Protestation contre le projet de loi Fillon

Des milliers de lycéens dans les rues

16 février 2005

5.000 lycéens ont manifesté hier dans les rues de Saint-Denis pour réclamer ’le retrait pur et simple’ du projet de loi Fillon. Plusieurs centaines de jeunes ont également manifesté à Saint-Benoît et à Saint-Pierre. Le recteur, Christian Merlin, a reçu une délégation de grévistes. Il a estimé que ’les lycéens restent sceptiques’ sur la volonté ’pourtant clairement annoncée’ de François Fillon de retirer de son projet de loi toute réforme concernant le bac.

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"Fillon, ta réforme on en veut pas". "Non au Bac cocotier". "Pas de contrôle continu". "Pas de bac au rabais". "Fillon, fuyons". Les milliers de lycéens qui se sont regroupés pour manifester à Saint-Denis, Saint-Benoît et Saint-Pierre, ont rivalisé d’imagination pour dire tout le mal qu’ils pensent du projet de loi de François Fillon, ministre de l’Éducation nationale, sur la réforme de l’enseignement.
La manifestation a eu lieu, alors que débutent à l’Assemblée nationale les discussions sur le projet de loi. Selon le Rectorat, "entre 60 et 70%" des lycéens de toute La Réunion ont suivi le mouvement de grève. Il s’agit de la plus importante mobilisation lycéenne de l’île depuis les manifestations d’avril et mai 2002 (avant le second tour de la présidentielle de 2002) contre l’extrême-droite et Jean-Marie Le Pen.
Sous une pluie parfois battante, des lycéens de La Possession, du Port et de Saint-André sont venus manifester avec leurs camarades à Saint-Denis. En début de matinée, ils étaient 5.000 à se presser devant les grilles du Rectorat.
L’ambiance est joyeuse. On chante, on danse, on conspue François Fillon et... quelques membres d’un syndicat d’enseignants qui veulent hisser un drapeau de leur organisation syndicale au-dessus d’un camion sono. "C’est notre manif, ne venez pas faire de récupération", demande un groupe de manifestants aux syndicalistes. Le drapeau est vite replié et les choses rentrent dans l’ordre.
Ce sont surtout la suppression des TPE (Travaux pratiques encadrés) et les changements proposés pour le bac qui inquiètent les jeunes. Le projet de loi prévoit en effet d’introduire notamment une part de contrôle continu pour l’obtention du baccalauréat. Les notes obtenues tout au long de l’année seraient ainsi prises en compte.
Les lycéens craignent que cette "dénationalisation" de l’examen - sésame pour l’entrée à l’université -, soit synonyme de "bac au rabais" ou "à la tête du client, selon que le prof s’entende bien ou pas avec l’élève". À la suite des nombreuses manifestations des jours derniers en Métropole, François Fillon a affirmé en fin de semaine que "les réformes ne se feraient pas contre les lycées". Ce qui a fait dire mardi à Christian Merlin que "le ministre a retiré toutes les réformes concernant le bac".

Manifestation possible pour vendredi

Dominique Lucas, secrétaire académique du SNES (syndicat d’enseignants qui a appelé à la grève) n’a pas du tout la même analyse. "En l’espace de quelques jours, M. Fillon a dit tout et son contraire. Il a dit qu’il retirait son projet, puis qu’il le maintenait, qu’il le retirait de nouveau mais que la réforme est quand même bonne... Il lui faut maintenant adopter une position sans équivoque et dire clairement qu’il retire purement et simplement le projet, tout le projet et pas seulement la partie concernant le bac", soulignait Dominique Lucas devant les grilles du Rectorat. Il faisait notamment allusion aux menaces de suppressions pesant sur le maintien et la valorisation de certaines options.
À 11 heures 15, une délégation de 17 lycéens était reçue par Christian Merlin. L’entretien a duré deux bonnes heures. "Le recteur nous a écoutés. Il nous a dit que le ministre avait retiré son projet de réforme sur le bac, mais nous restons mobilisés et il n’est pas exclu que l’on manifeste pour la venue de Madame Girardin vendredi", commentait à l’issue de la rencontre un lycéen de terminale.
"J’ai fait de la pédagogie sur le projet de loi. Je leur ai dit que les réformes concernant le bac ont été retirées et que toute façon elles n’étaient en aucun cas synonyme de dévalorisation de cet examen. Je leur ai également expliqué qu’aucune menace ne pesait sur la pratique de l’EPS et de certaines options. J’ai fait le maximum pour les rassurer, mais j’ai bien senti leur scepticisme. Je ne les ai pas convaincus, loin s’en faut. Je ne suis pas sûr d’avoir été entendu", notait pour sa part Christian Merlin. "Ils ont peur d’un passage en force du ministre pour imposer son projet de loi", ajoutait le recteur.
Les derniers manifestants ont quitté les abords du Rectorat vers 14 heures. Un prochain épisode de mobilisation pourrait donc avoir lieu ce vendredi 18 février lors de l’arrivée dans l’île de Brigitte Girardin, ministre de l’Outre-mer.


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Dans le Sud

"Sauvons l’école ! "

Deux à trois mille lycéens et professeurs venus de Saint-Pierre, du Tampon, de Saint-Louis et même des Avirons ont manifesté dans les rues de Saint-Pierre pour dire “non” à la réforme Fillon. Dans le même temps, une manifestation se déroulait à Saint-Joseph.

