Enquête Migrations, Famille et Vieillissement 2020-2021

Retours à La Réunion et insertion professionnelle : le niveau de formation avant tout

2 mai, par Rédaction Témoignages

À La Réunion, l’insertion sur le marché du travail est plus fréquente pour les personnes nées sur l’île et qui l’ont déjà quittée au moins six mois. En 2021, 59 % d’entre elles ont un emploi, contre 48 % des personnes nées sur l’île et qui ne l’ont jamais quittée ou uniquement pour des courts séjours.

Pourtant, ce n’est pas le parcours de mobilité en soi qui a un effet sur l’accès à l’emploi, mais plutôt le parcours de formation. En effet, les personnes ayant connu un long séjour en dehors de La Réunion ont souvent des diplômes plus élevés. Et le niveau de formation reste le principal levier pour améliorer ses opportunités professionnelles à La Réunion.

L’insertion professionnelle des personnes nées dans l’Hexagone et habitant sur l’île est elle aussi plus fréquente. Mais à niveau de diplôme identique, elles n’ont pas plus souvent un emploi que les autres résidentes et résidents de l’île. Néanmoins, elles occupent plus fréquemment des emplois de cadres.

Quant aux personnes qui n’ont jamais quitté l’île, tout comme celles qui sont nées dans la région océan Indien (Madagascar, Mayotte, Maurice, Comores), elles accèdent moins à l’emploi, même à caractéristiques identiques.

À La Réunion, moins de mobilités qu’ailleurs

Parmi les personnes ni en études ni à la retraite résidant à La Réunion en 2021, 18 % y sont nées et ont déjà quitté le département pour un ou plusieurs longs séjours d’au moins six mois. Ces longs séjours hors de l’île, quasi-exclusivement dans l’Hexagone, sont motivés à parts égales par une formation, un emploi, le service militaire ou un motif personnel. Ils sont plus rares qu’aux Antilles où ils concernent 25 % de la population ni en études ni à la retraite. À La Réunion, 12 % de la population est née sur l’île et ne l’a jamais quittée et 48 % ne l’a quittée que pour des courts séjours de moins de six mois.

Par ailleurs, 22 % des adultes résidant dans le département n’y sont pas nés : ils viennent de l’Hexagone ou de l’océan Indien (Madagascar, Mayotte, Maurice, Comores). Parmi eux, un sur six a au moins un parent né sur l’île.

Les personnes de retour après une longue mobilité sont plus souvent en emploi que celles qui ne sont jamais parties plus de six mois

Les personnes nées à La Réunion et ayant effectué un long séjour hors de l’île sont plus souvent en emploi. C’est le cas de 59 % d’entre elles, contre 48 % de celles n’ayant jamais quitté l’île plus de six mois d’affilée. Parmi les personnes vivant à La Réunion et nées ailleurs, 59 % aussi sont en emploi.

Diplôme et mobilité sont aussi fortement corrélés. Or le diplôme est un facteur déterminant de l’insertion professionnelle [Thibault, 2020 ; pour en savoir plus (9)]. Ainsi, parmi les personnes nées sur l’île et ayant effectué de longs séjours hors de La Réunion, 40 % possèdent un diplôme de niveau bac ou plus, contre 33 % de celles n’ayant jamais quitté l’île pour une longue période. Cette part s’élève à 58 % parmi les résidents qui ne sont pas nés à La Réunion.

En outre, l’origine sociale joue un rôle clé, à la fois sur l’accès aux diplômes et la mobilité. Parmi les personnes ayant effectué de longs séjours hors de La Réunion, 5 % ont au moins un parent cadre. Cette part n’est que de 1 % parmi les personnes nées sur l’île et ne l’ayant jamais quittée durablement, tandis qu’elle est deux fois plus élevée parmi les résidents nés hors de La Réunion (11 %).

Analyser l’effet de la mobilité sur l’emploi nécessite donc d’isoler les différents facteurs influençant l’accès à l’emploi.

À caractéristiques identiques, le parcours de mobilité n’influe pas sur l’accès à l’emploi

À caractéristiques équivalentes en termes de diplôme, sexe, âge, composition familiale et santé, le parcours de mobilité n’a pas d’impact significatif sur l’accès à l’emploi (pour comprendre). Même avoir travaillé sur son lieu de mobilité a peu d’impact sur l’insertion professionnelle au retour. C’est principalement leur plus haut niveau de diplôme qui explique le taux d’emploi plus élevé des personnes nées sur l’île et ayant effectué un long séjour hors de La Réunion, notamment quand elles ont eu une expérience professionnelle pendant leur mobilité. Cela vaut aussi pour les résidents qui ne sont pas nés sur l’île.

