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Etat des lieux et premier bilan
Prévention et lutte contre l’illettrisme :
mercredi 29 octobre 2008
Au rythme proposé par le “Plan d’orientation stratégique de prévention et de lutte contre l’illettrisme” présenté hier à la Préfecture, il faudrait plus de 70 ans et 270 millions d’euros pour venir à bout de ce fléau. C’est presque pire que pour le logement social... N’est-il pas temps de passer à la vitesse supérieure ?
Le Préfet et la représentante du Président de la Région étaient entourés hier d’un panel impressionnant de partenaires institutionnels de la prévention et de la lutte contre l’illettrisme, pour un bilan d’étape de la Charte de partenariat et du plan d’orientation mis en œuvre depuis janvier 2006. L’Éducation nationale, la politique de la Ville, la DRASS, Jeunesse et Sport, la Direction du Travail, la Région, le Département et la CAF apportent, tous budgets confondus, 31,2 millions d’euros... dont seulement 3,8 provenant de la Direction du Travail, de la Région et de l’ADI vont directement aux actions de lutte contre l’illettrisme.
Ce n’est pas que le reste ne soit pas utile, mais cela donne la mesure du rythme auquel ce Plan d’orientation va entrer dans la réalité sociale réunionnaise. 3,8 millions d’euros pour financer chaque année 28 actions de formation visant 1.400 adultes, alors qu’un adulte sur cinq est « en situation préoccupante », pour reprendre un euphémisme de l’INSEE, qui a présenté hier aux partenaires les résultats de son “Enquête sur la situation de l’illettrisme à La Réunion”. Il faudrait plus de 70 ans - réduits peut-être par “l’effet générationnel” (des enfants de mieux en mieux formés) - pour venir à bout des 100.000 illettrés encore laissés sur la touche. Et à côté des actions de formation, 27 actions de prévention toucheraient chaque année un peu moins de 3.000 scolaires dans les dispositifs spécifiques de l’Education nationale.
Comme dit le Préfet, « la situation est sérieuse »... Et elle semble être abordée de manière exclusivement institutionnelle.
Une Charte de partenariat vient introduire, dans la période 2007-2013, « de la cohérence et de la lisibilité dans les actions, ainsi qu’une évaluation des résultats ». Elle définit aussi une méthode articulée sur les deux axes d’intervention présentés plus haut (prévention et actions de lutte).
Selon les évaluations de l’Éducation nationale, 46% des élèves réunionnais intégrés aux Réseaux ambition réussite (RAR) « ont des difficultés importantes », tout comme une proportion équivalente d’élèves des Réseaux de réussite scolaire (RRS). Actuellement, 13% à 15% des jeunes quittent le système scolaire sans qualification (c’est deux fois plus qu’en France) et ces jeunes non qualifiés sont aussi ceux qui ont les plus grandes difficultés d’insertion dans l’emploi.
Les évaluations du service national indiquent que 22% des jeunes sont en difficulté de lecture, dont 11% « en difficultés sévères ».
Selon la Charte, « un travail d’envergure reste à mener... ». Certes. Mais peut-être faut-il revoir aussi la nature des actions. Le Plan considère comme « innovant » le recrutement de 10 adultes-relais pour un accompagnement de proximité des publics illettrés et le partenariat engagé avec La Poste. Mais le reste des actions reproduit ce qui se fait depuis de longues années déjà, sans que le “stock” des laissés pour compte ait diminué de façon significative.
Le Préfet a parlé d’évaluation de la mise en œuvre : un suivi rigoureux, des évaluations intermédiaires et finales permettront d’affiner les résultats. La prochaine étape en serait un bilan de mi-parcours, en février 2009. Il serait notamment important de savoir à cette date si les 1.400 stagiaires prévus ont tous trouvé leur place dans le dispositif. A l’heure qu’il est, ils ne seraient que 700 à 800 concernés par les stages. C’est vraiment trop peu...
P. David
L’INSEE réactualise ses chiffres sur l’illettrisme
« La Réunion compte environ 111.000 personnes âgées de 16 à 65 ans en grande difficulté - 62.000 en “graves difficultés” et 49.000 en “difficultés assez fortes” - dans les exercices simples de communication par écrit. 34.000 ont aussi des difficultés partielles. Ces personnes (...) n’ont pas acquis les compétences de base qui leur permettent d’être autonomes dans certaines situations de la vie quotidienne. (...)
Comme ailleurs les compétences des plus âgés sont moins développées, mais le phénomène est plus prononcé à La Réunion. Les difficultés diminuent avec une plus longue scolarisation. (...) ». C’est ainsi que l’Insee résume les données collectées au cours de l’enquête “information et vie quotidienne” financée à parité par l’Etat et la Région.

Cette enquête donne des résultats jugés « plus fins » que ne l’était sa précédente enquête de 1996-97.
Toutes les personnes en difficulté ne sont pas en situation d’illettrisme. Ce dernier terme qualifie « la situation des personnes qui ont été scolarisées dans le cadre de l’école française, qui en sont sorties et qui ne maîtrisent pas la lecture, l’écriture, le calcul, les compétences de base pour être autonomes dans des situations simples de la vie quotidienne ».
(Source : INSEE)