à la mairie de La Rivière des Galets, où 4 dames nous ont parlé de la “vie lontan”. Les élèves leur ont posé beaucoup de questions".

Des échanges très riches

C’est ainsi que des échanges très riches ont eu lieu entre générations et entre quartiers, pour ouvrir l’école sur son environnement, l’ouvrir aussi sur le monde du travail et des savoir-faire. Tout cela a nourri le très fort appétit de savoir, de rencontrer et d’apprendre chez nos enfants.
Les parents d’élèves aussi étaient conviés aux différentes visites et rencontres, et beaucoup sont venus. Certains d’entre eux n’avaient jamais visité les entreprises du quartier où ils étaient invités. Eux aussi découvraient leur ville, grâce à leurs enfants.
Élèves, enseignants, parents d’élèves, responsables associatifs, travailleurs qui ont fait connaître leur savoir-faire, toutes celles et tous ceux qui ont assisté à la matinée finale étaient conscients qu’ils venaient d’être les acteurs ou les témoins d’une expérience très prometteuse pour l’avenir. Une expérience où les regards portés par la ville sur ses écoliers et ceux portés par les écoliers sur leur ville s’enrichissent mutuellement.
Félicitons les écoles qui ont ouvert tout grand leurs portes et continuons à tisser des liens entre les citoyens d’aujourd’hui et ceux de demain.

Synthèse : S. B.