Toutes générations confondues, les adultes ayant effectué un long séjour hors de l’île ont généralement un niveau de formation plus élevé que ceux qui n’ont jamais quitté l’île pour une longue durée. Le diplôme reste donc le principal facteur d’accès à l’emploi, même si d’autres éléments jouent également : les femmes, les personnes élevant seules leurs enfants, les plus jeunes, et celles en mauvaise santé rencontrent davantage de difficultés pour accéder à l’emploi.

Ainsi, une expérience de mobilité n’améliore l’insertion professionnelle que si elle s’accompagne d’une élévation du niveau de formation.

Seulement 7 % des personnes nées à La Réunion et l’ayant quittée pendant plus de six mois y reviennent principalement pour une proposition de contrat ou une création d’entreprise sur l’île. Cette faible part peut s’expliquer par les difficultés d’accéder à un emploi à La Réunion, où seuls 50 % des 15-64 ans ont un emploi contre 69 % dans l’Hexagone [Rageot, 2025 ; pour en savoir plus (2)]. En fait, les raisons évoquées pour revenir à La Réunion sont surtout personnelles : 56 % reviennent pour des raisons familiales (mariage, accouchement, séparation, etc.), pour retrouver la famille ou les amis, suite à un mal du pays, etc. Les 37 % restants reviennent principalement au terme de leur contrat de travail, suite à l’obtention de leur diplôme ou encore à la fin de leur service militaire (encadré).

La principale difficulté évoquée au retour est la recherche d’emploi : elle est citée par 14 % des adultes nés sur l’île qui y sont revenus après un long séjour ailleurs. Néanmoins, quels que soient les motifs de départ et de retour, la plupart d’entre eux disent retirer des bénéfices personnels de cette expérience de mobilité, et 92 % l’évaluent de manière globalement positive.

Même si La Réunion fait partie des régions d’où les départs sont moins répandus et où les retours sont plus fréquents, nombre de personnes nées sur l’île ne reviennent pas et restent dans l’Hexagone. À diplôme équivalent, elles sont plus souvent en emploi que les personnes revenues sur l’île après un séjour prolongé. Elles sont aussi souvent en emploi que celles nées dans l’Hexagone [France Stratégie, 2024 ; pour en savoir plus (4)].

Les personnes qui n’ont jamais quitté l’île ou qui sont nées dans la région océan Indien accèdent moins à l’emploi

Parmi les personnes résidant à La Réunion, 48 % sont nées sur l’île et l’ont déjà quittée pour de courts séjours seulement (moins de six mois), et 12 % ne l’ont jamais quittée, même pour des vacances d’une semaine sur l’île Maurice par exemple.

Les personnes n’ayant jamais quitté l’île sont peu diplômées (seules 11 % ont le bac) et sont très peu en emploi (18 %). Même à diplôme, âge, sexe, situation familiale et santé identiques, elles accèdent beaucoup moins à l’emploi. Ces personnes vivent en effet souvent dans une forte précarité [Dehon, 2022 ; pour en savoir plus (5)] qui renforce leurs difficultés d’insertion professionnelle. Par exemple, 60 % d’entre elles ne possèdent pas de permis de conduire, contre 20 % en moyenne pour les autres résidents de l’île. Elles sont par ailleurs 30 % à déclarer des difficultés à rédiger une lettre ou en sont incapables, contre moins de 10 % pour les autres.

En revanche, 56 % des personnes nées sur l’île et ayant effectué des courts séjours hors de La Réunion sont en emploi. Leur insertion professionnelle est similaire à celle des personnes qui l’ont quittée pour de longs séjours. Elles ont en effet des niveaux de diplôme proches.

Parmi les 22 % de résidents qui ne sont pas nés à La Réunion, 7 % sont originaires de la région océan Indien (Madagascar, Mayotte, Maurice, Comores) et 15 % viennent d’ailleurs, quasi exclusivement de l’Hexagone. L’insertion professionnelle de ces deux populations diffère nettement. Ainsi, les personnes issues de la région océan Indien sont très peu en emploi (22 %) [Insee, 2022 ; pour en savoir plus (8)]. Ce constat demeure même à diplôme, âge, sexe, situation familiale et état de santé identiques.

