
C’était un 30 juin
30 juin, par1993- La disparition de Lucet Langenier. Elle a été brutale, prématurée et a frappé douloureusement non seulement sa famille mais aussi ses (…)
Interview de Raymond Mollard, vice président au Conseil régional, chargé de l’éducation
16 août 2008
Pour cette rentrée, un nouveau contingent d’environ 600 enseignants vient d’arriver. On nous dit que 175 d’entre eux sont des originaires de La Réunion, dont on sait que tous - loin de là - n’avaient pas choisi de partir.
Ainsi, au début du XXIe siècle, nous avons encore une institution scolaire qui a un encadrement quasi exclusivement métropolitain, et des Réunionnais qui ont encore beaucoup de mal à atteindre les postes à responsabilité. L’école de La Réunion serait-elle toujours une école coloniale ?
- On n’en est pas totalement sorti, en fait. Un gros progrès a été fait, depuis l’époque coloniale, mais depuis les années 80 seulement. Même lorsqu’on fait des efforts dans un domaine comme celui-là, il reste des traces qui vont perdurer dans les structures et dans les mentalités.
Prenez le mouvement des enseignants... Pendant très longtemps, ce corps de fonctionnaires d’Etat arrivait, avec une indemnité d’éloignement et un sursalaire très important puisque dans les années 70 il pouvait pratiquement doubler la rémunération. Donc, pendant longtemps, “on” se disait que ce n’était pas la peine de former des enseignants réunionnais, puisqu’il y aurait toujours des gens de Métropole ou du circuit international, géré directement par le Ministère pour venir.
Aujourd’hui, l’IUFM existe, mais j’observe qu’il n’a les moyens de préparer qu’au CAPES et au CAPLP. L’agrégation par exemple, qui devrait pouvoir être préparée ici aussi, ne l’est pas. On prépare les professeurs des écoles et du 2nd degré, mais pas les conseillers d’orientation. Ils sont entre 60 et 70 et en quasi-totalité d’origine métropolitaine - quelquefois établis ici depuis très longtemps. Il n’y a pas de formation de psychologue à l’Université. Dans les structures mêmes, on voit bien que l’Etat laisser perdurer une situation qui entretient les séquelles de la colonisation.
Pourtant l’Université de La Réunion est toute jeune. Elle est encore en phase de croissance. Pourquoi ne pas y introduire ces formations qui manquent encore pour permettre aux Réunionnais d’atteindre un plus haut niveau ?
- C’est une des choses dont nous allons discuter avec le nouveau président. La volonté est là, mais il faut des moyens. L’université a un énorme déficit en termes d’enseignement. On nous dit qu’une réforme, une loi LRU - Liberté et Responsabilité des Universités - doit permettre de mettre ces moyens en place. La principale commande, dans un concours, vient de l’Etat. C’est à lui - qui recrute ses fonctionnaires - de faire l’effort de donner à l’Université les moyens supplémentaires dont elle a besoin, notamment en professeurs d’Université, pour préparer les étudiants à tous les concours d’Université.
A partir de cette année, les IUFM deviennent des “Ecoles” d’Université et il reviendra à l’Université de gérer ces moyens.
Dans le 1er degré, on a vu par le passé des gens qui venaient passer le concours ici. C’est un autre aspect de “l’imagerie cocotier”. Qu’est-ce qui subsiste de ces traces de l’école post-coloniale ?
- Cela s’est beaucoup atténué, sans disparaître : on vient chercher le sursalaire, les conditions de travail... C’est la représentation que l’on se fait de La Réunion - et qui s’appuie sur des faits réels. Ici par exemple, il y a très peu de zones qui sont stigmatisées comme le sont les banlieues de la couronne parisienne, par exemple.
