Le Rectorat veut renforcer l’éducation à la sexualité

22 avril 2008

« Ne pas parler de sexe aux éléves de CM2, c’est de la non-assistance en personne en danger ».

Dans le cadre de la lutte contre les grossesses précoces voulue par le Préfet, le Recorat va rendre applicable à La Réunion une circulaire de 2003 visant à instaurer 3 séances d’éducation à la sexualité dans chaque classe, de la Maternelle à la Terminale. Lionel Leduc, chargé d’assurer la formation continue de la communauté éducative, nous explique tout l’enjeu de ces séances.

En début d’année, lors de sa conférence de rentrée avec la presse, le Préfet Paul-Henry Maccioni avait annoncé vouloir se pencher activement sur le taux particulièrement élevé de grossesses précoces à La Réunion. En 2006, elles ont concernées 1.248 jeunes filles parmi lesquelles 586 ont mené leur grossesse à terme et 662 ont subi une IVG.

« L’école a à parler des faits... »

Le 4 avril, s’est réuni pour la première fois le Comité de Pilotage de lutte contre les grossesses précoces, présidé par le Préfet au titre de la Section Régionale Interministérielle d’Action Sociale. Membre de ce comité, également Vice-président de l’ARPS, Lionel Leduc a été délégué par le Rectorat pour assurer la formation continue des membres de la communauté éducative qui souhaiteront s’inscrire dans ce qu’il préfére appeler une « approche globale de la sexualité pour la prévention des comportements à risque » plutôt que de l’éducation sexuelle. Le terme éducation renvoie trop, selon lui, à l’idée de leçons de conduite alors que « l’école a à parler des faits, de leurs conséquences et à laisser le choix aux jeunes. Il faut partir de la sexualité des enfants telle qu’elle est et pas telle qu’on voudrait qu’elle soit. S’ils sentent que l’adulte va les juger, ils ne pourront pas rentrer en confiance, s’exprimer librement ». Bien sûr, le contenu des séances varie en fonction de l’âge du public, et bien sûr encore, il ne s’agit pas de donner des cours de sexualité, mais bien d’offrir aux enfants et aux jeunes la possibilité de verbaliser leurs sentiments, d’exprimer leurs émotions, de confronter leur rapport à l’autre.

Prévenir les maltraitances

La Réunion compte seulement deux institutrices spécialisées, l’une à Sainte-Rose, l’autre au Tampon, pour intervenir dans le primaire. Une démarche que n’approuvent pas toujours les parents comme l’explique Lionel Leduc. « Certains freinent des quatre fers car les enfants, une fois en confiance, comprenant que les adultes ne sont pas autorisés à tout faire avec eux, pourraient alors parler de certains cas de maltraitrance, d’attouchement ». « L’éducation sexuelle en primaire c’est avant tout montrer que son comportement à des conséquences physiques, psycho-affectives. Commencer en primaire facilite la socialisation et la citoyenneté, permet d’éviter des violences sexistes en favorisant un rééquilibrage fille/garçon dans une société encore marqué par le machisme, permet encore de prévenir les maltraitances ». A l’IUFM, l’année dernière, Lionel Leduc a délivré deux heures de sensibilisation aux professeurs des écoles en deuxième année. Il a constaté une certaine frilosité d’une partie de l’assistance car le terme même de sexualité dérange. « On ne prononce le mot sexe que dans les deux dernières années du primaire, précise Lionel Leduc. Ne pas parler de sexe aux éléves de CM2, c’est de la non-assistance en personne en danger ».

