Coopération internationale

Ouverture hier du Forum Québec - La Réunion

5 mars 2003

Un pont entre les antipodes

Le Forum Québec - La Réunion a commencé hier matin à la Région par une présentation générale des partenaires et des objectifs poursuivis par chaque partie. Le fait que soit pleinement impliqué dans ces échanges le ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration montre que, pour les Québécois, l’enjeu n’est pas seulement celui de la formation et de l’accès au marché du travail, comme il l’est pour la jeunesse réunionnaise. La présentation des diverses régions et des instituts ou organismes représentés par les seize membres de la délégation a permis aux participants au Forum de bien cerner les attentes de chacun.

Valoriser les atouts de La Réunion

Le Président de la Région, en ouvrant le Forum, l’a placé dans le droit fil de la politique tracée depuis 1998 sous sa mandature : valorisation des atouts de La Réunion, entre autres par une politique de formation la plus diversifiée et la plus pointue possible et ouverture au monde.
Paul Vergès, dans un clin d’œil à l’un des "pères" de la loi de 1946 - qui a transformé La Réunion de colonie en département d’outre-mer - a placé la rencontre entre La Réunion et le Québec sous l’égide d’un « Réunionnais d’origine québécoise », en l’occurrence le syndicaliste Vincent de Paul, Marie, Jules, Simon, Léon Mézières de Lépervanche dont le trisaïeul paternel, Jean-Marie Mézières de Lépervanche, né à Montréal, a quitté l’Amérique du Nord en 1763, à la signature du traité de Paris par lequel la France a cédé le Canada à l’Angleterre. Plus qu’un simple clin d’œil, cette évocation venait souligner un cousinage qui sera certainement allé droit au cœur de nos visiteurs québécois, dans leur souci de renforcer leurs relations avec des communautés francophones.

Une politique différente de celle du BUMIDOM

Paul Vergès a poursuivi son allocution de bienvenue en comparant la politique actuelle des collectivités pour développer les filières de formation avec ce que fut, dans le contexte des années 60-70, la politique d’émigratrion mise en œuvre avec le soutien du BUMIDOM. « Aujourd’hui, la pression démographique est infiniment plus forte qu’au début des années 60. Cela peut faire penser à certains que la situation est sans solution uniquement réunionnaise », a-t-il dit en donnant à ses hôtes les quelques chiffres-clés pour la compréhension de la situation réunionnaise d’ici vingt ans : une augmentation de la population active de 46%, une forte croissance démographique, et en même temps, un meilleur niveau de formation, avec plus de 10.000 bacheliers par an et des filières universitaires toujours plus diversifiées. La déclaration commune à La Réunion et au Québec vise à « soutenir le séjour au Québec en période temporaire. C’est le jeune qui prendra éventuellement la responsabilité de transformer ce temporaire en définitif », a dit Paul Vergès en concluant la présentation de cette orientation différente de celle du BUMIDOM par un appel aux jeunes, ceux à qui il reviendra un jour de « faire le bilan de cette politique ».

