Observation du ciel réunionnais

Le letchi orbital réunionnais vu du volcan

25 janvier 2021, par Kalouma

La semaine dernière, plus précisément entre le 20 et le 22 janvier, le letchi orbital réunionnais a fait plusieurs passages dans le ciel de notre île. La station qui l’a embarqué il y a 13 ans, Genesis-II, est une structure gonflable construite par le propriétaire d’une chaîne de motels des Etats-Unis d’Amérique. Le lancement avait eu lieu le 28 juin 2007 depuis la Sibérie.

Janvier 2021. Treize ans et sept mois après son lancement, la station gonflable de Robert Bigelow tourne toujours en orbite à 500 km de la Terre (photo). Elle a ainsi fait pas loin de 75.000 révolutions et parcouru 3,25 milliards de kilomètres au-dessus de nos têtes.

Et, en certaines occasions, elle est visible à l’œil nu pourvu que l’heure de son passage* et les conditions d’observation le permettent.
C’était le cas la semaine dernière et Guy Pignolet, l’éducateur spatial réunionnais qui a été à l’origine de plusieurs lancements d’objets de notre île dans l’espace, n’a pas voulu laisser passer cet événement sans le partager avec d’autres passionnés d’espace et d’astronomie… ou de simples curieux et curieuses endémiques comme moi par exemple… incapable d’identifier les constellations sans une carte du ciel sous les yeux, mais toujours prête à scruter cet infini si inspirant.

Lundi dernier offrait une première occasion d’observation, à 5h20. Dans l’Ouest où je me trouvais alors, il n’était pas simple de localiser un point d’observation sans pollution lumineuse. Je l’ai cherché vers l’étang Saint-Paul. Mais à cette heure avancée, le jour commençait à poindre et le ciel, déjà pâli, n’a pas laissé voir ce que j’y cherchais. Les étoiles s’éteignaient les unes après les autres et pour le lendemain, je changeai de point d’observation en me rendant dans le sud-est de l’île. Là-bas, le meilleur poste d’observation est le Grand Brûlé, mais l’heure de passage du mardi matin (5h05) n’était toujours pas très favorable pour l’observation d’un petit objet peu lumineux. Ce jour-là non plus, rien de très net à signaler en ce qui concerne le letchi. En revanche, la Station Spatiale Internationale (ISS) est apparue très nettement environ un quart d’heure plus tard, pendant quelques minutes.

Je décidai d’attendre le jour où le passage de Genesis-II était annoncé pour 4h33. Et le jeudi, avec des amis, nous voilà en route à 2h du matin, pour être sûrs d’arriver avant 4h, et avoir le temps de trouver le bon emplacement, de regarder les cartes du passage (voir ci-après), de repérer le petit Lion, la Croix du Sud et d’anticiper la trajectoire.
Lorsqu’après Bras Calumet, nous avons traversé la brume dense qui avalait la route devant nos phares, l’inquiétude nous a gagnés. Que verrions-nous si cette brume persistait ? En fait, bien avant d’avoir passé le col de Bellevue, nous avions laissé derrière nous l’épaisse traîne blanche accrochée à flanc de montagne.
Un premier arrêt sur le chemin du pont de Trente nous persuada vite qu’il fallait continuer l’ascension et passer au-dessus de la forêt de cryptomérias. Il n’était pas encore 4h et nous avions le temps de prendre la route du volcan jusqu’à atteindre une altitude suffisante.
A cette heure très matinale, nous étions encore seuls au volcan. Nous croiserions plus tard, dans la descente, les premiers randonneurs. Le ciel était extraordinairement dégagé, les étoiles brillaient de tous leurs feux dans le silence envoûtant de la nuit.

Soudain, à l’heure exacte, à l’endroit indiqué, le satellite est apparu. Guy Pignolet n’en revenait pas : lui qui avait déjà observé “ notre letchi ” une demi-douzaine de fois, n’avait encore jamais vu son satellite porteur aussi net, aussi brillant. GENESIS II a suivi exactement la trajectoire prévue pendant environ 3 minutes, visible du début à la fin. Dans le temps où le letchi descendait vers la Croix du Sud, l’ISS traversait une autre partie du ciel : très visible elle aussi puisqu’avec ses 100 m de long, elle est plus grosse et plus éclairée que l’habitacle du letchi. Elle est l’objet le plus brillant du ciel.

Ainsi, ce jeudi-là, nous vîmes presque en même temps deux objets réunionnais envoyés dans l’espace à sept ans d’intervalle : dans GENESIS II, la coque consolidée et « customisée » d’un letchi sainte-rosien et dans l’ISS, le crystal composé en 2014 par la maison Swarovski à partir de 33 échantillons terriens mélangés à de la roche martienne. Il se trouve – et cela ne doit rien au hasard – que parmi les 33 échantillons terriens figure un morceau de Fournaise, envoyé par Guy Pignolet au joallier tyrolien. L’année suivant sa création, le crystal Tiuterra (Tiu est du vieil anglais pour désigner Mars) a été exposé pendant plusieurs mois à la Cité du volcan.

Pour l’ancien ingénieur du CNES qu’est Guy Pignolet, ces objets envoyés dans l’espace nous rappellent que La Réunion a sa place dans la découverte et la connaissance de l’univers et de ses mystères. Des prédictions qui pouvaient passer pour des actes de foi… ou de la science-fiction il y a trente ou quarante ans, font aujourd’hui partie de notre présent.
Les industriels réunionnais ont raté le coche des voiliers solaires il y a une quinzaine d’années mais en mai 2010 les Japonais ont envoyé la voile solaire Ikaros vers Vénus, apportant des éléments essentiels à la faisabilité d’engins spatiaux propulsés par les rayons solaires. « Si le projet Papangue avait trouvé à l’époque l’écho qu’il méritait auprès d’industriels de La Réunion, notre île serait aujourd’hui un des leaders mondiaux pour la propulsion photonique » rappelle l’ingénieur de Sainte-Rose.

Pour ce précurseur, il ne fait aucun doute également que l’évolution des technologies et des matériaux, tout comme la pressante necessité d’une transition énergétique, ouvrent pour demain des domaines innovants d’activité économique, avec autant de possibilité d’emplois dans les activités liées à l’espace, à l’horizon 2040 ou 2050, qu’en a créé ici l’informatique au cours des vingt dernières années.

Mais qui est prêt à l’entendre ?

Kalouma


* Pour connaître les heures de passage des satellites, je vais voir le site heavens-above.com. Il donne énormément d’informations (en anglais), mais semble avoir une difficulté dans certaine mise à jour… Sa liste des agences spatiales partenaires ignore l’agence chinoise, bien que les vols des satellites chinois y soient répertoriés comme les autres.

En encadré
Prochains passages

Ceux et celles qui voudraient observer le letchi une prochaine fois peuvent dès maintenant retenir la date du 30 mars 2021. Le techi passera entre 19h27 et 19h30, passant presque à la verticale (78°) du Sud vers le Nord. Pas de lune pour nous éclairer et le soleil sera à 16° et 17° sous l’horizon.

A la Une de l’actu

Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus