Recherches sur les maladies génétiques

L’importance de travailler ensemble

12 novembre 2005

Une journée de conférences-débats à l’université a permis de faire le point sur les recherches scientifiques menées à La Réunion sur les maladies génétiques. Cette journée a surtout permis de démontrer une fois de plus qu’il est important pour les chercheurs de différentes disciplines de travailler ensemble pour confronter leurs découvertes afin de prévenir ces maladies.

Le service Génétique du Centre hospitalier départemental de Bellepierre, dirigé par le docteur François Cartault, a organisé jeudi à la Faculté des Lettres et Sciences humaines de l’Université une journée de conférences-débats sur le thème de “la diversité génétique réunionnaise”, afin de mieux combattre les maladies héréditaires. Dans ce cadre, il s’agissait notamment de restituer les premiers résultats de l’étude génétique réalisée depuis deux ans auprès de 523 Réunionnais volontaires et bénévoles.
Cette étude a été effectuée dans le respect de l’anonymat des personnes sur lesquelles on a prélevé l’ADN mitochondrial (transmis uniquement par les mères) et le chromosome Y (transmis de père en fils). Hommage a été rendu à ces personnes de toutes origines, de toutes les régions de l’île et donc représentatives de la population réunionnaise et de son évolution. (1)
Elles ont permis à Vincent Dubut, doctorant en anthropologie moléculaire, de mieux connaître le pool génétique réunionnais. Celui-ci "est le fruit d’une combinaison complexe de brassages biologiques entre des populations préalablement séparées géographiquement". Ces recherches ont établi que "tous les groupes réunionnais partagent de nombreux ancêtres en commun" et que "le peuplement de La Réunion est un modèle pour la génétique".

“La Réunion, réunion des peuples”

D’où le titre symbolique donné à cette journée : “La Réunion, réunion des peuples”. Tout cela pour souligner que la population réunionnaise est à la fois le produit d’un mélange extraordinaire entre des personnes d’origines extrêmement diverses et d’un tronc commun qui en fait en quelque sorte une seule et même “famille”. Une “famille” dont il ne faut tout de même pas oublier qu’elle est née d’un crime contre l’humanité - l’esclavage - et de rapports humains violents, en particulier à l’égard des femmes.
C’est ce que rappelait le président de la Région, Paul Vergès, lors de la séance d’ouverture de cette journée. Sans oublier non plus que l’ouverture de notre société et son métissage ne cessent d’enrichir la diversité et l’unité de la population réunionnaise. (voir encadré)
Ce message a également été transmis par Dominique Thionville, une généalogiste, qui rappelle que "Kafs, Malbars, Shinois, Zarabs, Yabs, nou tout lé réyonés". Elle a démontré qu’"en tant que source renseignant sur l’histoire des familles, la généalogie permet de mieux appréhender les mécanismes de transmission et de diffusion des gènes au sein de la population". Elle affirme aussi que les études sur nos ancêtres "offrent aux Réunionnais la possibilité de découvrir leur histoire autrement et de compléter certaines pages de l’histoire du peuplement de La Réunion".

Une rencontre exemplaire

Cette histoire a été présentée brièvement par le professeur Prosper Ève, historien à l’université. Celui-ci a souligné les spécificités du peuplement de notre île, qui proviennent en particulier des besoins économiques liés à la colonisation, avec le passage d’une économie d’autosubsistance à la production de café, puis à celle d’épices et ensuite à celle de la canne à sucre. Prosper Ève a également présenté une étude sur l’évolution de la consanguinité dans les différentes communes réunionnaises.
Les autres exposés ont porté sur la contribution de l’anthropologie moléculaire à la connaissance des peuplements humains (professeur Pascal Murail), sur les représentations de l’hérédité et le choix du conjoint au 20ème siècle (Thierry Malberg, sociologue) et enfin sur la naissance de l’entité créole - physique et culturelle - de la “maoulité” au 17ème siècle (professeur Sudel Fuma, historien) (2) .
Comme on le voit et comme l’a noté le docteur Cartault, cette journée très riche et de haut niveau scientifique a surtout permis de "montrer au grand public à quel point la recherche pour dépister les personnes porteuses de gènes à risques et éviter de nouveaux drames s’appuie à La Réunion sur une nouvelle méthodologie : la coopération des généticiens, historiens, généalogistes, anthropologues, démographes etc...".
Cette rencontre entre des médecins et d’autres chercheurs avec le soutien de l’université et des collectivités réunionnaises est exemplaire. Elle est appelée à se poursuivre au service des Réunionnais.

L. B.

(1) Ces personnes peuvent obtenir les résultats de ces recherches génétiques les concernant et qui ont été effectuées en respectant les règles de la CNIL (Commission nationale informatique et liberté). Il suffit qu’elles écrivent au service Génétique du CHD de Bellepierre, 97405 Saint-Denis.
(2) “Maoul” vient du terme malgache “mahaolona”, qui signifie “homme bien”.


Paul Vergès

À travers une histoire violente, une voie vers l’égalité

Lors de la séance du matin de la série de conférences-débats sur la diversité génétique réunionnaise, le président du Conseil régional a fait une intervention, où il a exprimé son point de vue sur le thème de la journée : “La Réunion, réunion des peuples”.
Il a d’abord rappelé qu’il est de bon ton de souligner l’harmonie de notre société, cela répond souvent aux opportunités du moment. Mais la réalité est différente, car notre histoire, dans sa plus grande partie, a été marquée par l’esclavage.
Notre peuple est issu d’un crime contre l’humanité : c’est ainsi que nous sommes rentrés dans l’Histoire. Quand le Code noir a légalisé l’esclavage, on a justifié cette législation par une idéologie de la supériorité. Cette idéologie a perduré. On doit se demander comment une société bâtie sur de telles inégalités a pu, malgré tout, parvenir à un modus vivendi.
De la même façon, le métissage biologique est célébré. Mais, pendant longtemps, il fut le résultat de la violence des maîtres sur les esclaves. Ajoutez à cela que les esclaves hommes étaient beaucoup plus nombreux que les femmes, que sur les bateaux négriers avait lieu la pariade au cours de laquelle des femmes étaient “offertes” à l’équipage. Mises enceintes, ces femmes assuraient la reproduction des esclaves.
Depuis un demi-siècle, il y a eu de nombreux et de profonds changements. En particulier, des femmes, par l’accession à l’indépendance économique, ont modifié leur comportement et ont remis en cause leur domination.
Cela ne peut que nous conforter dans une voie qui permet l’égalité entre les femmes et les hommes, quelle que soit leur origine. Il n’y a pas de peuple supérieur, pas de “race” supérieure, pas de culture supérieure.


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