Mobilité

Le Secrétaire d’Etat à l’outre-mer déploie une logique comptable et des ardeurs d’apprenti sorcier

21 août 2008

Le Secrétaire d’Etat à l’outre-mer, Yves Jégo, dit vouloir donner un “nouveau départ” à la mobilité...qui n’en a pas besoin. Si l’Etat maintient sa participation à son niveau actuel, elle marche très bien, merci pour elle.
Et s’il cherchait seulement à faire des économies au détriment de la jeunesse réunionnaise ? Au bout de la logique gouvernementale apparaît une volonté de casser un dispositif performant, pour des raisons strictement budgétaires.

La façon de procéder du Secrétaire d’Etat à l’Outre-Mer commence à être connue. Elle pourrait même très vite perdre de son efficacité à force de tirer toujours sur les mêmes ficelles... Yves Jego est annoncé pour la fin du mois et il se prépare à mettre en cause le dispositif de mobilité mis en œuvre par la Région. Air connu.

L’article paru dans le JIR de mardi, directement inspiré de la philosophie du gouvernement sur la mobilité, annonce que les “audits” se sont intéressés « au financement de chacun des partenaires dans les quatre dernières années ». Pourquoi seulement quatre ans ? Parce qu’il semble bien, à lire la suite de l’article, que le gouvernement est parti en guerre contre la mobilité des jeunes Réunionnais au Québec.
Mais la démarche est toujours la même : le gouvernement se place dans une perspective de réduction de ses crédits, il appelle “réformes” de simples restrictions budgétaires et commence par culpabiliser et accuser faussement ses partenaires en portant, sans preuve, des accusations infondées (“manque de transparence”) comme si les chiffres n’étaient pas connus de tous !
Le procédé qui consiste à faire réaliser un prétendu “audit” dont les données sont connues à l’avance, en dit assez sur le manque de sérieux des objectifs poursuivis.

Agressivité et incohérences

La démarche d’Yves Jégo souffre de plusieurs incohérences. Il déclare vouloir donner la « priorité à l’emploi », ou à « l’insertion professionnelle »... mais il n’a pas besoin pour cela de s’en prendre à la Région. L’insertion professionnelle regarde le CNARM et le Département. L’ANT et la Région ont la compétence de la mobilité et de la formation professionnelle, et non pas de « l’insertion ». L’emploi est une prérogative de l’Etat, par l’intermédiaire de l’ANPE. Or la plateforme internationale de l’ANPE, à Saint-Paul, place chaque année très peu de Réunionnais - à peine 200 par an - à l’extérieur de l’île. Si la priorité du gouvernement est l’emploi, que les services de l’Etat en fassent la démonstration avec les dispositifs prévus à cet effet.
Autre incohérence : “L’audit” demandé à un cabinet parisien - dont la “version définitive” se fait attendre...- “saucissonne” de façon absurde les sources de financement du dispositif, encore une fois dans un but de dénigrement de la collectivité territoriale. L’apport de la Région n’est pas de « 2 à 3 millions » mais de 9 millions chaque année, gérés sur convention par l’ANT, et cela n’a aucun sens de dissocier les fonds européens de la collectivité habilitée à les distribuer ! Ce gouvernement aurait-il, quand ça l’arrange, des pensées “séparatistes”... comme disait Michel Debré ?

C’est d’autant plus irresponsable d’attaquer sous cet angle que la Région pourrait décider de gérer directement le dispositif avec les fonds disponibles. Elle fait déjà pour d’autres dispositifs, comme par exemple, Primoliv, qui concerne chaque année 40.000 personnes. Elle pourrait aussi le faire pour les quelques centaines de départs en mobilité.

Une logique comptable obsessionnelle

Le plus évident, dans les critiques gouvernementales envers la Région, est qu’elles ne reposent sur aucune politique de fond. Yves Jégo n’a aucune politique de mobilité à opposer à celle de la Région : il est seulement obsédé par une diminution des crédits d’Etat et dénigre la politique de la Région justement parce qu’il n’en a pas d’autre.
Est-ce un hasard si tous les dispositifs de la Région intégrant des crédits d’Etat importants sont dans le “collimateur” du Secrétaire d’Etat à l’outre-mer ?
Jusqu’à cette année, il n’y a eu aucune "impasse budgétaire". Les fonds à la mobilité permettent de répondre aux besoins de la jeunesse réunionnaise. Et personne ne demande à l’Etat de les augmenter.
Le problème vient de la volonté du gouvernement de réduire sa participation. L’approche comptable du secrétaire d’Etat ne se comprend que parce que l’Etat veut diminuer ses crédits à la mobilité. Elle transparaît dans la logique qui voudrait « plutôt que d’envoyer un jeune au Québec, (...) en envoyer deux se former à l’AFPA à Paris avec l’assurance d’un emploi ». D’une part, l’exemple est mal choisi puisque le Secrétaire d’Etat considèrerait aussi que « la mobilité ne doit plus se substituer aux formations qui peuvent se faire localement », et il se trouve que les AFPA existent à La Réunion. D’autre part, ces AFPA que le Secrétaire d’Etat semble parer de toutes les vertus, ont un taux d’embauche qui n’est pas supérieur au taux global, de 38%. Pourquoi dénigrer la centaine de formations culturelles et sportives de la Région, sur ce critère, alors que l’insertion professionnelle est le maillon faible de tous les dispositifs... et qu’il relève de l’Etat ?!
L’Etat regarde-t-il le taux d’embauche des étudiants sortant de ses établissements professionnels ou des IUT ? Et s’il le faisait, cesserait-il de les financer pour autant ?
Le taux d’emploi des formations financées par l’Etat est très faible à La Réunion. Aussi, si l’emploi est vraiment “la priorité” d’Yves Jégo, il y a d’autres mesures à prendre pour « optimiser les dispositifs » existants.

Attaquer comme il le fait le dispositif régional est aussi une démarche d’apprenti sorcier. Imaginons que la Région, fatiguée de cette guéguerre incessante et stérile, décide de mettre en place ses propres dispositifs, avec les fonds de l’Europe et sans l’aide de l’Etat. Yves Jégo ne veut plus du guichet unique ? Qu’il en assume d’autres - ce qui, au passage, serait une curieuse façon de faire des économies ! Les jeunes verront alors qui finance la mobilité et qui rechigne à la financer.
Si la Région gérait directement les crédits à la mobilité, l’ANT en serait la première lésée dans ses ressources. Le Secrétaire d’Etat à l’Outre-mer a déjà démobilisé le personnel du CNARM et de l’ANT en évoquant une “fusion” qui a déjà tout de l’Arlésienne, le voilà maintenant qui s’attaque à un dispositif performant, juste parce qu’il veut réduire la durée des PIJ (Projet initiative Jeunes) et limiter la participation de l’Etat.
Si c’est sa volonté, qu’il l’assume devant la jeunesse du pays. Ses efforts désespérés pour se trouver un bouc émissaire ajoutent le pathétique à la misère.

P. David


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