Insertion par les vendanges

Récolter le fruit de ses efforts

28 septembre 2004

Pour favoriser l’insertion professionnelle, l’Association dionysienne d’éducation populaire envoie treize jeunes faire les vendanges dans la région viticole de Riquewihr, en Alsace.

C’est la première fois que l’ADEP envoie des jeunes à Riquewihr, en Alsace. L’Association dionysienne d’éducation populaire propose à treize jeunes Réunionnais de plus de 18 ans, - érémistes ou demandeurs d’emplois de longue durée -, une action d’insertion de cette envergure. Un projet préparé, réfléchi et encadré (trois animateurs seront sur place), pour "développer une insertion durable, réussie, responsable et autonome", "favoriser une ouverture à la mobilité et une mobilité volontaire", mais aussi, pour le directeur de l’ADEP, Christophe Bardière, "sortir de l’environnement quotidien, pour découvrir d’autres horizons, d’autres personnes".
Dès le mois de mai, et afin de contribuer au développement personnel du jeune, les candidats ont été préparés psychologiquement à la mobilité et à l’apprentissage de la vie en groupe.
Ils ont également, au travers du dispositif OPG (Objectif projet en groupe) de l’ANPE, défini un projet professionnel personnalisé, afin de s’investir dans un métier.

Rencontres avec des saisonniers européens

C’est également à cette période qu’Ismaël Thierry, coordinateur du projet à l’ADEP, a effectué une mission de repérage en Métropole pour préparer le terrain.
En septembre, ils sont allés à la rencontre des richesses patrimoniales de Cilaos, de ses habitants, et ont pu durant quatre jours découvrir le travail de récolte sur l’exploitation viticole de Nono Dijoux.
Une découverte culturelle enrichissante, qui a permis à l’ADEP d’effectuer une sélection des candidats sur des critères d’implication, de comportement en groupe, mais aussi de travail de la terre.
Vient ensuite l’étape des vendanges qui ne constitue en fait que le tremplin de ce projet, une clé d’entrée vers la formation ou l’insertion professionnelle en Métropole.
Pourquoi les vendanges ? Parce que la cueillette du raisin permet de concilier travail laborieux salarié et convivialité. En plus d’acquérir une expérience professionnelle dans un autre environnement et climat social, elles sont l’occasion de rencontres enrichissantes marquées par le brassage de différentes cultures européennes, avec des saisonniers venus des pays de l’Est, d’Espagne, de Belgique, etc.
L’opportunité de dépasser la barrière de la langue, pour à 10.000 kilomètres de sa terre natale, faire partager les richesses de sa culture, parler de son pays, La Réunion.

Le retour n’est pas un échec

Après 15 jours de récolte, le Dispositif emploi prospection du CNARM prend le relais pour préparer un nouveau départ et permettre à ces jeunes, au vu de leurs fiches de vœux professionnels, de s’investir dans une dynamique de recherche d’emploi ou de formation.
Ils auront alors à faire des choix, à prendre des initiatives, à faire preuve de responsabilité pour parvenir à l’objectif final d’insertion. Un billet retour reste à leur disposition, après la période de prospection, en cas d’incompatibilité avec le mode de vie métropolitain, de "mal-être psychologique", comme le souligne Murielle Boyer, accompagnatrice du projet à l’ADEP.
"Certains trouveront leur bonheur en Métropole, mais plus que ça, il faut profiter de ce moment pour vous enrichir dans la différence", conseille Éric Fontaine représentant du PLIE et de la Mission locale Nord. "Pour ceux qui reviendront, dites-vous d’ores et déjà que ce n’est pas un échec. Quand on avance, que l’on voit d’autres richesses, on n’échoue pas".
Un projet novateur et ambitieux qui a mobilisé de nombreux partenaires (Région, Département, PLIE, CNARM, ANPE, ville de Saint-Denis, SIDR, Gamma Cadjee, Mission locale Nord, Club animation prévention, viticulteurs du Domaine de Riquewihr en Alsace), des moyens financiers importants, mais aussi et surtout, a permis de rencontrer 13 jeunes motivés, volontaires et reconnaissants pour le soutien qui leur est apporté.
Une démarche qui rapproche la jeunesse des institutions, une jeunesse en difficulté qui a besoin de confiance et d’appui pour avancer et prendre en main son avenir.

Estéfany


Pourquoi les vendanges et pas la coupe canne ?

Nono Dijoux, exploitant viticole à Cilaos, qui a accueilli ces jeunes sur ses terres, s’est logiquement demandé pourquoi les envoyer pour les vendanges en Métropole alors que la main d’œuvre fait défaut pour les récoltes à La Réunion.
Éric Fontaine, de la Mission locale Nord, manifeste pour sa part le souhait que l’année prochaine, ce projet soit effectivement "couplé avec des actions locales, au moment de la coupe de la canne par exemple qui permet une bonne expérience".
Il espère ainsi "un mixage des procédés et des activités". De même, M. Lagrange, représentant de la Mission locale de la Source à Saint-Denis, estime que "La Réunion étant une île, nous comptons beaucoup sur la mobilité des jeunes (...), nous lui devons ça : favoriser ses déplacements".
Pour ce faire, il suggère l’application de tarifs réduits dans la zone océan Indien pour permettre aux jeunes Réunionnais "une ouverture d’esprit autre que le pied de mangue ou la cage d’escalier".

Un groupe soudé et volontaire

Issus des quartiers de Bellepierre, de la Source, du bas de la Rivière, de La Bretagne, de Domenjod, ou encore du centre de Saint-Denis, les jeunes qui vont s’envoler ce soir pour l’Alsace se sont révélés hier à la presse comme un groupe soudé et volontaire, qui n’a pas craint de s’exprimer en public.
Giovanni a arrêté ses études au lycée et s’est mis à réfléchir lorsqu’il a rencontré des personnes de 40 ans qui reprenaient les leurs. "Dans la vie de maintenant, il faut un diplôme. Je n’ai jamais voyagé, ce projet est une porte ouverte pour aller de l’avant", confie-t-il à l’assemblée, qu’il remercie de cette opportunité.
Tony constate, content : "Va rouv anou dot port su lanploi. Lé dir isi. Na essay avansé, décroch in anploi dirab pou, si possib, rovni ek plus d’expérians".
Ludovic issu des quartiers de la Source, inscrit au chômage depuis plus d’un an, dit avoir envie de sortir de sa vie quotidienne : "kan ou fé pa rien, ou lé ek lé ga dan somin, ou bwa, ou fim... Ma envi dsort dela, war dot zafèr".
Enfin, pour Rudy qui, avec un certificat de formation en bâtiment, a du mal à accéder à un emploi durable, "une porte est grande ouverte, l’opportunité de s’intégrer dans la vie professionnelle. Il faudra se mettre en avant, montrer ses qualités... se lancer".
Nous constatons que la patience dont ils ont fait preuve, selon les coordinateurs du projet, la persévérance et la volonté qu’ils manifestent sont déjà un pas énorme. Nous leur souhaitons, à tous, la réussite qu’ils espèrent.


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