À niveau de diplôme identique, les personnes nées dans l’Hexagone n’ont pas plus souvent un emploi, mais sont plus souvent cadres

Parmi les personnes nées dans l’Hexagone et résidant à La Réunion, 75 % ont un emploi, une part nettement plus élevée que les personnes ayant un autre parcours de mobilité. Elles sont en effet bien plus diplômées (70 % ont au moins le bac) et plus souvent d’origine favorisée (13 % ont au moins un de leurs parents qui est cadre). Cependant, à caractéristiques identiques, notamment en termes de diplôme, les personnes nées dans l’Hexagone n’ont pas une meilleure insertion professionnelle que les autres résidents de l’île.

En revanche, leur plus haut niveau de diplôme – 54 % ont au moins un bac +2 - leur permet plus souvent d’occuper un poste de cadre : c’est le cas de 24 % d’entre elles, soit quatre fois plus que les personnes ayant fait un long séjour à l’extérieur de l’île par exemple. Cependant, même à niveau de diplôme équivalent, les originaires de l’Hexagone accèdent plus fréquemment à ces postes. En effet, ces cadres pourraient souvent venir occuper un poste sur lequel leur candidature a été retenue avant leur mobilité.

L’âge joue également un rôle : un poste de cadre nécessite un niveau de diplôme élevé mais aussi une certaine expérience professionnelle, que les plus jeunes n’ont pas encore. Or, à La Réunion, la scolarisation de masse s’est développée plus tardivement que dans l’Hexagone : en 1990, seuls 33 % des cadres travaillant à La Réunion y étaient nés, contre 47 % en 2020 [Thibault, 2020 ; pour en savoir plus (9)]. L’accès des personnes nées sur l’île aux postes de cadres progresse ainsi fortement, et devrait s’accentuer encore dans les années à venir, notamment parce que la plupart des cadres nés sur l’île y restent ou y reviennent. Comme dans les autres départements et régions d’outre-mer, les cadres nés à La Réunion peuvent être amenés à privilégier leur cadre de vie et les attaches familiales à une mobilité professionnelle en raison de l’éloignement géographique avec l’Hexagone.

Par ailleurs, au-delà du niveau de diplôme, la spécialité du diplôme jouent aussi un rôle dans l’obtention d’un emploi de cadre : l’insertion n’est pas la même avec un diplôme de médecine, d’école d’ingénieur ou un doctorat en lettres [Cereq, 2022 ; pour en savoir plus (6)].

Notes

(1) Retrouvez davantage de données associées à cette publication en téléchargement.

(2) Rageot F., « Enquête Emploi 2024 à La Réunion - Les seniors, les jeunes et les femmes sont bien plus en emploi qu’avant la crise sanitaire », Insee Flash Réunion no 290, mars 2025.

(3) Fabre É., Ramaye C., Lahy M., « À La Réunion, les deux tiers des seniors en emploi travaillent dans le secteur privé », Insee Analyses Réunion no 90, juillet 2024.

(4) Dherbécourt C., Peruyero C. , « Ouvrir dans un nouvel ongletNaître en outre-mer : de moindres opportunités que dans les autres régions de France », France Stratégie, Note d’analyse no 137, mai 2024.

(5) Dehon M., Fabre É., Breton D., Marie C.-V., Floury E., Crouzet M., « Enquête Migrations, Famille et Vieillissement 2020-2021 - Panorama des évolutions de la société réunionnaise de 2010 à 2020 », Insee Analyses Réunion no 79, décembre 2022.

(6) Cereq, « Ouvrir dans un nouvel ongletSortants du supérieur : le niveau de diplôme ne résume pas les trajectoires d’insertion », Bref no 426, 2022.

(7) Demougeot L., Besson L.,Thibault P.,« Les natifs des Antilles, de Guyane et de Mayotte quittent souvent leur région natale, contrairement aux Réunionnais », Insee Première no 1853, avril 2021.

(8) Insee, « Population de La Réunion selon le lieu de naissance depuis 1990 - La part des natifs dans la population diminue, mais demeure élevée », Insee Analyses Réunion no 74, octobre 2022.

(9) Thibault P., « Emploi des personnes nées à La Réunion - De plus en plus de natifs et natives parmi les cadres » , Insee Analyses Réunion no 49, novembre 2020.

(10) Temporal F., Marie C.-V., Bernard S., « Ouvrir dans un nouvel ongletInsertion professionnelle des jeunes ultramarins : DOM ou métropole ? », Ined, Revue Population 2011/3.


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus

Gargoulèt

7 mai, par Christian Fontaine

Lékol, na in marmay i apèl Gargoulèt. Li lé long konm in zingad, é li inm fé lo vantar. Lo san zot-dé Tikok i akord pa ditou. Dèk Gargoulèt i oi (…)