Le DIF risque de disparaître

4 juin 2008

Quatre ans après sa création, le DIF (Droit Individuel à la Formation) suscite des craintes quant à de futures difficultés de financement. Certains tirent l’alarme...

Instauré en 2004 dans le cadre de la loi relative à la formation tout au long de la vie, le DIF ouvre un droit à 20 heures de formation par an - cumulables sur 6 ans - pour chaque salarié. La philosophie du DIF est de favoriser l’accès à la formation d’une population qui en était jusque-là éloignée. « Le DIF a pour but de réduire les inégalités qui existent en matière d’accès à la formation entre salariés de grands groupes et de TPE, mais aussi de donner des leviers de négociation au salarié pour construire un projet de formation avec son employeur », précise Philippe Debruyne, ancien secrétaire adjoint de la Fédération F3C (Communication, conseil culture) à la CFDT.
Quatre ans plus tard, le dispositif semble avoir trouvé son public. Pour l’Agefos-PME (Organisme paritaire collecteur agréé interprofessionnel et interbranches) : « Le nombre de DIF dans les PME a explosé puisqu’il est passé de 4.800 en 2005 à presque 57.000 en 2007 », note Laurence Carlinet, directrice nationale du développement.

Des DIF refusés par manque d’argent

Une montée en puissance qui pose la question du financement : une entreprise sur deux s’inquiète à ce sujet, note l’enquête de Demos. « Du côté des organismes collecteurs, on commence déjà à voir des DIF refusés par manque d’argent », ajoute Laurence Carlinet. Ces problèmes de financement ont déjà des effets pervers. « 70% de nos DIF sont financés au titre de la professionnalisation alors qu’il devrait l’être par le plan de formation de l’entreprise », indique l’Agefos-PME, « En clair, cela signifie que les entreprises piochent dans les fonds mutualisés. Et ces derniers se réduisent comme une peau de chagrin... d’où les premiers dossiers refusés ». Et ceci malgré la mutualisation des fonds « facilitatrice » de trésorerie.
Afin de pallier au problème, l’Agefos-PME suggère d’augmenter légèrement les cotisations des entreprises dans le but de financer le DIF, une hausse estimée à environ + 0,03% de la masse salariale et que l’Agefos-PME souhaiterait déductible des charges pour l’entreprise. Mais, pour l’instant, il ne s’agit que d’une proposition. Autre possibilité, celle d’un DIF "transférable" : « L’idée d’intégrer la notion de "parcours" dans le DIF, avec possibilité de garder ses acquis, même en changeant de branche, est l’une des évolutions possibles du DIF », précise Philippe Debruyne de la CFDT, « C’est l’un des enjeux-clefs des réformes à venir ».

« Une véritable bombe à retardement »

Si les branches permettent d’ores et déjà une mutualisation des moyens, que dire des grandes entreprises qui gèrent de manière indépendante leur budget formation ? La situation semble plus critique. D’après certains observateurs, elle est même en passe de devenir explosive pour une partie d’entre elles : « C’est une véritable bombe à retardement », s’exclame Didier Cozin, ancien directeur de Greta et fondateur de l’AFTLV (Agence pour la formation tout au long de la vie).
Dans le cadre de son activité de formateur, celui-ci a rencontré plus de 500 entreprises, dont de nombreux grands groupes. Son constat est alarmant : « De nombreuses entreprises n’ont pas du tout anticipé les demandes de DIF. Elles se sont dit : "Tant qu’il n’y a pas de demandes, on ne bouge pas". Les budgets ne tiennent pas compte des futurs dossiers qui vont affluer sur le bureau du responsable de formation. A défaut d’être immédiat, l’effet pourrait se faire sentir d’ici un an ou deux : je crains, dans les années à venir, un nombre de contentieux croissants entre employeurs et salariés auxquels on va refuser des DIF pour cause de financement. Pour les salariés qui auront épargné patiemment leurs heures en vue d’un projet de formation, la déception sera grande ».

Un droit pour le salarié qui n’oblige pas l’employeur

Certains juristes d’entreprises qui se sont penchés sur le problème ont déjà relevé une faille dans le système : d’après la loi, le DIF accorde un droit au salarié d’ouvrir une négociation avec son entreprise. Mais qui oblige réellement l’employeur à accorder la formation demandée ?
« Le DIF est avant tout un droit "à l’initiative" et non un droit accordé "de fait" au salarié », précise Marie-Christine Soroko, déléguée générale de la FFP (Fédération de la Formation Professionnelle). « L’entreprise est libre d’accepter ou non la demande de DIF, d’où l’obligation pour elle de créer des lieux de négociation afin de gérer le départ en formation et ne pas créer des frustrations sur le terrain. On peut en déduire que le risque pour les entreprises est donc moins financier que social. Avec, pour conséquence, un nombre potentiel croissant de conflits, voire de recours aux Prud’hommes ».


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