Bilan du congrès académique du SNES

L’accès aux savoirs pour tous : un idéal menacé

13 mars 2007

C’est dans un contexte particulier marqué par les attaques gouvernementales à l’encontre des services publics et de ses personnels, et à l’approche des échéances électorales, que le SNES, principal syndicat du second degré de l’Education Nationale, a tenu, mercredi et jeudi derniers au Lycée Bel Air de Sainte-Suzanne, son congrès académique. Obligations de service des enseignants, accès aux savoirs et aux qualifications, découragement des professeurs et des élèves... : Michel Zerwetz, secrétaire académique du SNES fait le point sur deux jours de débats.

Plus qu’un rafraîchissement ou un toilettage, le système éducatif français vit une profonde réforme. Le changement est nécessaire, mais lorsqu’il est avant tout motivé par des prérogatives économiques, l’éducation devient marchande. Après les TOS, le statut des enseignants est remis en question, la qualité de l’éducation, les outils de la réussite... l’accès aux savoirs pour tous, idéal de l’École républicaine est menacé.

«  Dégraissage  » des horaires

La réforme du décret de 1950 qui remet en cause les obligations de service des enseignants et introduit la bivalence ne finit pas de faire parler d’elle. « En 2007, il n’est pas ridicule de revoir ce texte, soutient Michel Zerwetz. On ne fait pas de blocage, mais rafraîchir ce décret nécessitait des discussions préalables, une concertation, ce qui n’a pas du tout été le cas et c’est caractéristique de De Robien. Le problème est que cette réforme ne consiste pas en une approche pédagogique mais économique. » Imposer aux enseignants des missions éducatives qui ne relèvent pas forcément de leur service est « navrant en plus de démobiliser. »
Les établissements, y compris les ZEP, ont tout intérêt à garder leurs effectifs d’élèves sans quoi la perte de Dotation Horaire Globale ne se fera pas attendre, comme l’application du décret De Robien n’a pas attendu sa parution au Journal Officiel. En 2007, les lycées de l’île ont déjà perdu 1100 heures de DHG. Un « dégraissage » qui, pour Michel Zerwetz, aura pour conséquence de nuire globalement aux collégiens et à une large frange d’élèves de plus en plus en difficulté. En supprimant les horaires de dédoublement, de soutien scolaire, leur suivi ne sera plus assuré alors que les effectifs par classe vont exploser. Quant à la bivalence, il est évident qu’elle va impacter sur la qualité de l’enseignement. « Il faut de la compétence, c’est une question d’honnêteté intellectuelle, soutient Michel Zerwetz. Tous les professeurs de mathématiques ne se sentent pas capables d’enseigner la physique ou le contraire. Ils ne sont pas formés pour ça. » Comment dès lors ambitionner la réussite des élèves quand les conditions d’accès aux savoirs sont inégales ?

L’échec du collège pour tous

Les participants au congrès du SNES ont eu une discussion de fond sur la question du collège ou du lycée dit unique. Pour le syndicat, il ne s’agit pas de « collège unique mais pour tous, avec le même enseignement pour tout le monde dans les mêmes conditions. » Avec la mise en place des Zones d’Éducation Prioritaires, Lionel Jospin avait amorcé ce principe d’égalité des chances. Pour Michel Zerwetz, l’objectif premier est que, en fin de 3ème, tous les élèves aient au moins un bagage leur permettant d’aller plus loin, soit dans l’enseignement général, soit dans l’enseignement professionnel. « Il faut que des moyens spécifiques soient dévolus aux établissements pour pouvoir répondre aux besoins des élèves en difficulté comme aux éléments brillants. Il faut que le collège s’adapte à tous, avec le même objectif de réussite final. » La question des moyens est donc au coeur de la pédagogie mais sur ce point, « il est plus facile de se faire sucrer des postes que de s’en faire créer. » Le collège pour tous est un échec. Un échec qui se répercute au lycée.

80% de bacheliers : loin de cet objectif

« des élèves de 3ème ne passent pas en seconde et quand ils y arrivent, ils ne sont pas parés », constate Michel Zerwetz. Plus qu’un déficit au niveau de l’orientation, le secrétaire académique pointe du doigt la question de l’affectation et de la carte scolaire. A part égale, les élèves réunionnais se dirigent aussi bien vers la voie générale que professionnelle. Le problème est que notre département enregistre un déficit important au niveau des lycées professionnels. Chaque année, il manque 1 600 places soit autant d’élèves non affectés et basculés en seconde générale. « Ils sont fortement découragés, déplore Michel Zerwetz. On les envoie en seconde ce qui conduit aussi à leur évaporation. Ceux qui restent, on essaye de les garder, de les conseiller, mais c’est un lourd travail pour les collègues confrontés à des élèves sans base et démotivés. » Comment dès lors parvenir à atteindre l’objectif de 80% de bacheliers ?
« Nous ne sommes absolument pas dans cette trajectoire, mais plus dans les 50%. Pourtant, sachant que 80% des emplois demanderont le niveau Bac, si on veut suivre ce mouvement, il faut maintenir cet objectif de 80%, que les jeunes travaillent ici ou à l’étranger. » Si les enseignants s’insurgent c’est justement qu’ils doivent tenir la barre de plus en plus seuls, sans toujours pouvoir apporter de réponse à leurs élèves. « Les professeurs vont être découragés, soutient Michel Zerwertz. Ils font déjà beaucoup de choses qui ne sont pas inscrites dans leurs obligations de service, mais si on les attaque sur ce terrain-là, l’action sera un peu épidermique. »

«  Un front syndical inhabituel  »

Parmi ces réactions épidermiques, se développe le boycott des examens blancs, préparatoires aux épreuves finales du brevet et du baccalauréat. Michel Zerwetz comprend parfaitement l’inquiétude des parents face à ce type de mobilisation, mais quand ils sont informés sur la teneur et les conséquences concrètes de la réforme du système éducatif, selon lui, ils comprennent. « On comprend leurs inquiétudes, mais on n’a pas toujours en amont le soutien des parents d’élèves. La PEEP par exemple a voté tous les décrets De Robien au Conseil Supérieur de l’Éducation. Elle est mal placée pour se plaindre après. »
Alors oui, les enseignants s’insurgent, se mobilisent jusque dans la rue pour interpeller, et le gouvernement, et l’opinion publique qui n’est pas toujours avisée sur leurs conditions d’exercice. Accuser les professeurs de ne pas assez travailler, de ne pas conduire les élèves à la réussite tient de la stratégie. « Diviser pour mieux régner, cela a toujours été utilisé et cela marche encore », note Michel Zerwetz.
Néanmoins, les enseignants continuent sur « un front syndical inhabituel. » Alors que ceux de La Réunion seront en vacances, l’Intersyndicale nationale de l’éducation a prévu un nouveau rassemblement le 20 mars pour manifester à nouveau sa désapprobation quant au décret De Robien et reposer la question de la rémunération. « On alourdit les services et obligations des enseignants quand ils enregistrent une perte de leur pouvoir d’achat. On peut vous dire travailler plus pour gagner plus, mais là on travaille plus pour gagner moins ! »
Toutes ces questions seront soulevées lors du congrès national du SNES qui se tiendra du 25 au 30 mars à Clermont, et lors de la réunion des syndicats SNES des DOM qui se tiendra la veille pour partager leurs spécificités telles que la langue et la culture régionales.

Stéphanie Longeras

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- Le bilinguisme : une réalité, une pédagogie

« 
Donner les outils pour travailler dans de meilleures conditions  »

Des heures d’enseignement du français qui diminuent au collège, passant de 6 à 4 heures hebdomadaires, et le Rectorat qui annonce une augmentation de 30% en 3 ans d’élèves faisant leur entrée en 6ème et qui ne maîtrisent pas le français, dont l’apprentissage est pourtant priorité de l’Académie. Michel Zerwertz s’il considère les statistiques en matière de lecture « fantaisistes », estime néanmoins qu’ « on ne résoudra jamais le problème des collèges si on ne résout pas le problème en primaire. Les élèves ne sont pas armés pour suivre l’enseignement en 6ème. » Et parmi les éléments sur lesquels se pencher, la question du bilinguisme se pose voire s’impose. « Nous avons une position assez claire : il est utile de tenir compte du fait qu’un certain nombre d’enfants ont comme langue maternelle le créole. Il est indispensable de leur faire pointer la différence, de distinguer le niveau de langue dans les deux langues, pour leur permettre de maîtriser parfaitement les deux. » Michel Zerwetz pense qu’il y a une pédagogie mise en place à développer mais malheureusement pas assez de professeurs pour s’y atteler et pas assez d’information délivrée aux parents dans ce sens. « Les gens sont très méfiants quant à la pédagogie. Il ne s’agit pourtant pas d’entretenir qu’on peut le penser sur un plan idéologique leurs enfants dans le créole mais bien de leur donner les outils pour travailler dans de meilleures conditions. »

SL


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