Dans les structures d’élèves, on a eu ici plus de classes CPPN - un système qui a perduré pendant 20 ans ! - que de classes “normales”. Et les enfants qui sortaient de ces classes étaient « rendus à la vie active » comme je l’ai vu écrit sur leur dossier. Comme des militaires ! Cela aussi a disparu, mais en laissant des traces. Dans les mentalités subsiste l’image coloniale d’une forme pyramidale traduite dans les structures pédagogiques. Les enfants qui sortaient des classes du bas de la pyramide devenaient chômeurs, "békèr d’klé" et ceux qui ont pu aller vers un CAP ou un BEP - au prix de très gros efforts, car il n’y avait aucune approche socio-culturelle de leurs difficultés - s’en sont sortis, mais les autres sont dans des emplois d’ouvriers/ouvrières (caissières...), pères et mères de famille ou au RMI. L’Éducation Nationale n’était pas prête, alors, à ouvrir l’école à tout le monde. Et cela remonte à loin... Au CCEE, nous avions travaillé sur l’Histoire de l’école à La Réunion. La République (d’abord le Conseil général) a dépensé de l’argent pour créer un corps d’enseignants. Mais, à l’époque de l’esclavage, les cours des Frères et Sœurs des écoles chrétiennes ouvraient entre midi et deux pour les enfants des esclaves. Ce que ne faisait pas l’école publique ! Longtemps, il est resté dans les mentalités que l’école de la République était l’école des Bourgeois, et que les écoles privées - catholiques au début, et autres - sont celles qui accueillaient le peuple. L’école de tous, celle de la laïcité, était en fait réservée à quelques-uns. La situation s’est nettement améliorée, mais cela reste dans les mentalités, un peu comme la trace d’un astre éteint.
Daniel Lallemand avait fait ressortir à un moment, dans les structures éducatives, le fait que nous avions 6 lycées publics et 13 lycées professionnels. C’était l’inverse de la Métropole ! Et il suffisait de se mettre à la sortie des lycées pour voir quels types d’élèves fréquentaient les uns et les autres. Je vous renvoie aux souvenirs d’Albert Ramassamy... Les barrières qu’il évoque ont aujourd’hui totalement disparu. Mais il aura fallu 30 ans après une décentralisation de gauche, pour réussir parfaitement ce brassage !
La “départementalisation” elle-même - qui a été déterminante - n’a pas suffi dans les structures, dans les prises de décision et dans les mentalités des responsables de l’Education Nationale à La Réunion - presque toujours des fonctionnaires de passage - à provoquer le choc.
Les collectivités territoriales - et notamment la Région - veulent impulser aujourd’hui une mobilité positive, pour effacer l’image du B.U.M.I.D.O.M. C’est difficile ?
- Lors de la rencontre avec les 80 étudiants pour les formations culturelles dans différents pays et continents, Wilfrid Bertile a rappelé son engagement, en tant que député puis comme élu, contre le BUMIDOM. Nous voulons aujourd’hui, une mobilité positive (Québec, Inde, Chine, Europe, Amériques...), mais il est resté dans les mentalités le souvenir de gens qui ont été grugées par la politique de Michel Debré ! Il fallait organiser cette rencontre pour expliquer comment tout va se passer, et pour que les jeunes et leurs familles voient que ce n’est pas pour se débarrasser d’eux qu’on les envoie au bout du monde.
On voit les difficultés aujourd’hui avec nos TOS. Combien sont venus nous voir, avec Yvon Virapin, pour rechercher une solution ? Ceux en poste en France veulent revenir avant 1er janvier 2009, parce qu’après, ils ne seront plus titulaires d’Etat et il n’y aura plus de règle de passage d’une collectivité à une autre. Et encore une fois, c’est pour La Réunion que le problème est très important. On a vu beaucoup de gens qui avaient conscience d’être devant leur dernière chance de rentrer au pays. Quand on fera des recrutements, on essaiera de garder une petite marge... Que ce ne soit pas complètement fermé.
