Culture et identité

Le maire de Saint-Paul écrit au recteur

11 avril 2006

Après le refus d’un inspecteur de l’Éducation d’accueillir dans les écoles de sa circonscription (Saint-Paul 2), un spectacle de danse indienne invité par la municipalité pour fêter le Nouvel An tamoul, le maire de Saint-Paul interroge le recteur sur le sens des valeurs transmises par l’école. ’Le génie réunionnais, qui était celui de nos ancêtres et qui nous a permis, ici et maintenant, de vivre ensemble, est-il transmis ?’.

"Depuis 5 ans, nous organisons une fête de toutes les communautés présentes à Saint-Paul", explique Marie-Gertrude Orphé, adjointe déléguée aux Affaires scolaires, présidente de la Caisse des écoles et enseignante. Avec Thierry Vinbouly, directeur de l’Enfance et de la vie éducative, ils avaient préparé une fête pour le Nouvel An tamoul et invité, comme l’année dernière, un spectacle de danse indienne.
Ils se sont heurtés cette fois-ci au refus d’un des 2 inspecteurs de l’Éducation, en poste dans la commune depuis septembre 2005.
Ce refus, motivé par le fait qu’une telle manifestation "ne fait pas partie du projet d’établissement", selon l’inspecteur de Saint-Paul 2, a obligé les organisateurs municipaux à modifier leur programme dans l’urgence.
Le maire de Saint-Paul, Alain Bénard (UMP), a rendu publique hier la lettre ouverte qu’il adresse au recteur, pour lui demander de "rappeler à l’ordre un fonctionnaire dont les décisions insultent la République et la citoyenneté de chacun".
La lettre du maire souligne dans son début les efforts déployés par les Réunionnais pour consolider et transmettre leur "savoir-vivre ensemble, (...) construction humaine qui résulte de la transmission d’une culture particulière, un fait de civilisation". (...) "La détermination ferme de nos ancêtres à trouver les bases d’une vie en commun leur a permis de surmonter leurs contradictions et de produire les compromis nécessaires à une vie ensemble. Le génie réunionnais, qui était celui de nos ancêtres et qui nous a permis, ici et maintenant, de vivre ensemble, est-il transmis ? Les générations d’aujourd’hui ont-elles intégré les valeurs qui nous permettent de “vivre mélangés” ?" (...) Alain Bénard a rappelé à ce propos que c’était la raison pour laquelle il ne s’est "pas opposé à la Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise". "On peut critiquer le projet - a-t-il ajouté - mais son intention est bien de dire : “Ce que nous vivons est précieux et il nous faut le transmettre”". L’école n’aurait-elle aucun rôle à jouer dans cette transmission ?
"À La Réunion, les lois de la République, la laïcité ont contribué fortement à la construction d’une société plurielle, respectueuse des différences et des opinions, et néanmoins attentive à l’unité réunionnaise. Ce qui fonde notre vie en commun, c’est le pari d’une vie ensemble. D’une vie métissée. Cette exception réunionnaise ne prétend pas à la perfection, mais elle constitue le vivant témoignage d’un autre chemin possible pour la Terre. Voilà pourquoi la transmission, entre les générations, de ce savoir-vivre “ensemble mélangés” dépasse le contexte réunionnais", poursuit le maire de Saint-Paul (UMP), Alain Bénard.
La municipalité saint-pauloise s’interroge sur "l’incohérence" qu’il y a, pour deux inspecteurs d’une même institution, en poste dans une même commune, à prendre 2 décisions opposées. "Ce genre de comportement, méprisant, provoque la honte ou la colère. Nous ne sommes plus dans le registre de la honte. C’est surtout de la colère", a ajouté Alain Bénard.
Le maire s’est dit décidé à aller aussi loin ou aussi haut qu’il le faudra dans la hiérarchie républicaine "pour faire valoir la diversité culturelle". "L’avenir de l’humanité est-il dans la guerre de tranchée ou dans l’acception de l’autre ? Incontestablement, nous avons ici une longueur d’avance", a-t-il ajouté, en regrettant "la culture de l’affrontement" à laquelle il attribue le manque de souplesse du nouveau fonctionnaire de l’Éducation.
"Ou il change ou il s’en va", a-t-il dit, en tempérant cette conclusion belliqueuse d’un souhait de bonne année (“puttandu vajtukal”) à l’adresse du fonctionnaire récalcitrant...

P. David


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