L’Etat retire ses billes du dispositif de la mobilité

La formation stoppée dans son élan : Rényoné krèv atèr

6 février 2008

Hier matin, quatre élus de la Région chargés des divers aspects de la mobilité ont fait part de leur révolte face à la décision de l’Etat, partenaire indélicat, de retirer ses billes, au risque de faire s’écrouler les fonds européens. L’ANT voit son fonctionnement remis en cause. En 2007, on dénombrait 4.500 jeunes ayant eu un parcours de formation en mobilité. Aujourd’hui, il ne peut plus y avoir aucun départ.

L’information a été transmise le 23 janvier et confirmée deux jours après par la Préfecture. L’Etat a décidé de couper 73% des moyens financiers qu’il apporte à la programmation 2008 de l’ANT (Agence Nationale Insertion Promotion Travailleurs Outre-Mer), soit 3,06 millions d’euros en lieu et place de 11,4 millions d’euros. Cela signe la mise à mort du Projet Initiative Jeune (PIJ) ainsi que celle de la Formation Individualisée en Mobilité (FIM). Le gouvernement semble vouloir faire du chiffre en raccourcissant la durée des stages, sans voir quelle est la suite au niveau de l’insertion professionnelle. Des milliers de jeunes Réunionnais voient leur projet brisé brutalement.

Baisse de 73% des financements

« Ces mesures sont incompréhensibles, c’est un choc pour nous », livre Wilfrid Bertile, « jusqu’à présent, l’Etat, le Département et la Région sont dans une politique commune de développement de la mobilité. L’Etat est celui qui est le plus demandeur et le plus pressant pour faire un chiffre maximal. Entre 2005 et 2007, il voulait doubler les départs. Cette baisse des crédits est en contradiction flagrante avec une volonté affichée de faire partir près de 10.000 personnes ».
Ces coupes subites arrivent alors que la collectivité régionale essaye de diversifier les destinations vers l’Australie (en plus de la Métropole et du Québec) et que d’autres axes forts lui sont imposés par la décentralisation de Raffarin, dont la formation sanitaire. A titre d’exemple, la future école de kinésithérapeute qui formera 20 personnes est extrêmement coûteuse, plus de 1 million d’euros.

Tous les départs sont annulés

Avec cette perte de financement, l’ANT, société d’Etat créée en 1982 pour prendre le relais du BUMIDOM (1962), risque de voir son fonctionnement mis en cause. De plus, les crédits d’Etat ne sont souvent qu’une contrepartie nationale pour accéder au crédit européen (FSE). D’ores et déjà, la quasi-totalité des crédits prévus pour 2008 seront consacrés aux personnes qui sont déjà engagées dans un processus de formation. Tout autre départ est annulé.
Wilfrid Bertile attire notre attention : « Le cas le plus grave dans l’immédiat, c’est celui des 180 jeunes, sélectionnés en novembre dernier, qui se préparent à aller au Québec au mois de mars et qui ont déjà reçu leur certificat d’adoption ». Les jeunes en mobilité au Québec disposent de deux sources de financement : le PIJ venant de l’Etat (305 euros par mois) et l’Allocation Complémentaire Hébergement versée par la Région (395 euros). Durant 3 ans, ils obtiennent ce financement de 700 euros par mois, exigé par le pays d’accueil pour toute adoption, la dernière année est à la charge de la Région seule.

Des flics à la place du fric ?

La soustraction est vite faite et Wilfrid Bertile en tire les conséquences : « Pour ceux qui doivent partir en août, les 305 euros n’existent plus. Soit les parents payent, mais tous les parents ne peuvent pas, ou bien les jeunes ne partent plus. Voilà la situation dans laquelle nous sommes. Il faut rapidement que les parents alertent les parlementaires pour que ceux-ci interviennent auprès du gouvernement comme nous le faisons avec le Département. C’est une catastrophe. Le gouvernement côté cour affiche la volonté d’augmenter la mobilité, et côté jardin, il diminue les aides, ne les verse pas. Pendant ce temps, on envoie les flics au Port. Si on n’offre pas des solutions d’avenir sur place ou en mobilité, quelle amélioration espérer ? ».

L’ANT : le grand absent

Annick Le Toullec note qu’il y avait hier « un absent autour de cette table, c’est l’ANT. L’ANT aurait du être avec nous, mais la Préfecture leur a donné l’ordre de ne pas venir. Dès le mois de janvier, l’ANT ayant connaissance de coupes possibles, a cessé de faire l’avance de la part Région aux jeunes au Québec ». La collectivité a du, dans l’urgence, pallier au problème.
On entendra peut-être une réaction du grand absent bientôt, car le Conseil d’Administration de l’ANT aura lieu le 13 février.

Francky Lauret


Formation professionnelle

Comment se former aux grands chantiers ?

Denise Delorme est intervenue sur le volet de la formation professionnelle des demandeurs d’emploi, ils sont 3.000 âgés entre 16 et 30 ans. Tous les organismes d’apprentissage (AFPAR, CFA, Chambre de Commerce, Chambre d’Artisanat) sont concernés, c’est-à-dire des jeunes qui préparent CAP, BEP, Bac Pro, BTS et Ingénieur. Denise Delorme s’appuiera sur un autre exemple : « L’année dernière, 150 personnes sont parties en formation d’infirmières en Ile-de-France et en Normandie. Et toutes ces personnes ont eu l’aide de l’Etat, de l’ANT, à travers le PIJ. C’est extrêmement grave. Si nous nous retrouvons seuls.... il ne sera plus possible de permettre ce genre de formation ». Avec le risque de voir les fonds européens se retirer, l’axe principal de mandature “Ouvrons les horizons de La Réunion” est amputé. Le Plan Régional de Développement des Formations est tout à coup privé des connaissances qui se trouvent en dehors de l’île.

Non à la mobilité sélective

Or, souligne Denise Delorme, « nous ne pourrons pas ouvrir toutes les écoles à La Réunion. L’Ecole de Gestion et de Commerce également bénéficie du PIJ pour financer les 6 mois de stages de leurs étudiants. Là, nous avons reçu un coup de massue sur la tête ; ce sont des milliers de jeunes qui vont être escamotés dans leur parcours professionnel. Avec les chantiers qui s’ouvrent, plus d’un millier de personnes sont parties et revenues. Pour le tram-train, conduire un train, ça ne s’apprend pas à La Réunion, idem pour les jockeys du futur hippodrome. On devrait leur dire que c’est fini à cause de l’Etat ? Mais qui on est, nous, à La Réunion, pour subir ça ?! Il est de ma responsabilité politique d’agir. Qu’est-ce que je vais dire aux familles, pour la grande majorité au RMI ou au SMIC ? Les jeunes vont aller s’inscrire à la Fac ? Les jeunes ont besoin d’une formation professionnalisante. Allond-nous faire une mobilité sélective ? Toi tu parsparce que ta mère peut payer... Et vis-à-vis du gouvernement québécois ? Nous venons de signer une Charte en février 2007 et voilà que l’Etat Français ne veut plus payer. L’argent qui va rester ne sera plus que pour honorer ceux qui sont partis. Ils sont 600 au Québec. Véritablement, il n’y a plus de nouveau départ. Plus de mobilité pour les grands travaux ».

FL


Au niveau des lycées et de l’Université

Repas de noce contre régime sec, sans sel

Raymond Mollard est intervenu pour le second degré et pour l’Université qui viennent de se lancer dans un programme d’élévation des niveaux de qualification, via la mobilité éducative. Au niveau des voyages linguistiques, cela concerne 2.500 lycéens chaque année, et du côté des stages professionnels, on dénombre 650 BTS et 250 étudiants en situation de mobilité. Que va devenir cette politique de financement de la mobilité ? Raymond Mollard s’insurge : « Les TOS précaires connaissent une baisse drastique. La continuité territoriale est stoppée depuis octobre dernier. Nous sommes vraiment en période de restriction budgétaire. En fait, de repas de noce, ici, c’est le régime sec, sans sel. Nous nous sommes engagés en concertation avec l’Etat. Si ces chiffres se confirment, c’est un coup d’arrêt très sévère ».

FL


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