"Nous ne sommes pas une troupe sans cerveaux. Les lycéens savent pourquoi ils sont ici et ceux qui ne le savent pas, nous leur expliquons en distribuant un tract". Anthony, du lycée Ambroise-Vollard de Saint-Pierre, un bandeau sur le front affichant un “non” clair à la réforme Fillon, répond ainsi à l’accusation de manipulation. Et il poursuit en disant, "nous ne voulons pas seulement le retrait de la réforme du bac, mais l’abandon de la loi Fillon. Et puis même sur le bac, on se méfie. On se demande si ce n’est pas une manœuvre". À ses côtés son copain Johan, même bandeau sur le front, explique qu’ils entendent également obtenir la revalorisation des filières techniques et professionnelles, mais aussi le maintien des options. "L’option théâtre a permis à beaucoup de lycéens de se raccrocher au système et de poursuivre des études", dit-il avec conviction.
Il est 9 heures et les lycéens de Saint-Charles se sentent un peu seuls sur la place de la mairie. Mais arrivent leurs collègues de Terre-Sainte. Et puis on apprend que des 3 lycées du Tampon descendent à pied quelque 300 jeunes - André Thien-Ah-Koon n’a pas voulu donner les cars, mais les lycéens ont des jambes.
Un groupe de lycéens arrive et l’ambiance monte d’un cran. De la guitare grattée sous l’ombrage d’un arbre, on passe aux tambours et aux sifflets. Le rassemblement s’hérisse de pancartes et de banderoles dont certaines sont fabriquées sur place.

"Ras l’bol"

On peut y lire : "Sauvons l’école" qui prendra tout à l’heure place en tête de la manifestation. Et puis, "Un bac pour tous", "Réforme Fillon, fuyons !", "L’éducation n’est pas une marchandise", "Notre éducation n’a pas de prix", "Les flics au bahut, éducation foutue", "Fillon sacrifie les étudiants, les professeurs, les TPE et autres pour combler le manque de l’État". "Fillon, on n’en veut pas de tes âneries. On n’a pas envie d’être tes bourricots".
Des militants de la FCPE sont présents. Les professeurs du SNES et de Sud éducation commencent à arriver. Un d’entre-eux porte en bandoulière une pancarte qui affirme "Ras l’bol", une expression sans doute partagée par beaucoup de ses collègues. Les lycéens et les lycéennes chantent et dansent. Il est 11 heures passées quand arrivent enfin leurs collègues du Tampon.
Et quand le cortège s’ébranle, avec en renfort quelques lycéens de Saint-Louis, quelques étudiants du STAPS menacés dans leur emploi futur de prof de gym - et le lycée des Avirons est aussi représenté -, ce sont deux à trois mille personnes qui manifestent dans la rue des Bons-Enfants en disant leur opposition à la réforme Fillon. Une délégation de deux représentants du SNES et d’une dizaine de lycéens de Saint-Pierre, Saint-Louis et Le Tampon est reçue par le sous-préfet de Saint-Pierre, Olivier Magnaval. Après les avoir écoutés, ce dernier leur a rappelé l’esprit du projet de loi, et les a assuré que rien ne serait imposé sans être discuté.
Le plus gros des manifestants s’est ensuite dispersé, mais en début d’après-midi, un petit groupe cherchait à bloquer la circulation sur le front de mer.

Y.V.D.E.


Manifestations contre le plan Fillon

La FCPE soutient les lycéens

"On se demande si le Rapport Thélot a été lu par le gouvernement". Oui, constate Hervé Lauret, membre du conseil d’administration de la Fédération des conseils de parents d’élèves à La Réunion (FCPE), il y a eu concertation avec la Commission Thélot, mais une concertation un peu biaisée.
Hier, la FCPE manifestait au Rectorat contre le plan Fillon, pour soutenir les lycéens qui réclamaient le retrait pur et simple de la réforme. "Les TPE, travaux pratiques encadrés, ont été supprimés en Terminale, poursuit M. Lauret, et cela nous inquiète, car cela permettait aux lycéens d’obtenir des points supplémentaires pour le bac".
Concernant la fameuse réforme du bac, Hervé Lauret reste prudent sur le report annoncé par le ministre. "Au niveau national, la FCPE s’est retirée de la commission, car la discussion ne doit pas se faire en 10 minutes. Nous sommes pour une discussion de la réforme, mais à long terme, en profondeur". Selon le responsable réunionnais, la réforme Fillon met à mal l’égalité des chances, en instaurant un contrôle continu qui, selon lui, reviendrait à noter les élèves "à la tête du client". La FCPE a-t-elle des propositions pour une réforme du bac ? "Nous nous basons sur la fédération nationale", répondait hier Hervé Lauret.


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Au lycée Jean-Hinglo du Port

Le proviseur tente d’empêcher la manifestation lycéenne

Les deux bus municipaux mis à disposition des lycéens de Jean-Hinglo, à la demande de ces derniers, ont eu du mal à quitter le Port, hier matin. Les lycéens, rassemblés vers 8 heures 30 devant leur établissement, ont vu des véhicules de la Police stationnés aux abords du lycée. "Un fourgon et deux ou trois voitures" selon un lycéen qui a décrit la situation comme "très tendue", du fait de la volonté du proviseur de s’opposer à leur départ. Les lycéens portois, en grève depuis la veille contre la loi Fillon, voulaient se rendre à Saint-Denis où un rassemblement avait lieu devant le rectorat. Soutenus par les enseignants présents, les lycéens sont passés outre et les deux bus ont finalement quitté le Port vers 9 heures 30. "Cela restera une journée marquante, malgré les difficultés faites au départ. Nous avons donné notre avis et nous ne sommes pas partis pour rien", a commenté un lycéen portois.


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