On peine à comprendre pourquoi il faut autant de temps pour négocier avec l’Etat des rotations de ses fonctionnaires originaires de La Réunion qui ne portent pas toujours la marque des relations post-coloniales justement, à sens unique...
- On voit ici des gens reçus au concours de chef d’établissement (pas préparé ici) qui refusent leur affectation parce qu’on leur propose systématiquement de partir. Il faudrait leur dire qu’ils partent juste pour “avoir une expérience”, de 2 ou 3 ans. Cela peut se négocier.
Pareil pour les professeurs. S’ils doivent partir contre leur gré - ce qui est déjà dommage - au moins qu’ils soient sûrs de revenir, après 3 à 5 ans. Il faut que cela soit mis en place par discussion entre les syndicats professionnels et le Ministère. L’Académie de La Réunion, seule, ne peut pas décider. La Région peut aider et cela fait partie de ses orientations, à tous les niveaux de la fonction publique et pas uniquement dans l’Education Nationale. On a tous vu ce qui s’est passé avec le Parc national.
Que des gens viennent d’ailleurs, c’est normal ; mais cela ne doit pas être systématique. Et s’il doit y avoir “échange”, il faut qu’il se fasse dans les deux sens. Tous ces fonctionnaires réunionnais qui ont donné satisfaction pendant longtemps, quand ils ont eu envie de revenir ici, ils en ont été empêchés pendant longtemps. Sans parler de ceux qui, à force de ne pas pouvoir rentrer, ont quitté la Fonction Publique.
Il ne s’agit pas de dire qu’on ne doit recruter que sur place ; il faut que dans les compétences requises, la connaissance du milieu - qui fait d’ailleurs partie de l’exercice de la fonction - entre en compte. Un Réunionnais est Préfet en Corse. Mais il n’y jamais eu un Recteur Réunionnais par exemple !
Pour sortir de la post-colonie, ne peut-on se donner, pour l’enseignement, les mêmes objectifs que pour les énergies ? Avec pour principale exigence de s’ouvrir aux pays de l’Océan Indien et des environs ?
- On a ici une jeunesse extraordinaire, des parcours extrêmement brillants de jeunes qui sont issus de milieux très modestes. Il y a un potentiel qu’il faut organiser. Nous en sommes à la 3e école d’ingénieurs, à presque 600 jeunes Réunionnais au Québec... Je ne compte plus Erasmus...
Il y a la volonté politique, mais il faut discuter avec l’Etat. Avec le système de formation que nous avons, nous pouvons mettre en place une forme de recrutement en partenariat avec Madagascar. ...Nos Volontaires du Progrès ne sont que quelques dizaines, mais ce sont des centaines qu’il nous faudrait mettre en selle. Il faut des moyens, mais pas extraordinaires. Pour eux, c’est une expérience exceptionnelle. Madagascar, qui va avoir d’ici 2030, près de 40 millions d’habitants, n’a pas un système de formation assez démocratisé. Mais nous, en tant que voisins, nous aurions les moyens de travailler avec eux, en partenariat, dans cette optique-là.
Pour les Réunionnais, le problème n’est pas de rester à La Réunion, mais de s’intégrer dans les structures pilotées depuis La Réunion, en partenariat avec l’Etat, pour insuffler des projets de co-développement, en accord avec les pays voisins et pas dans un esprit colonial. On pourrait à ce moment-là vivre de véritables échanges.
Les fonds du POE sont d’à peu près 35 millions d’euros. La condition est que l’argent soit dépensé dans le pays avec lequel on est en partenariat. On peut bien sûr avoir des échanges culturels ou sportifs, mais je pense que les actions de formation seraient plus profitables, que ce soit avec les VP ou dans le cadre d’échanges et de partenariat entre des lycées.
Les lycées agricoles sont très impliqués dans des échanges avec le Kwazulu Natal, le Zimbabwe, Comores, Madagascar... Une classe du lycée de Bellepierre est partie deux fois au Nord du Mozambique...
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