Réduction de 71% des crédits d’Etat permettant aux jeunes d’acquérir une expérience professionnelle

Une mesure pour empêcher les jeunes Réunionnais de travailler ?

26 février 2008, par Manuel Marchal

Dans son projet de loi-programme, le gouvernement proclame son intention de favoriser l’ouverture économique des collectivités de l’Outre-mer afin de favoriser leur développement. Mais dans le même temps, il plombe le dispositif de la formation en mobilité : les crédits d’Etat sont en diminution de 71%.

Lors de la réunion d’information organisée vendredi à la Région en présence d’étudiants ou futurs étudiants, de parents d’étudiants, du président de l’ANT et du responsable formation de la Chambre de Commerce et d’Industrie, Paul Vergès avait souligné une contradiction. D’une part, dans son projet de loi-programme, le gouvernement dit qu’il veut favoriser l’ouverture sur le monde, et d’autre part, il diminue de 71% les crédits qu’il affecte à cet objectif.

Or, pour La Réunion, l’ouverture sur le monde est une question essentielle. En effet, de par son insularité, La Réunion ne peut pas donner accès à toutes les formations possibles. Pour se former à un métier ayant des débouchés garantis, il est donc parfois nécessaire d’aller suivre une formation en dehors de La Réunion.

Depuis plusieurs années, la Région a fait le pari de coopérer avec le Québec, puis, depuis peu, avec l’Australie. Ces deux pays offrent en effet un environnement exceptionnel, et des propositions d’emploi immédiates pour les jeunes Réunionnais qui souhaitent y acquérir une première expérience professionnelle.

Un atout décisif

À la différence de La Réunion, touchée depuis des décennies par le chômage structurel, et de la France, où l’intégration des jeunes dans le monde du travail est le plus faible au niveau européen, le Québec offre en effet des possibilités d’insertion impossibles à trouver en France notamment. Lorsque l’on sait que, très souvent, la première exigence d’un employeur lors d’une embauche est l’expérience professionnelle, le Québec est un moyen d’acquérir cette expérience.

Si le jeune souhaite revenir au pays, son séjour au Québec lui permet de faire valoir cette expérience. Dans une situation de pénurie d’emplois, pour postuler à un métier dont aucune formation n’existe à La Réunion, le jeune Réunionnais dispose donc des mêmes atouts que d’éventuels concurrents venus de Métropole.

Or, en réduisant ses crédits, l’Etat ferme la porte à cette possibilité. Autrement dit, il bloque le moyen offert chaque année à des centaines de jeunes Réunionnais d’acquérir une expérience professionnelle significative, condition essentielle dans bien des cas pour travailler au pays.

Attaque contre la jeunesse réunionnaise

Par ailleurs, les projets de mobilité soutenus notamment par l’ANT et la Région s’inscrivent dans une démarche d’intégration à la société. Le jeune monte un projet, il ne se lance pas au hasard. Lui et sa famille doivent multiplier les démarches pendant des mois pour avoir le droit de faire des études dans un pays qui ne fait pas partie de l’Union Européenne. Une fois sélectionné, le jeune doit impérativement réussir chaque année ses évaluations. Il a trois ans pour réussir. Au cours des deux premières années, il est soutenu par l’Etat via l’ANT et la Région, et la troisième, uniquement par la collectivité réunionnaise.

Autrement dit, à ceux qui pensent que la jeunesse réunionnaise est touchée par le fatalisme, les jeunes qui luttent pour un projet de mobilité apportent une clarification éclatante : la jeunesse réunionnaise veut s’en sortir et elle est prête à partir quelques années à 20.000 kilomètres de son pays pour atteindre son objectif.

C’est cette motivation que le gouvernement abat en plein vol en réduisant sa contribution à un effort partenarial impliquant également le Québec et la Région Réunion. Et ce n’est pas comme cela que l’Etat, compétent en la matière, réduira le taux de chômage des jeunes qui avoisine 50% à La Réunion. Et cela d’autant plus qu’il ferme aux jeunes l’accès aux contrats aidés.

D’où cette énorme contradiction : comment, d’un côté, peut-on dire que l’on veut contribuer au dynamisme de l’économie de La Réunion et agir d’un autre côté pour enlever à la jeunesse réunionnaise les moyens de trouver un emploi ?

Manuel Marchal


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