Pourquoi ce rejet des “intellectuels” ?

3 juillet 2006

Le mot “intellectuel” vient du verbe latin “intellegere”, qui signifie “comprendre”. Être un intellectuel signifie donc d’abord vouloir comprendre, et donc chercher, interroger.
En France, il existe une longue tradition de l’intellectuel qui interpelle le pouvoir. Montaigne et Voltaire en sont des exemples, et bien sûr Émile Zola, dont le “J’accuse” à propos de l’Affaire Dreyfus deviendra l’exemple même de l’engagement de l’intellectuel dans la vie de la société.
Citons encore Jean-Pierre Vernant pour la Résistance anti-nazie ; Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Pierre Vidal-Naquet, François Mauriac contre la torture en Algérie... Il y a en bien d’autres.
À côté de cette tradition très française, il existe aussi un courant anti-intellectuel, qui se caractérise par le mépris pour le travail de réflexion (voir l’expression sur "l’intellectuel enfermé dans sa tour d’ivoire") et par une fascination pour les hommes forts. Quand ce courant se laisse aller à ses extrêmes, on aboutit à un populisme fasciné par la force.
Tout cela pour dire que les attaques répétées dans “Le Quotidien” ou “Le JIR” contre les "intellectuels" qui seraient enfermés dans leur "tour d’ivoire" (voir récemment le “chapeau” de l’interview de Jean-François Sam Long) sont inquiétantes. Elles montrent une affinité avec ce courant anti-intellectuel, sans parler d’une ignorance d’une tradition très française.
La Réunion a pourtant bien besoin de réflexion et d’intellectuels. Cette tendance, qui s’en prend à tout ce qui serait “intellectuel”, est d’une certaine manière un interdit à penser. Si l’intellectuel est toujours montré comme une personne détachée de la réalité, intéressée par son petit monde, cela revient à dire que la recherche est inutile. Une société qui ne réfléchit pas sur elle-même est condamnée à se laisser dominer par des rumeurs.

Ginette Payet


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