Indécence vestimentaire des collégiennes et lycéennes

Trouble à l’ordre public

22 juin 2006

Mercredi dernier, Éric Raoult, député maire de Raincy (en Seine Saint-Denis) a attiré l’attention des parents d’élèves de sa circonscription comme le ministère de l’Éducation Nationale sur l’indécence des tenues vestimentaires des collégiennes et lycéennes en ce début d’été métropolitain. L’élu UMP poursuit sa campagne anti-jeunes.

Après ses attaques contre les lycéens au moment de leur mobilisation contre le CPE et l’occupation nocturne d’établissements, après son positionnement en faveur de la présence policière dans chaque établissement de Seine Saint-Denis en mars dernier, Éric Raoult fait de l’excès de médiatisation autour des pantalons taille basse des élèves de la République.

"À la limite de la décence"

Mercredi 14 juin, il a écrit au ministère de l’Éducation Nationale et aux deux fédérations de parents d’élèves du public pour attirer leur attention sur les "tenues plus légères", "à la limite de la décence", voire "provocantes" des collégiennes et lycéennes. Sa conception de l’ordre public le pousse à inviter parents et chefs d’établissements à rester vigilants pour que les règles de décences soient respectées, "afin d’éviter tout excès et tout débordement." Les tenues estivales mises en cause inciteraient selon lui, des jeunes non scolarisés à venir "chercher des blondes" à la sortie des établissements scolaires. Interrogé par l’AFP, Éric Raoult estime que "c’est pas de la provocation que de dire la vérité", ajoutant que ces jeunes filles qui portent "le pantalon baissé de façon qu’on voit le piercing et les premiers poils du pubis ne pourraient pas rentrer comme ça en boîte de nuit."
Conseillons au député de maire de sortir le soir : les temps ont changé. Là, on sent vraiment un débordement limité machiste, c’est lorsque interrogé par la présentatrice de l’émission rediffusée le midi sur Canal + “Nous ne sommes pas des anges”, Éric Raoult fait référence à l’association “Ni putes, Ni Soumises” et qu’il déclare que si l’on a bien compris que les femmes n’étaient pas soumises, il ne faudrait pas assister à un glissement vers le premier qualificatif. À vous de juger.

Provocation ou affirmation ?

Dans cette affaire qui mériterait finalement de ne pas être médiatisée, on note que ce sont encore les filles qui sont visées. Le mythe de la Ève pécheresse et provocatrice ricoche encore, et sur la jeune génération. Les garçons scolarisés dans les collèges et lycées ne sont pas épargnés non plus par ce phénomène de mode du pantalon qui dégringole, laissant voir clairement la moitié de leur sous-vêtement. Est-ce vraiment de la provocation ou une tentative d’affirmation par la tenue vestimentaire qui a touché toutes les générations, à toutes les époques ? Rappelons-nous le scandale de la mini-jupe dans les années 60 ou les pantalons moulants pour les hommes. De plus, la notion de décence vestimentaire existe déjà dans les règlements intérieurs des établissements scolaires. S’il appartient aux parents de contrôler la tenue de leurs enfants, filles et garçons, pour le respect de soi et des autres, de responsabilité l’adolescent sur ses choix d’affirmation, il n’y a pas de quoi en faire le sujet d’une polémique. Si l’on veut s’intéresser à la jeunesse, positivement et pas à la mettant encore une fois au pilori de la société, d’autres sujets bien plus importants qui engagent son avenir sont à soulever.

Stéphanie Longeras


Réactions

Agnès Kholer, présidente de la PEEP

"Il y a souvent un effeuillage" sur le chemin de l’école

À La Réunion, la mise en garde d’Éric Raoult n’a pas eu d’écho, ni au niveau de l’Académie, ni même au niveau des associations de parents d’élèves. Il faut dire que le climat est aussi différent. Agnès Kholer se rappelle qu’il y a deux ou trois ans, le problème des Top qui laissaient voir le ventre des jeunes filles avait posé problème. "La plupart des règlements intérieurs mentionnent que des tenues correctes sont obligatoires qui ne laissent pas voir le bas-ventre ou les décolletés trop plongeants", précise la présidente de la PEEP. S’il appartient avant tout aux parents de contrôler la tenue de leurs enfants pour aller à l’école, Agnès Kholer souligne que "beaucoup de parents nous font remonter que leurs enfants sont partis habillés mais qu’il y a souvent un effeuillage en route. On retrouve des Top au fond des cartables." Si les parents en sont informés par l’établissement, ils peuvent selon elle agir. Elle se souvient qu’un établissement de l’Est avait fait fabriquer des tee-shirts difformes, d’un jaune très vif que les jeunes, qui ne respectaient pas le règlement intérieur, étaient contraints de porter toute la journée. Il semblerait que cela ait porté ses fruits. Agnès Kholer admet également que "les clips régulièrement diffusés à l’intention de la jeunesse, où les filles sont largement dévêtues, répercutent une image, un phénomène de mode. On a tous eu nos tenues d’ados. Je comprends que cela puisse choquer, mais il suffit d’en parler avec les jeunes filles. Quand elles signent le règlement intérieur, elles savent qu’elles doivent se plier à un certain nombre de consignes."

Daniel Payet, proviseur du Lycée Lislet-Geoffroy

"Ce n’est pas un sujet de préoccupation majeur pour le proviseur de lycée"

La mode des tailles basses est apparue assez surprenante pour le corps enseignant et administratif du lycée Lislet-Geoffroy comme le commente son proviseur. "Mais elle n’a pas touché un grand nombre de jeunes filles. Certaines tenues sont parfois un peu osées, mais on le fait observer gentiment à l’élève et à la famille." Le règlement intérieur est là pour rappeler certaines règles de respect de soi et de vivre ensemble. Après, pour Daniel Payet, la décence est laissée à l’appréciation de l’adulte. "Ceci étant dit, dans le collège où j’étais auparavant, il était assez fréquent que des jeunes filles se changent dans les toilettes. Mais ce n’est pas un phénomène nouveau." S’il peut y avoir là "matière à vigilance", "une réflexion plus au niveau de la liberté, des valeurs", "en essayant d’avoir une vue plus large que la simple lecture du règlement intérieur", ce n’est pas un sujet de préoccupation majeur pour le proviseur de lycée. Quand on constate que la loi Evin n’est pas respectée au niveau des établissements, on ne peut pas imposer un respect strict du règlement intérieur.


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