L’Académie accueille 800 nouveaux personnels : Discours de pré-rentrée du Recteur

Un mot d’ordre : « Vous devez vous impliquer »

18 août 2007

Ils sont un peu moins de 800* cette année, personnels enseignants, administratifs, TOS, a avoir obtenu leur affection au sein de l’Académie de La Réunion. Concours national oblige. Soutien des élèves en difficulté, réussite scolaire et maîtrise de la langue française restent, comme chaque année, les priorités académiques. Notre système éducatif aura-t-il les moyens à la hauteur de ses ambitions ? C’est avant tout l’implication des enseignants qui fera la différence !

L’objectif de l’Académie pour 2007 est de constituer « un réseau de réussite scolaire » dont la mission sera d’accroître les bons résultats.
(photo SL)

Si, d’une année à l’autre, les Recteurs se suivent, leurs discours de pré-rentrée, eux, en revanche, n’évoluent guère. Le tableau reste caricatural, inquiétant, les objectifs ambitieux, alors que les moyens dévolus à l’Académie sont d’autant plus flous que l’on ne sait pas encore de combien d’enseignants La Réunion sera privée sur les 17.000 postes que le gouvernement compte supprimer à l’échelle nationale.

« S’exprimer en français, en bon français »

Pourtant, et c’est le seul élément proche de la pertinence relevé par l’Adjoint du Recteur, Daniel Gilly, (voir encadré) , l’effectif scolaire est ici bien supérieur à n’importe laquelle des académies de Métropole. Reflet de la spécificité démographique locale, sur les 225.000 élèves que compte au total l’Académie, 122.700 se rassemblent dans les 535 écoles réunionnaises. Le nombre de classes par établissement et d’élèves par classe donne la mesure de la difficulté pour les professeurs d’exercer leur mission fondamentale d’enseignement. « Une lourde responsabilité » pour les 21.000 personnels de l’Education nationale, comme le concède Daniel Gilly, « un problème important » même.
Collèges et lycées continuent pourtant à sortir de terre, alors que du côté des écoles, les communes font pour la majorité leur maximum, avec leurs moyens. Mais cet élément n’est qu’un aparté dans le discours officiel qui axe son propos et sa politique académique sur le soutien des élèves en difficulté. « Il y a, à La Réunion, un pourcentage plus important d’élèves qui ont des difficultés à maîtriser la langue française », introduit le Recteur face aux nouvelles recrues. « C’est un point à rattraper, notamment à l’entrée en 6ème, et l’effort est à poursuivre dans le premier degré ». Sans développer sur les origines probables de ces difficultés (diglossie, inter-langue), il invite, avec insistance, les enseignants à s’investir entièrement pour aider les élèves à maîtriser la langue française, « la priorité absolue », à « inciter les élèves à faire des efforts pour s’exprimer en français, en bon français ». Des élèves qui, en plus d’être en « difficulté ou grande difficulté », souffriraient, selon le Recteur, d’une carence en ambition, « ce qui manque ici ». A charge pour les enseignants de les aider à aller le plus loin possible dans leurs études, car les familles feraient, au contraire, pression pour les diriger vers des filières professionnelles. A charge donc pour le corps enseignant d’assurer, en plus de la qualification, une meilleure orientation des élèves, de leur délivrer, comme aux parents, des informations leur permettant de construire un projet professionnel. En clair, de prendre la casquette de conseillers pédagogiques, poste supprimé en masse au sein des établissements !

« Vous serez sollicités, pour ceux qui le souhaitent... »

Les élèves réunionnais sont plus en difficulté que leurs homologues métropolitains, mais que ce nouveau personnel se rassure, les moyens nationaux étendus à La Réunion et ceux propres à l’Académie sont là pour les aider. A la rentrée 2006, 19 collèges ont été classés en “Ambition réussite”, soit un effectif par classe de 24 élèves en moyenne. L’objectif de l’Académie pour 2007 est maintenant de constituer « un réseau de réussite scolaire » dont la mission sera d’accroître les bons résultats. Dans pratiquement tous les collèges classés en Zone d’Education Prioritaire, 2 “classes contrats” de 6ème accueillant chacune 15 élèves en grande difficulté seront mises en place. Ces élèves seront pris en main par 2 ou 3 enseignants afin d’évaluer leurs niveaux de connaissances du socle commun d’apprentissage, de rattraper leurs lacunes pour ensuite les réorienter soit vers le cursus général, soit vers un redoublement dans une 6ème de soutien plus adaptée. Là encore, le Recteur a sollicité l’entière implication des enseignants à l’égard de ces élèves « pour que les objectifs fixés par l’Académie portent leurs fruits ». De plus, et comme souhaité par le Ministère, l’investissement des enseignants est également souhaitable pour assurer, de 16 à 18 heures, l’accompagnement éducatif des élèves en difficulté. « Vous serez sollicités, pour ceux qui le souhaitent (!), pour mettre en place des études dirigées ». « Je souhaite une réponse favorable des enseignants pour les jeunes en éducation prioritaire et les 6ème, sachant qu’un pourcentage important doit être aidé sur l’apprentissage des fondamentaux ».
Outre celle du Recteur, cette matinée d’informations a été ponctuée par différentes interventions plus ou moins pertinentes. Le catastrophisme qui a prévalu dans la présentation de la situation sanitaire après la crise du chikungunya, ajouté aux menaces du volcan, des requins, présentées pêle-mêle, s’est avéré des plus excessifs. Hormis le propos d’Edith Pouzalgues, Inspectrice pédagogique régionale, unanimement salué par l’assemblée avide d’informations quant à la question du créole, ce que l’on retiendra, c’est avant tout la ligne directrice qui a marqué la prise de parole du Recteur : l’implication totale des enseignants. « Vous avez du pain sur la planche, a-t-il clôturé. On compte sur vous et sur votre engagement ». Le travailler plus du Président de la République fait son chemin au sein de l’école de la République.

