La loi du 23 février 2005

Une injure aux populations victimes de la colonisation

6 avril 2005

Hier, ’Témoignages’ a publié en page 2 un article sur un “mensonge officiel” cautionné par un texte de loi. La loi du 23 février 2005 portant sur ’la reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés’. Pascal Basse, dirigeant du Mouvement républicain et citoyen (MRC) à La Réunion nous a fait parvenir hier un article à ce sujet. À noter qu’une campagne est en cours en France pour l’abrogation de cette loi, qui est parfaitement anticonstitutionnelle.

(page 6)

La loi "portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés", votée le 23 février 2005 par la majorité UMP à l’Assemblée nationale, est lourde de conséquences sur l’enseignement de l’Histoire coloniale et la formation de l’esprit critique des citoyens de notre pays.
Sous couvert de l’affirmation de quelques principes honorables - "(...) les programmes de recherche universitaire accordent à l’histoire de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, la place qu’elle mérite (...)" - cette loi poursuit des objectifs qui ne sont pas neutres politiquement. En précisant notamment que "(...) les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, (...)", l’article 4 remet gravement en cause le "métier d’historien" dans ses dimensions scientifiques, pédagogiques et civiques.
Car cette loi ne se contente pas seulement d’imposer une "histoire officielle" contraire aux valeurs de la neutralité scolaire consacrée par la laïcité ; en appelant à souligner particulièrement le "rôle positif" de la colonisation, elle transfigure la réalité du fait colonial, ce qui est une injure faite, et aux populations qui en ont été victimes, et à la démarche scientifique de l’historien.
Ce déni d’objectivité historique ne peut que nourrir, par réaction, le discours antirépublicain et communautariste de groupes de pression prompts à capitaliser les frustrations de populations ainsi dépossédées de leur passé. Les personnes et associations signataires du manifeste intitulé "Appel pour les Assises de l’anticolonialisme post-colonial" ne procèdent pas autrement.
Parce que la France républicaine a une responsabilité particulière dans la diffusion des valeurs universelles, parmi lesquelles la recherche de la vérité, vecteur incontournable de la formation de citoyens libres et responsables, la loi du 23 février 2005 doit être abrogée. Nous soutenons toutes les initiatives allant dans ce sens.

Pascal Basse, délégué national du MRC à l’Outre-mer


Pétition pour l’abrogation de cette loi

Un projet de pétition conçu par quelques historiens, sur la loi du 23 février 2005 "portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés" circule. Si vous êtes vous-même un historien, vous pouvez le signer, ou bien si vous connaissez des historiens susceptibles de le signer, veuillez le leur transmettre et le leur faire signer. Adresser les réponses à Claude Liauzu : (E-mail : [email protected])

Cette loi a des implications sur l’exercice de notre métier et engage les aspects pédagogiques, scientifiques et civiques de notre discipline.
"Les programmes de recherche universitaire accordent à l’histoire de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, la place qu’elle mérite. Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l’Histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit".(Article 4 de la loi du 23 février 2005)
Il faut abroger d’urgence cette loi :

- Parce qu’elle impose une histoire officielle, contraire à la neutralité scolaire et au respect de la liberté de pensée qui sont au cœur de la laïcité.

- Parce que, en ne retenant que le "rôle positif" de la colonisation, elle impose un mensonge officiel sur des crimes, sur des massacres allant parfois jusqu’au génocide, sur l’esclavage, sur le racisme hérité de ce passé.

- Parce qu’elle légalise un communautarisme nationaliste suscitant en réaction le communautarisme de groupes ainsi interdits de tout passé.
Les historiens ont une responsabilité particulière pour promouvoir des recherches et un enseignement :

- qui confèrent à la colonisation et à l’immigration, à la pluralité qui en résulte, toute leur place.

- qui, par un travail en commun, par une confrontation entre les historiens des sociétés impliquées rendent compte de la complexité de ces phénomènes.

- qui s’assignent pour tâche l’explication des processus tendant vers un monde à la fois de plus en plus unifié et divisé.


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