Filières de formation

Vincent Bouvier, secrétaire général de la Préfecture et représentant du Préfet, a souligné « la double nécessité » pour La Réunion : développer l’île en tenant compte des principales contraintes et s’ouvrir au monde. Les échanges avec le Québec offrent, dans cette optique, la possibilité de partenariats nouveaux, comme l’a aussi relevé le représentant du président du Conseil général, le conseiller dionysien Gino Ponin-Ballom, en soulignant le principe de réciprocité des échanges. Après l’accueil des institutionnels réunionnais, la chef de la délégation québécoise, MIcheline Baril, a évoqué les filières de formation et domaines de recherche dans lesquels les instituts ou établissements québécois sont prêts à accueillir des étudiants de l’île. Certains les accueillent déjà depuis le milieu de la précédente décennie.
Pour le Québec, l’enjeu va bien au-delà de la seule formation par la mobilité. L’appel lancé par Micheline Baril évoquait davantage une incitation à l’installation définitive, lorsqu’elle a déclaré que l’ouverture du Québec aux citoyens francophones « représente aujourd’hui l’un des éléments majeurs de notre réaction collective pour assurer la survie de notre communauté française d’Amérique ». C’est dans ce but que le Québec s’est donné un « plan de promotion à l’étranger », envoyant une de ses représentantes dans notre île pour une durée d’un an (voir "Témoignages" d’hier). Les représentants des régions québécoises qui se sont exprimés après elles ont donné un aperçu de ce qu’ils peuvent offrir aux jeunes en matière de formation, de niveau de vie et de découverte des provinces les plus excentrées qui, au-delà de leur capacité d’accueil dans des universités ou des centres de formation, doivent aussi lutter contre un effondrement démographique qui est la conséquence du choc culturel vécu par le Québec dans les 30 à 50 dernières années, dans le passage d’une société rurale à une société industrialisée et de services.

« Un partenariat à long terme »

Il ne manquait, dans l’hémicycle de la Région, qu’une grande carte des treize régions administratives du Québec, situant celles évoquées par les membres de la délégation : l’Outaouais adossé à la province canadienne de l’Ontario, les Laurentides dont la population a crû de 20% ces cinq dernières années ; la Chaudière-Appalaches sur la rive Sud du Saint-Laurent, où un fort tissu de PME aura « 31.000 postes à combler d’ici 2005 », a dit Marie-Claude Laberge conseillère pédagogique d’un organisme de formation de Beauce-Appalaches ; ou encore la Montérégie sur la même rive, plus au Sud, plus près de Montréal. La délégation québécoise se compose de quatre groupes distincts, représentant des institutionnels, des établissements de l’enseignement supérieur, des centres de formation professionnels et des représentants du secteur privé.
Tous ont brossé un bref descriptif de leur établissement d’origine, indiquant le nombre de filières, le nombre d’étudiants ou les potentialités d’embauche de leur région. D’autres encore, comme Gaëtan Bovin, directeur de l’Institut Maritime du Québec, sont venus chercher « un partenariat à long terme », tout comme les responsables du futur tram-train pourraient souhaiter en instaurer un avec l’important centre Bombardier de Valcourt en Estrie, près de Sherbrooke.

Curiosité et sympathie réciproque

L’intérêt de la rencontre a résidé dans le dialogue qui s’est instauré ensuite avec les étudiants présents. Certains avaient déjà vécu l’expérience de quelques années de formation au Québec et ils ont pu évoquer, devant les lycéens de Georges-Brassens ou devant d’autres candidats au départ et devant les élus, quelques-unes des difficultés surgies au cours de ces échanges.
Un ancien étudiant de l’École nationale d’Aérotechnique, muni de ses diplômes québecois, a soulevé le problème posé par l’absence d’équivalences qui aujourd’hui contraint ses choix en l’obligeant à travailler en Amérique du Nord, faute de pouvoir faire valoir des équivalences en Europe. D’autres ont évoqué des problèmes de visas. Non pour décourager les candidats au départ, mais pour les inciter à bien faire leur choix dans les filières.

Paul Vergès, en concluant la séance, a observé que le problème d’équivalence est « un problème général », dont ont à souffrir en France également - et dans d’autres pays d’Europe - de très nombreux médecins des hôpitaux publics et intellectuels d’origine étrangère. « On ne peut pas à la fois faire la promotion de la mobilité et refuser les conséquences de cette mobilité, que sont les équivalences », a-t-il lancé aux participants réunionnais et québécois.
Mais au-delà de ces difficultés, il est passé dans l’assemblée un courant de curiosité et de sympathie réciproque, qui donneront peut-être envie à de nombreux jeunes de désot la mèr et chanter, avec Robert Charlebois « si j’avais les ailes d’un ange, je partirais pour l’Québec ! »


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