Stéphanie Longeras

* Sur un peu moins de 800 fonctionnaires de l’Education nationale reçus cette année dans notre département, on compte : 574 enseignants du second degré, 105 enseignants du premier degré et près de 90 personnels administratifs, de Direction, d’inspection, de santé et de personnels TOS. Ils étaient plus de 800 pour la rentrée 2006 parmi lesquels près de 150 ont quitté La Réunion.


Conseils pédagogiques : la loi de la performance

Le Bac Henri IV n’aura plus la même valeur que le Bac Jean Hinglo

Présenté comme une autre priorité académique, le pilotage pédagogique doit permettre d’instaurer une meilleure concertation au sein des établissements entre les enseignants, les élèves, les directeurs et l’Académie. « Il faut que la politique académique rentre dans la classe », a soutenu le Recteur insistant sur la nécessité de mettre en œuvre, dans chaque établissement, notamment par le biais des travaux du Conseil pédagogique, « une pédagogie différenciée ». Concrètement, d’ici à la fin du mois de septembre, chaque établissement signera son contrat d’objectif. Sur ce point encore, l’Académie souhaite une entière implication du corps enseignant. Dans les faits, ce dispositif inscrit dans la loi Fillon n’est motivé que par des prérogatives financières : les fonds de la LOLF ne seront plus délivrés en fonction d’une politique globale de l’éducation au niveau national, mais en fonction des projets régionaux et de ceux des établissements. Les critères d’effectif scolaire et de filière ne seront plus prédominants pour déterminer l’attribution des fonds. Cette perte de liberté pédagogique pour les enseignants ne vise qu’à servir des diagrammes de performance des établissements pouvant ouvrir droit à des enveloppes supplémentaires. Un Bac dans un établissement du Sud n’aura pas la même valeur qu’un Bac dans un établissement du Nord, le Bac Henri IV n’aura pas la même valeur que le Bac Jean Hinglo. De plus, il induit une pression supplémentaire pour les enseignants qui seront, eux aussi, jugés sur leurs résultats, sur leur capacité à atteindre ou non les objectifs de réussite scolaire fixés par les projets d’établissement, comme cela se pratique déjà dans le système éducatif anglo-saxon. Régionalisation des diplômes et primes de mérite pour les enseignants : voici le nouveau visage de l’Ecole française.

SL


Daniel Gilly ou l’incarnation du discours colonial

Révoltant !

Pour Daniel Gilly, Adjoint du Recteur, à La Réunion, « le problème est qu’une grande partie de la population n’a pas eu le français comme langue maternelle ». Une conception bien particulière qui remet clairement en cause la richesse induite par la diversité linguistique et surtout le respect et la reconnaissance dus à la langue maternelle.

Excusez ces sauvages de ne pas parler français !

Cela explique, selon ce fonctionnaire d’Etat, que « les enfants ne comprennent pas forcément ce que vous allez leur dire en français ». Les enseignants nouvellement affectés se voient dès lors rassurés par ces propos des plus erronés qui sous-tendent à tort qu’un créolophone n’est pas en capacité de comprendre un francophone, d’autant qu’à La Réunion, les enfants grandissent au contact de leurs deux langues... oui, de leurs deux langues, même s’il est vrai qu’ils peuvent éprouver des difficultés, lors de l’entrée à la maternelle, à s’adapter à un système qui leur demande de laisser leur langue maternelle à l’entrée de la porte de la classe. Le fait qu’une grande majorité des Réunionnais parle le créole « à la case, comme on dit » expliquerait encore, selon lui, que les élèves accumulent un retard de 10 points par rapport à ceux de Métropole lors des tests d’évaluation de 6ème.
Ce n’est pas tout. Pour Daniel Gilly, la situation précaire des familles est en lien direct avec les difficultés scolaires des élèves. Relevant le fort taux de chômage à La Réunion, qui compte également le plus fort taux de érémistes de France comme le plus grand nombre de bénéficiaires de la CMU..., et « on pourrait multiplier les exemples », ce monsieur estime que l’on est « confronté à un problème social qui fait que les élèves ne parlent pas français à la maison : d’où votre rôle essentiel », intervient-il à l’égard des enseignants. Pour terminer cette accablante retranscription, il a tenu à qualifier le handicap d’autre problème pour l’Académie. « Ce n’est pas que l’on en ait plus ici qu’ailleurs, mais c’est que les parents se manifestent plus. La pression des familles est forte ». La loi obligeant l’école à accueillir les élèves souffrant de handicap, « on ne peut pas refuser, mais selon la nature du handicap, ça pose problème ». Et d’ajouter : « On ne vous demande pas de parler créole. Ne rentrez pas dans ce genre de chose. Ça n’est ni bon pour les uns, ni pour les autres ».