« En CM2, 1 éléve sur 2 a déjà vu un film pornographique »

Croirait-on en effet que nos enfants vivent dans une bulle hermétique aux influences des médias, de la télé où l’amour et le sexe sont omniprésents ? « C’est ici un grave problème car la sexualité est véhiculée sur un mode pornographique. En CM2, 1 éléve sur 2 a déjà vu un film pornographique que ce soit à la télé ou sur le GSM », resitue Lionel Leduc. Si l’on ne démystifie pas, selon lui, cette image de la sexualité où la femme est en demande constante, ou quand elle dit non c’est oui, quand elle a mal, c’est normal... « on va droit à la catastrophe ». Impossible de contrôler tous les vecteurs de communication dans une société ou les nouvelles technologies prennent le pas. « Mais on pourrait commencer par la publicité sexiste ou extrêmement sexuée », où la voiture ne se vend pas sans femme et le fer à repasser sans Apollon.

« L’homosexualité n’est pas contagieuse »

Lionel Leduc rappelle que ces références générent des complexes chez les jeunes qui, s’ils ne ressemblent pas à Adriana Karembeu ou à Brad Pitt, se dévalorisent, subissent les railleries de leurs camarades. « La més-estime de soit conduit à faire n’importe, à prendre des risques très tôt. Les complexes se forment dès le primaire ». Instaurer cette approche globale de la sexualité permet aussi de lutter contre les discriminations relatives à l’orientation sexuelle de chacun. « Il y a un gros travail à faire pour parvenir à plus de tolérance. Les tentatives de suicides sont multipliées par 10 chez les jeunes à tendance homosexuelle. Il faut rappeler que l’homosexualité n’est pas contagieuse ». Un chiffre aussi pour rappeler à quel point il est important de libérer la parole : 60% des détenus incarcérés en prison sont coupables de délits sexuels.

Stéphanie Longeras


An plis ke sa

IUFM, IRTS, IFSI : pas de formation initiale à l’éducation sexuelle

Si la formation continue est destinée à l’ensemble de la communauté éducative, le groupe de 15 personnes pris en charge la semaine dernière pendant 4 jours par Lionel Leduc n’était constitué que d’infirmières et d’assistantes médicales. Il espérait accueillir des professeurs des écoles, des lycées, mais l’information n’aurait pas été assez largement diffusée, à moins que ces derniers ne se sentent pas concernés. « La sexualité concerne tout le monde, défend notre interlocuteur. Elle ne doit pas être réservée aux professionnels de santé, aux professeurs de SVT ou d’EPS. La prévention peut être assumée par tous à condition d’être motivé, formé, bien dans sa tête ». Le principe de la formation n’est pas de préciser les mots à dire ou non, mais de permettre aux professeurs de favoriser une dynamique d’échange avec un groupe d’élèves. A ce jour, l’éducation à la sexualité n’est inscrite dans aucune des formations initiales délivrées par l’IUFM, l’IFSI (Institut de Formation aux Soins Infirmiers) ou l’IRTS. Pour Lionel Leduc, il est important de mettre des modules en place, en s’assurant que la formation initiale ne soit ni médicalisée, ni réservée à une catégorie de professeurs.

« L’école a toute sa place pour faire le dénominateur commun »

L’ARPS participe aux côtés de Sid’Aventure et de Rive à la campagne de prévention visant à favoriser la communication sur la sexualité en famille. Intervenant également auprès des lycéens, Lionel Leduc constate que sur un groupe de 15 éléves seulement 1 ou 2 confient aborder le sujet avec leurs parents. En lycée général, ils sont globalement un petit 10%, plus près des 5% d’ailleurs, alors qu’en lycée professionnel, on les cherche encore. S’il comprend la gène que peuvent ressentir les parents à aborder le sujet avec leurs enfants, les uns et les autres se voyant comme asexués, les conséquences parfois irréversibles des comportements à risques devraient les inciter à franchir le pas. Mais la gène n’est pas le seul frein à l’ouverture au dialogue : les comportements sexuels déviants avec les enfants, la tradition, la religion ou le milieu social sont autant de barrières à franchir. Partant de constat, Lionel Leduc soutient que « l’école a toute sa place pour faire le dénominateur commun. Mais il faut bien mettre les parents dans le bain sinon ils vont défaire à la maison ce qu’on a fait à l’école ».

SL


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