Le Québec et la Réunion

Mobiles ou pas, et pour quoi faire ?

14 novembre 2007

Pourquoi le Québec ? La question est quelquefois posée en forme de reproche aux élus de la Région. La “mobilité” façon BUMIDOM a laissé des traces cuisantes ; d’autre part, les familles ayant souvent fait de gros sacrifices pour pousser leurs enfants jusqu’au Bac, puis à l’Université ou dans les grandes écoles, la question de l’emploi des Réunionnais à La Réunion se pose en des termes différents de ce qu’ils étaient il y a 40 ans. Beaucoup ne sont pas prêts à admettre qu’il faille encore et toujours s’expatrier pour trouver un emploi - un emploi qualifié ou un emploi de cadre - alors qu’il y a des postes à pourvoir et que ces postes sont souvent occupés ici par... d’autres expatriés. La problématique coloniale n’est jamais très loin.
S’y ajoutent d’une part le phénomène migratoire lié au fait que nous sommes une île, et d’autre part les données plus récentes d’un monde du travail cherchant à s’adapter à un “marché en expansion”, où la mobilité joue un rôle déterminant parmi les critères de la mondialisation.
A Dubaï, petit émirat arabe de 3885 km2, migrent chaque année des milliers de travailleurs indiens, pakistanais, sikhs ou asiatiques employés dans des conditions encore assez proches de l’esclavage - aboli dans les Emirats Arabes Unis vers 1950 - bien que participant globalement d’une richesse par habitant estimée à 17.000 dollars US (PIB).

« Des immigrants de choix »

Nos échanges avec le Québec ne relèvent pas de ces mouvements migratoires, mais d’une “mobilité choisie” de part et d’autre, qui n’est pas sans rappeler la conception de « l’immigration choisie » prônée par les classes dirigeantes françaises. Les immigrants de la catégorie économique constituent 70% des nouveaux arrivants, pour 15% qui viennent en regroupement familial et 15% comme réfugiés.
Le Québec pratique la sélection de ses immigrants « à cause de son statut particulier au sein du Canada » explique le sous-ministre à l’Intégration, Jacques Robert. « Ce n’est pas en fonction de l’origine géographique mais selon une grille de migration à points » poursuit-il. Selon cette grille, les migrants sont sélectionnés en fonction d’un nombre de points que leur apportent leur maîtrise de la langue française et leurs domaines de formation, entre autres critères. Et les Québécois se défendent de faire du critère de la langue un critère discriminant. « On ne naît pas avec une langue, on l’apprend et tout le monde peut apprendre le Français », ajoute Jacques Robert. Le Québec cherche à pourvoir 680.000 postes dans les cinq ans à venir, engendrés pour 1/3 par la croissance et pour les 2/3 restants par les départs à la retraite.

A La Réunion, où environ 3.000 étudiants partent chaque année faire leurs études hors de l’île - dont 1.500 seulement avec une aide, tandis que les autres galèrent pas mal - l’accord passé avec le Québec est considéré par les responsables politiques comme « une ouverture sur des horizons nouveaux, et une diversification de la palette des formations », insiste Denise Delorme qui, comme Raymond Mollard ou Anick Letoullec, a rencontré des jeunes Réunionnais partis au Québec pour échapper à une situation d’échec, ici, en dépit de leurs diplômes.
La formation au Québec donne aux jeunes qui partent la garantie d’une expérience professionnelle, alors qu’ici c’est souvent ce qui fait obstacle à leur embauche lorsqu’ils sortent de formation. Pour la Région Réunion, dont une des missions est la formation professionnelle, l’intérêt de cet échange est d’envoyer se former des centaines de jeunes « qui très vraisemblablement reviendront un jour. C’est préparer des jeunes à une mobilité qui est une règle dans l’économie mondiale d’aujourd’hui », ajoute Raymond Mollard.

P. D.


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