Partez à la retraite tranquille

Aberrant ! Incroyable ! Révoltant !... les adjectifs manquent pour qualifier le discours tenu hier par cet Inspecteur académique qui, à moins d’être totalement dénué de raison, n’a à aucun moment mesuré la portée méprisante de ses paroles. Ce n’est pas un cas isolé, M. Gilly excelle en la matière. Il aime en effet à endosser le costume (qu’il ne quitte à vrai dire jamais) du “Frankofiak” imbu de supériorité qui prétend apprendre aux sauvages que sont les Réunionnais les bons usages du bien parler français. Comment peut-on prétendre aspirer à la réussite de nos élèves quand on les relègue au rang de sous-Français incapables d’en comprendre la langue, atteints par une précarité qui avilirait leurs cerveaux. Abject ! En voilà un qui doit bien s’entendre avec le Directeur de la DRAC, qui exhale lui aussi les relents des effets positifs de la colonisation. Venu de Bordeaux, les Réunionnais ne l’ont-ils pas bien accueilli ? Il aurait tellement eu à gagner en générosité, en ouverture d’esprit, en richesse culturelle en s’ouvrant à la population. « L’école est un des accompagnateurs de la société réunionnaise » dites-vous. « Nous avons une responsabilité fondamentale à l’égard de la société réunionnaise, nous ne devons pas échouer » dites-vous. « Si nous échouons, c’est la société qui échouera ». Partez à la retraite tranquille et soyons assurés que La Réunion s’en sortira parfaitement, si ce n’est mieux, sans vous qui, depuis de longs mois, mettez toute votre énergie à entraver le développement de la LCR au sein de l’Académie.

SL


Réactions syndicales

• Jean-François Rialhe, Secrétaire général UNSA-SE :

« Décalage entre le discours et la réalité en place »

Il y a, selon Jean-François Rialhe, une contradiction entre les « objectifs nobles et ambitions » du projet académique qui aspire à une meilleure réussite des élèves et les coupes sombres de postes dans l’Education nationale. Si on ne connaît pas encore combien seront supprimés à La Réunion, « on ne se fait pas d’illusion, une centaine de postes vont disparaître ». Les objectifs de résultats imposés aux enseignants, les heures supplémentaires, le nombre impressionnant d’évaluations servent-ils l’intérêt des élèves, à une meilleure évaluation des méthodes éducatives en vue de favoriser leur réussite scolaire ou permettent-ils de faire travailler plus les enseignants, tout en contrôlant leurs pratiques ? « On ne construit pas une voiture, soutient Jean-François Rialhe. L’éducation des enfants est plus complexe ». « Il y a un décalage entre le discours et la réalité en place qui nous inquiète énormément, surtout compte tenu du retard structurel à La Réunion ». « Il faut que la population se rende bien compte de ce qui se passe. Il faut se poser la question de savoir quelle École nous voulons, avec quels moyens et pour quels objectifs ».

• Jean-Louis Belhote, Secrétaire CFDT-Education :

« Rien de nouveau sous le soleil... »

Pas de grosse surprise pour le syndicaliste CFDT, le « discours lénifiant » est toujours le même d’une année sur l’autre, avec l’accent mis sur la lutte contre l’échec scolaire. Il ne parvient pas à masquer le fait que, en dépit de l’annonce de l’abrogation du décret de Robien, les postes supprimés n’ont pas été remis en place, alors que l’on demande clairement aux enseignants de travailler davantage pour assurer, entre autres, les études surveillées et que d’autres suppressions sont à attendre. « Le dogme “du travailler plus pour gagner plus” nous laisse dubitatifs ». Il faut, selon Jean-Louis Belhote, attendre 1 à 2 semaines pour constater les manques au sein de l’Académie et « activer la pompe à recrutement de contractuels. Je ne dis pas ça à leur encontre ». « Rien de nouveau sous le soleil, on est toujours en train de sous-estimer la réalité réunionnaise ! ».

• Jean-Paul Paquiry, Secrétaire fédéral de l’enseignement-FO :

« Sarko veut un statut d’enseignant »

Un discours de pré-rentrée qui s’apparente pour le syndicaliste à une « grande messe administrative ». Concrètement, suite à l’abrogation du décret de Robien, les postes supprimés n’ont pas été rétablis et risquent fort de ne pas l’être, sachant que « Sarko veut un statut d’enseignant pour enseigner partout » quelle que soit son habilitation initiale. L’Académie propose déjà que des professeurs en lycée professionnel enseignent en lycée technique où il manque d’effectif !

Propos recueillis par SL


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