Lycée Jean-Hinglo

Situation tendue et retrait du personnel

8 mars 2005

La vie scolaire à Jean-Hinglo (Port) traverse une période de tensions et de perturbations diverses, dont l’administration attribue l’origine au mouvement de protestation contre la loi Fillon. Hier, c’est contre l’insécurité que la Fédération syndicale unitaire (FSU) a appelé à une réunion du personnel, enseignant et non enseignant. ’Il faut plus de personnel d’encadrement’ est le constat sur lequel tous s’accordent. Mais on peut se demander si les divergences d’objectifs, entre administration et enseignants, vont permettre de calmer les esprits.

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Depuis qu’un jeune du quartier est entré dans la cour du lycée Jean-Hinglo, jeudi dernier, et a menacé d’une arme à feu une surveillante qui avait porté plainte à la police pour d’autres exactions, la tension s’est avivée dans le lycée portois. Le syndicat FSU a réuni hier matin plusieurs dizaines de personnes, enseignants, CPE et surveillants, dans la salle des professeurs, pour décider d’un mouvement unitaire exigeant "un encadrement rigoureux et de qualité" pour répondre aux besoins divers de la vie scolaire. Pour les enseignants, cette dégradation est sensible depuis plusieurs mois. Les professeurs et autres agents d’encadrement ont, depuis la rentrée d’août 2004, signalé 42 faits plus ou moins graves sur le logiciel SIGNA de l’Académie : ces faits vont du racket et du vol, à des “intrusions” de jeunes du quartier dans l’établissement - à 2 reprises, ils sont allés, de nuit, jusqu’à l’internat ! - ou encore des cambriolages, des agressions verbales ou physiques et, tout récemment, une menace directe avec arme à feu.
Comme les signalements qui ont été faits et les demandes répétées d’affectation de nouveaux postes à la vie scolaire ne sont toujours pas suivis d’effet, les enseignants et les agents du lycée ont décidé hier de prendre le taureau par les cornes, pour manifester l’exaspération de la communauté scolaire. "Les moyens en personnel mis au service de la vie scolaire s’amenuisent au fil des ans", relevait hier un jeune CPE devant l’assemblée de ses collègues. La communauté éducative estime à 1 CPE, 1 vigile (pour l’entrée) et 3 surveillants les besoins de l’établissement.
Le projet de contractualisation présenté par l’administration comporte une demande très voisine - 1 CPE et 3 assistants supplémentaires - qui, si elle est agréée, ne sera effective qu’à la prochaine rentrée scolaire.
Tout le monde se rejoint sur le besoin de moyens humains supplémentaires, "au titre d’une gestion qualitative", ajoute le proviseur de Jean-Hinglo, Jean-Christian Senizergues, qui espère faire admettre la spécificité de la situation portoise - une population scolaire plus pauvre que la moyenne et un quartier environnant frappé par un chômage très élevé, un grand nombre de jeunes restant désœuvrés, sans perspective.
Mais l’accord entre l’administration et le personnel semble s’arrêter sur le diagnostic.

Des élèves "en danger"

Hier le proviseur a refusé de fermer l’établissement, comme les enseignants et les agents le lui demandaient "par mesure de sécurité pour les élèves".
"Si nous fermons l’établissement, nous leur donnons 100% de grévistes", a protesté le proviseur, manifestement confronté à des pressions académiques à visée comptable et plus répressive que compréhensive...
Cet aspect des choses exaspère les enseignants, qui ont eu hier, après leur réunion interne, une rencontre avec le proviseur qualifiée par eux de "tendue". Les enseignants pensaient obtenir une forte mobilisation et ne voulaient pas laisser les élèves livrés à eux-mêmes dans l’établissement. "Je ne peux que suspendre les cours pour certains niveaux de classe", leur a rétorqué le chef d’établissement, dont la préoccupation première était "d’assurer le Bac blanc" (du 7 au 11 mars) pour les 8 Terminales et quelques classes de Première (environ 150 élèves), et de permettre aux étudiants en BTS et aux adultes en formation continue de poursuivre leur travail en restant à l’écart de l’agitation. Voilà pour la version lisse.
"C’est la suite des règlements de compte de 2003 : pour verrouiller la protestation enseignante, on n’hésite pas à mettre en danger les élèves. C’est une honte !", a protesté pour sa part un enseignant de la FSU, en dénonçant la "visée répressive" de l’administration académique.
Pour la contrer, le personnel ne s’est pas mis en grève mais invoque, dans une lettre signée hier par "près de quatre-vingt personnes", selon un responsable syndical du SNES, le "droit de retrait", inscrit dans une loi de 1982. "En cas de danger, si nous estimons que nous ne pouvons pas assurer notre service dans des conditions normales, nous pouvons faire intervenir un “droit de retrait”", explique un syndicaliste. Et contrairement au droit de grève, le droit de retrait ne donne pas lieu à des retenues sur salaire.
La riposte de l’administration, par voie préfectorale, pourrait être la réquisition de certains personnels, comme les maîtres d’internat. On le voit, ce n’est pas franchement l’entente cordiale entre administration et personnels... et les rendez-vous de la semaine ne vont sans doute pas alléger un climat déjà tendu. Les lycéens ont prévu de participer aujourd’hui à la suite du mouvement national contre la loi Fillon. Et jeudi, un mot d’ordre syndical généralisé appelle les personnels de la Fonction publique à une grève nationale et à une manifestation.

P. David


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