Le grand forum des astronautes

Rendre l’espace plus accessible au public

26 août 2008

Comment se prépare-t-on à une expédition spatiale ? Et quels sont les enjeux de l’exploration de l’espace aujourd’hui ? Qu’est ce que ça change dans une vie d’homme et de femme de voir la Terre dans son entière finitude ? Claudie et Jean-Pierre Haigneré veulent montrer combien cette expérience ultime est humainement enrichissante...

Le Grand Forum est un rendez-vous proposé par quatre partenaires principaux : le Crédit Agricole, le groupe Caillé, SFR et Quartier Français. Il arrive souvent que des partenaires privés invitent des personnalités, au-delà du divertissement il s’agit ici d’organiser à chaque édition un espace de réflexion et de discussion. Après Stéphane Diagana qui avait développé le rôle de l’équipe, de l’entraînement, de la réussite, de la performance et, l’année dernière, Jacques Attali qui a tenu des conférences sur le développement du monde et sa vision du futur, cette fois les invités sont deux astronautes d’exceptions : les époux Claudie et Jean-Pierre Haigneré (voir encadré).
Aujourd’hui ils vont tous les deux à la rencontre de jeunes étudiants et l’échange sera retransmis par visio-conférence dans plusieurs établissements réunionnais. Vendredi ils rencontreront un plus large public lors du Grand Forum qui aura lieu au siège du Crédit Agricole.

« Partager ce que nous avons reçu »

Claudie Haigneré est très enthousiaste : « c’est notre mission et notre plaisir de pouvoir transmettre tout ce qu’on a appris, compris, vu ressenti, car on a reçu beaucoup. J’essaierai de faire comprendre les enjeux du vingt et unième siècle, les enjeux de l’espace. L’aventure spatiale est très récente, elle a débuté en 1957 seulement. Nous parlerons de cette histoire, du présent, des enjeux dans un monde de coopération, des perspectives du futur avec l’exploration... Il faut que l’Europe prenne la mesure de tout ce qu’elle sait faire. Elle est ce continent spatial capable d’avoir une sonde autour de Mars, de Vénus, de la Lune, une autre à la poursuite d’une comète, une autre encore sur un satellite de Saturne... Auprès des jeunes, des parents, des grands-parents, il m’importe de promouvoir cette culture de la science et de la connaissance, que les jeunes se disent : pourquoi pas moi... »

Le pèlerin spatial

Jean-Pierre Haigneré veut témoigner d’une manière peut-être plus intime : « Après six mois dans l’espace, j’ai pris du recul sur la vie, cela m’a permis de regarder avec cette distance le sens de tout ce que j’avais vécu... J’ai une démarche de pèlerin, un peu plus philosophique, je suis un rêveur, un explorateur et un aventurier, toute ma vie est marquée par la recherche des limites entre le monde connu et inconnu. Essayer de nouvelles technologies, du prototype à la nouvelle réalité, c’est un flirt entre le monde du rêve et le monde réel. C’est ce qui m’a donné le sentiment d’être utile. Quand j’étais dans le scaphandre ma première réaction c’était le stress. On se sent menacé, mais très rapidement je me suis senti dans une mission, à l’aise. Travailler d’ans l’ouverture des cultures et des différentes nations : c’est là qu’est le progrès et l’inspiration. Ce que je veux faire passer aux jeunes c’est cette idée que l’homme a besoin d’être le héros de sa vie. Souvent on accuse un peu tout : le système, la politique, la science, le progrès... Nous, notre sentiment, c’est que la science, la technologie, reste un facteur de progrès si elle est utilisée de façon raisonnée. »
L’astronaute faisait part hier des sentiments principaux qui l’ont habité lors de ces expéditions. Il y a d’abord celui de « la matérialisation de la finitude de la terre : on a toujours du mal à se faire une opinion devant l’immensité de la matière, mais effectivement la terre n’est rien d’autre qu’une île de La Réunion dans l’océan ». La deuxième sensation est celle de « l’isolement : l’espace c’est le vide, l’absence totale de matière. » Le troisième et dernier sentiment est celui de « la fragilité. » Et là encore explique-t-il la station spatiale est métaphore de l’île.

Goût du risque et de l’aventure

Au fil de la discussion, il apparaît clairement que tous les deux sont impatients d’aller à la rencontre du jeune public, pour les inciter à rêver, à s’engager sur les voix scientifiques, à ne pas s’imposer de limites. Impatients aussi de passer dans le monde économique un autre message : celui de la culture du risque et de l’aventure, sans laquelle rien de ce qu’ils ont pu vivre n’aurait jamais été.

Francky Lauret


Parcours éblouissants

Scientifique, astronaute, ministre déléguée aux Affaires européennes de 2004 à 2005, après avoir été ministre déléguée à la recherche et aux Nouvelles technologies de 2002 à 2004, Claudie Haigneré est aujourd’hui conseiller du directeur général de l’Agence spatiale européenne.
Médecin rhumatologue pendant six ans au laboratoire de physiologie neuro-sensorielle du CNRS avant de s’orienter vers la médecine spatiale, elle assure la coordination scientifique de la mission franco-russe Antarès et intègre des activités de spationaute.
Son premier vol c’est en 1996, dans le cadre de la mission franco russe Cassiopée. En 2001 elle devient la première astronaute française à voler à bord de la station spatiale internationale pour la mission Andromède.
Son mari, astronaute, pilote de chasse et pilote d’essais, Jean-Pierre Haigneré est aujourd’hui responsable du programme de lancement de Soyouz en Guyane au sein de l’Agence spatiale européenne. Son parcours est tout aussi exceptionnel. En 1983 déjà, il totalise 5 500 heures de vol sur 102 types d’avions différents... Sélectionné en tant que astronaute en 1985, il ne cessera de mener des recherches spatiales. En 1993, parti du cosmodrome de Baïkanour, il rejoint la station spatiale MIR. En 1998, il est titulaire de la mission franco-russe Perseus et passe 186 jours à bord de la même station spatiale, une mission longue durée qui comportait en outre une sortie extra-véhiculaire.


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