Attention ! le site est hautement sécurisé, et pour cause. Il s’agit là d’un site fabriquant de la radioactivité. Aucune contamination n’est tolérée. Les laboratoires sont d’ailleurs sous haute surveillance, et les expérimentateurs doivent se soumettre à des mesures de sécurité draconiennes. Né en 2003, ce projet sort enfin de terre, alors que se peaufine la livraison de la première tranche du cyclotron. La visite se déroulait en présence de Paul Vergès, Président de la Région Réunion, Nassimah Dindar, Présidente du conseil Général, et Frank-Olivier Lachaud, Secrétaire général de la Préfecture de Saint-Denis. La presse non plus n’a pas manqué ce rendez-vous. On se rend bien compte de la nécessité de disposer d’une telle technologie pour la santé des Réunionnais, d’autant que la progression du nombre de malades du cancer est criante. Mais c’est aussi un espace de recherche biomédicale, avec un regard plus qu’attentionné sur les maladies émergentes.
La crise sanitaire du chikungunya aura montré l’importance de l’excellence réunionnaise, cela dans tous les domaines, et notamment médicaux. La Réunion doit se mettre au diapason des technologies de pointe. Le cyclotron, qui siège au Technopôle, accueillera des labos de recherches en biologie moléculaire, en immunologie, sur les maladies inflammatoires et les maladies infectieuses aussi. Bref, c’est un véritable pôle de recherche au service de la santé des Réunionnais, mais aussi du monde entier. Qui sait, peut-être que l’on viendra de l’Hexagone pour se soigner chez nous !

Qu’est-ce qu’un cyclotron ?

Vivian Mayi est radiophysicien. Il explique que le cyclotron est un accélérateur de particule circulaire qui engendre une réaction nucléaire dans une cible pour produire un élément radioactif. C’est le fluor-18, un isotope à demi-vie courte qui permet de fabriquer du fluorodésoxyglucose, un sucre radioactif qui va se fixer sur les zones cancéreuses. C’est la meilleure technologie d’imagerie pour la détection de cancers, une science révolutionnaire, qui permettra non seulement de détecter de façon particulièrement fine certains cancers, mais surtout de les traiter à des stades très précoces. Pour des raisons de sécurité, le cyclotron n’était pas actif lors de notre visite. Je n’y tenais pas non plus. Les premiers tirs sont programmés pour la semaine prochaine. Une phase de test essentiel pour la validation du cyclotron ! Le produit fini, qui sera injecté aux patients, se doit d’être stérile. Les promoteurs et bailleurs de fonds sont, eux, confiants, et ne rechignent pas de parfaire cette avancée, en assurant la construction de la deuxième phase du chantier ; à terme, cette technologie sera au service des Réunionnais, mais aussi des habitants des autres îles de l’Océan Indien. Et pourquoi pas d’ailleurs ?

Un Sakifo de la recherche

Ce cyclotron est le premier de cette partie de l’Océan Indien. Comme le signalait Nassimah Dindar, les habitants des îles alentours auront à La Réunion à profiter de soins de qualité. La Réunion enregistre 1.700 nouveaux cas de cancers par an. Sur le plan médical, c’est évidemment une aubaine pour notre île. Ce n’est donc pas pour rien que le Président Vergès avouait s’empresser de financer la deuxième tranche des travaux, tellement ce projet sert au rayonnement de notre île, et de son savoir-faire technologique. « Il est évident que dans tous les problèmes que rencontre La Réunion, tout n’est pas enthousiasmant. Mais dans ce domaine de l’excellence à La Réunion, de l’ouverture de La Réunion, du rayonnement de La Réunion, il est évident que le cyclotron est un élément de ce rayonnement. Et on risque de sous-estimer l’importance de ce qui se fait. Il faut se replacer dans notre contexte régional (...). Et tout d’un coup à La Réunion, il y a la modestie de la population, mais il y a la capacité ici, avec la France, avec l’Europe, de jouer un rôle décisif dans notre environnement. Et ça, ce n’est peut-être pas suffisamment perçu par l’ensemble de l’opinion à La Réunion ». Après la livraison du cyclotron, et celle à venir de l’antenne satellitaire de recherche, les Réunionnais devraient s’émerveiller de disposer d’une telle technologie. Comment communiquer sur la pertinence de sa mise en place à La Réunion ? « Est-ce que l’on ne pourrait pas faire un Sakifo de la recherche (...) pour ouvrir des perspectives et montrer l’importance de ce qui se fait ici ? », demande Paul Vergès. La jeunesse réunionnaise a son rôle en la matière. Frank-Olivier Lachaud y voit « un projet structurant pour l’avenir de La Réunion, et même pour la recherche nationale ». Pour le haut fonctionnaire de l’Etat, c’est là une triple réussite. Au plan médical, il y reconnaît un outil qui servira à donner aux malades réunionnais l’accès à une médecine de lutte contre le cancer. Il salue par ailleurs une réussite de projet, avec une équipe de projet déterminée et des bailleurs de fonds manifestement impliqués. Mais la réussite est avant tout humaine. D’ailleurs, on ne pouvait que saluer le premier cyclotroniste réunionnais, qui a achevé sa formation en Suède, chez General Electric. Une exception réunionnaise qui confirme que notre jeunesse peut occuper des postes à responsabilités. Attention, zone contrôlée, accès réglementé !

Willy Técher