Suppression des mises à disposition d’enseignants auprès des associations éducatives

Des centaines de projets éducatifs menacés

14 novembre 2005

D’un coté, l’Éducation nationale prône la mise en œuvre d’une politique éducative d’ensemble, scolaire et extra scolaire, pour favoriser la transmission de savoirs, de valeurs et de références à la jeunesse. De l’autre, elle restreint ses budgets et veut supprimer de sa comptabilité, d’ici 2006, 800 postes d’enseignants mis à disposition (MAD) des associations éducatives complémentaires de l’enseignement public. À La Réunion, 8 postes sont concernés, soit des centaines de projets en faveur du développement et de l’épanouissement des jeunes.

Dans l’école, les centres de loisirs et de vacances, au sein des ateliers relais, des associations scolaires, des établissements spécialisés, qu’il s’agisse de la mise en place de formations, de l’organisation de colloques, de séminaires, ou encore de la production de revues, d’outils pédagogiques... les associations éducatives complémentaires participent activement, depuis des décennies, à la qualité du service public de l’éducation. Partenaires incontournables de l’École publique, elles en défendent les valeurs et participent à son rayonnement.

L’humain face à la loi

À ce titre, elles bénéficient de l’agrément de l’Éducation nationale et du soutien financier de l’État sous forme de subventions de fonctionnement et de mises à dispositions d’enseignants aux côtés d’autres salariés et de nombreux bénévoles. En plus de mettre en péril l’existence des associations éducatives complémentaires, supprimer les mises à disposition (MAD) du paysage de l’enseignement public, c’est porter atteinte à la réalisation de l’ambitieux programme de réussite éducative, introduit par la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école du 23 avril 2005.
Face à la vive réaction, au niveau national et local, des représentants associatifs, des syndicats, le ministère de l’Éducation nationale explique que la suppression des mises à disposition d’enseignants est une conséquence technique de la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Une loi qui se limite au caractère non lucratif des ces actions associatives, sans considérer le bien fondé de l’investissement humain en faveur de l’éducation des jeunes.
Alors que nous assistons de plus en plus à la marchandisation des activités parascolaires, aux frais des parents et des enfants, c’est aujourd’hui le principe de gratuité, porté par l’École républicaine laïque, qui est clairement remis en cause.

Estéfani


Témoignages d’enseignants

Discount sur l’éducation des jeunes

Parmi les 14 associations éducatives complémentaires recensées à La Réunion (voir encadré), la Fédération des Œuvres Laïques (FOL), apparue bien avant l’école républicaine, œuvre depuis un siècle en faveur de l’éducation. Elle compte deux enseignants MAD, garants de la qualité éducative des projets, de la réalisation des dispositifs innovants dont les associations sont généralement à l’origine.

Thierry Grimaud, instituteur :
"Créateur de liens et de cohésion sociale"
Thierry Grimaud, instituteur, est également MAD par l’Éducation nationale depuis 1989. Au sein de l’USEP (Union sportive de l’enseignement du premier degré), il aide au montage des projets pédagogiques, fournit aux jeunes les outils de leur investissement dans des actions sportives et culturelles, complémentaires du travail pédagogique proposé par l’enseignant, leur permettant ainsi une prise de responsabilité.
Grâce à ce système, "l’enfant se détache de l’aspect purement scolaire de l’école pour travailler sur le vécu, à partir de ses propres expériences", explique Thierry Grimaud. Si son poste permet un rapprochement entre enseignants et élèves, il offre aussi la possibilité aux parents de s’impliquer différemment dans l’éducation de leurs enfants. "C’est créateur de liens et de cohésion sociale."
Pour exemple, la "Randonnée Volcan" organisée dernièrement par l’USEP et l’UFOLEP(Union Française des Œuvres Laïques d’Éducation Physique), aura permis à 700 élèves et 276 enseignants et parents de partager une activité pleine nature, riche d’enseignements scientifiques et humains. Pour l’instituteur, la suppression des enseignants MAD des associations éducatives n’est certainement pas due à la remise en cause de la pertinence, de l’évaluation ou de la qualité des projets menés. Il s’agit simplement de considérations comptables, de restrictions économiques mal ciblées. "L’actualité nous montre malheureusement l’importance de ces postes !", nous explique l’instituteur.

Patrice Boyer, professeur de lettres
"Les enfants seront les premiers pénalisés"
Ce n’est pas Patrice Boyer, professeur de lettres en lycée, qui assure depuis 4 ans au sein de la FOL, des missions de secrétariat général, de coordination de projets éducatifs complémentaires, qui contredira son collègue.
"Tous les ans, la Ligue de l’enseignement transmet systématiquement au ministère des contrôles d’actions et d’efficacité précis, détaillés. Plus transparent que ça, il n’y a pas !", soutient l’enseignant MAD pour qui, la remise en cause du partenariat entre l’Éducation nationale et les associations est purement économique. En remplaçant les postes d’enseignants MAD par une enveloppe, comme le prévoirait le gouvernement (et cela reste encore à vérifier), les associations seront forcément pénalisées car il leur sera très difficile de retrouver quelqu’un correspondant au profil du poste. "Ce qui m’attriste, c’est que les associations qui ne trouveront pas un substitut, garant de la qualité attendu par le ministère, devront arrêter leur travail d’éducation complémentaire. Les enfants seront les premiers pénalisés, j’en suis sur", affirme encore Patrice Boyer.
Face aux événements qui agitent les banlieues françaises, l’enseignant répond sans équivoque : "Il ne suffit pas de tendre une enveloppe pour retrouver le calme, il faut des hommes et des outils pour un accompagnement éducatif global, tout au long de la vie de l’enfant, pour créer les conditions d’un apprentissage épanoui."

Propos recueillis par Estéfani


An plis ke sa

Aux grands mots, les petits moyens
Lors de l’adoption à l’Assemblée nationale du budget 2004 consacré à la jeunesse, Pierre Martin, sénateur et député UDF de la Somme, membre de la commission mixte paritaire pour loi d’orientation sur l’avenir de l’école, déclarait : "plus qu’hier, les jeunes sont exposés à des risques susceptibles de mettre en péril leur santé, leur innocence ou leur sécurité (...) ce budget doit servir à valoriser la jeunesse de notre pays comme un atout formidable, en lui donnant les moyens de développer ses potentialités et sa singularité, de s’approprier l’espace de la société civile en participant à sa construction."
142,4 millions d’euros ont été attribués à la jeunesse française en 2004 contre 151 millions d’euros en 2003, avec une diminution de 6,7% du budget des personnels.

14 associations, des milliers d’adhérents
L’Association Régionale d’Expansion Musicale (AREM) ; le Conseil Départemental des Associations Familiales Laïques (CDAFAL) ; les Centre d’Entraînement aux Méthodes d’Éducation Active (CEMEA) ; la Coordination des Parents d’Elèves et des Educateurs de Saint Denis (CPE) ; le Comité Régional des Associations de Jeunesse et d’Éducation Populaire
(CRAJEP) ; la Fédération des Conseils de Parents d’Elèves (FCPE) ; la Fédération des Associations Rurales (FEDAR) ; les FRANCAS ; la Fédération Régionale des Associations d’Éducation Populaire (FRAEP) ; la Jeunesse au Plein Air (JPA) ; Léo Lagrange ; la Ligue Réunion - Fédération des Œuvres Laïques (LR- FOL) ; l’Office Central Départementale de la Coopération à l’École (OCCE) ; Saint-Denis Enfance.


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