Accueil des enseignants primo-arrivants à moins d’une semaine de la rentrée

« Et si un élève parle en créole, comment dois-je réagir ? »

16 août 2008, par Edith Poulbassia

Pour cette rentrée scolaire, 580 enseignants de collèges et de lycées et 90 professeurs des écoles sont mutés dans l’île. Confrontation au créole en classe, enseignement de l’Histoire-géographie ou encore de la littérature adapté au contexte local, c’est ce à quoi ils doivent se préparer. La réunion d’accueil organisée par le Rectorat a permis de dispenser quelques conseils à ces primo-arrivants.

« Et si un élève parle en créole, comment dois-je réagir ? ». Cette question est celle d’un enseignant tout juste arrivé à La Réunion pour la rentrée.
Les 580 primo-arrivants pour le second degré et 90 pour l’école primaire ont été accueillis jeudi dernier par le Rectorat. Ces enseignants ne découvrent pas tous l’île. Pour certains, c’est un retour aux sources. Mais pour la majorité, c’est une première.
Le recteur Paul Canioni a rappelé les priorités de l’Académie que ces professeurs devront mettre en pratique.

Aider les élèves à avoir de l’ambition

D’abord, « aider les élèves à avoir de l’ambition », les guider vers un projet de réussite scolaire et sociale. Elèves et parents manqueraient d’ambition dans notre académie alors même que le potentiel existe. Ainsi, au lycée, les parents préfèrent orienter leurs enfants vers des filières professionnelles, alors que plus d’accompagnement permettrait de réussir la Seconde, où l’Académie relève 12 à 15% de redoublements et 10% de réorientations.
Ensuite, contribuer à la maîtrise de la langue française. « Vous devez enseigner le français, car les élèves en ont besoin ». 25 à 30% des élèves éprouveraient des difficultés en français.
Enfin, adapter les programmes en Histoire-géographie, en Sciences de la terre, en Littérature à La Réunion. Paul Canioni a encouragé ces enseignants à faire preuve de curiosité. « C’est une région à laquelle les élèves sont très attachés et une région très attachante. En faisant cette découverte, mieux vous connaîtrez vos élèves et mieux vous pourrez les aider ». Mais que propose l’Académie pour les préparer ?

Le créole est une langue à respecter

Ce sont avant tout les précieux conseils de l’inspectrice d’Académie Evelyne Pouzalgues sur le créole, dispensés en à peine un quart d’heures lors de cette réunion d’accueil. Peu d’enfants comprennent le français à l’entrée en Primaire ; la situation d’interlecte, c’est-à-dire de mélange du français et du créole en raison de la proximité des deux langues, est à l’origine des difficultés syntaxiques et lexicales des élèves ; « parents et enfants ont intériorisé l’idée que le créole est inférieur au français, voire honteux », ce qui entraîne des « comportements complexes faits de valorisation et de dévalorisation du créole » à la fois perçu et vécu comme « langue de l’injure ou langue maternelle ».
Evelyne Pouzalgues conseille aux enseignants de réagir avec « la plus grande attention et sans a priori » aux interventions des élèves en créole. Ne jamais dire à un élève : « ce n’est pas comme ça qu’on dit », car « ce n’est pas un problème de correction, mais de passage d’une langue à une autre ».

L’indifférence au français : la pire des réactions

Rejeter le créole, c’est s’exposer à trois types de réaction de l’élève : « la crainte de prendre la parole par crainte de commettre des fautes de français », « refuser de s’exprimer en français », c’est alors la voie ouverte à la provocation et aux attitudes identitaires, l’élève fini par penser que « le français n’est pas bon pour moi », et enfin « l’indifférence au français », réaction la plus difficile à traiter, d’après l’inspectrice d’Académie. Elle est liée à l’absence d’ambition des élèves, surtout de milieu défavorisé, qui se persuadent que « parler français ne sert à rien » puisqu’ils vont rester dans leur quartier.
Pour les enseignants de collèges et lycées, un stage de comparaison du français et du créole est proposé sur deux jours. Rien ne les oblige à y participer. Le site Internet de Télé-formation Lecture leur est conseillé, ainsi que la référence à des publications sur le créole et sa grammaire.

Les ressources pédagogiques

Enfin, le CRDP (Centre Régional de Documentation Pédagogique) offre des ressources d’éducation. « La production du CRDP est centrée sur La Réunion. Depuis 2002, les programmes en Histoire-géographie, Science de la terre et Littérature doivent être adaptés à l’environnement. Nous sommes beaucoup questionnés sur ce point-là, où trouver des informations, une aide pédagogique dans l’île. Le travail de préparation pour la classe peut être mené à Saint-Denis mais aussi Saint-Paul, Saint-Leu, Saint-Benoît... », explique Jean-Luc Mure, directeur du CRDP. Des ateliers sont organisés tout au long de l’année avec le Rectorat et les établissements scolaires pour faire connaître les ressources pédagogiques. Des DVD et des livres sur « l’abolition de l’esclavage », sur le « développement durable », sur « la faune et la flore de La Réunion » sont également à disposition des enseignants ainsi que des contes pour l’école primaire et le collège, élaborés avec l’IUFM et Océan Edition.

Edith Poulbassia


Une précarité grandissante

C’est le constat du SGEN-CFDT. L’année dernière, l’Académie employait environ 800 enseignants contractuels pour le second degré et 100 vacataires. Les uns sont recrutés pour quelques mois, voire pour l’année, les autres pour 200 heures de cours, précise Jean-Louis Belhote, secrétaire général du SGEN-CFDT.
Pour le premier degré, le recours aux enseignants contractuels n’existe pas dans le public. L’Académie peut puiser dans la liste complémentaire au concours de professeur des écoles. Les 90 primo-arrivants du premier degré ne viennent que combler un nombre de départs équivalent, selon Christian Rozier, secrétaire SGEN-CFDT pour le premier degré. Mais « c’est la première fois que nous nous retrouvons avec zéro poste budgétaire en dotation cette année dans le premier degré. Ce qui signifie que tout ouverture de classe ne pourra se faire sans une fermeture ». Conséquence : toute augmentation de l’effectif en école primaire se fera au détriment de la scolarité des enfants de 2 ans. « Sur ce point, il n’y a aucune volonté de l’Etat », constate Christian Rozier.
Pour 2010, l’Etat envisage de conditionner la présentation aux concours de l’enseignement au niveau Master et de supprimer les IUFM. Une manœuvre que le SGEN-CFDT ne voit pas d’un bon œil. « Le recrutement des professeurs se fait aujourd’hui à Bac +4. Les enseignants sont rémunérés pendant l’année de stage. C’est un plus dans le milieu social défavorisé. Moins de gens pourront aller jusqu’au Master si cette année de stage est supprimée. L’Etat veut faire des économies sur la formation car elle est rémunérée », commente Christian Rozier.

EP

Langue créole à l’école

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