Agrocarburants : trois ONG dénoncent « la grande illusion »

6 octobre 2008

Oxfam France- Agir ici, le CCFD et les Amis de la Terre interpellent les instances européennes et françaises afin qu’elles mettent un frein au développement des carburants végétaux, dont l’impact sur les pays du Sud est désastreux.

Deux ONG de solidarité internationale : Oxfam France- Agir ici et le CCFD ( Comité catholique contre la faim et pour le développement) et une association écologiste, les Amis de la Terre, lancent aujourd’hui une campagne d’information pour dénoncer l’impact du développement des agrocarburants sur les populations de pays du Sud. Ils vont aussi interpeller les instances européennes et françaises pour leur demander de mettre un frein aux politiques de soutien à cette filière.
« Si nous avons décidé d’agir, de "dénoncer la grande illusion des agrocraburants" », explique Ambroise Mazal, du CCFD, « c’est que nous sommes sollicités depuis deux ans par nos partenaires dans les pays du Sud qui s’alarment de la multiplication chez eux des projets de cultures d’agrocarburants. »

La fin des cultures traditionnelles

Des projets généralement conduits par de grandes entreprises américaines ou européennes et destinés à l’exportation vers les pays du Nord. « Des projets fondés sur des monocultures intensives qui entrent en concurrence avec les cultures vivrières traditionnelles et la production alimentaire », dénoncent les ONG.
Une part considérable des terres des pays du Sud est déjà utilisée pour des productions non alimentaires, expliquent-elles. Ainsi la culture du soja au Brésil représente 20 millions d’hectares dont la majeure partie est destinée à l’alimentation animale des pays du Nord.
Au Sud, les petits paysans sont contraints de laisser leurs terres aux grands groupes agro industriels ou de modifier leur production au détriment des cultures vivrières. Et de leur mode de vie traditionnel.

Spéculation et crise alimentaire

En outre, les politiques fiscales en faveur des agrocarburants ont joué un rôle dans la crise alimentaire et dans la flambée des prix des denrées de base. Ainsi, l’OCDE estime que près de 60% de l’augmentation de la consommation de céréales et d’huiles végétales, entre 2005 et 2007, est imputable aux agrocarburants. Pour le Fonds monétaire international (FMI), l’augmentation de la demande en agrocarburants compte pour 70% dans la hausse des cours mondiaux du maïs en 2007. Or, la FAO, l’agence des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation, a annoncé la semaine dernière qu’en un an, de 2007 à 2008, le nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde ets passé de 850 à 925 millions.
Ces trois ONG ont donc décidé d’interpeller Nicolas Sarkozy, en tant que président du Conseil de l’Union européenne, afin que les chefs d’Etats des 27 s’opposent à l’objectif obligatoire souhaité par la Commission européenne d’incorporer 10% d’agrocarburants dans les carburants fossiles d’ici 2020.

800 millions d’euros d’aides en 2008

« Les agrocarburants représentaient 1,9% de la consommation totale de carburants pour les transports en Europe en 2006. Pour atteindre l’objectif de 10% d’ici 2020, l’Union européenne sera obligée de recourir à des importations massives en provenance des pays du Sud. », souligne Jean-Denis Crola, d’Oxfam France-Agir ici.
« La France s’est donné des objectifs encore plus ambitieux », rappelle-t-il, « puisqu’elle veut atteindre cet objectif d’incorporation de 10% d’ici 2015 ! C’est pourquoi nous allons aussi nous adresser à Michel Barnier, le ministre de l’Agriculture, afin que soient révisés les mécanismes fiscaux d’aide à la filière. En 2008, 800 millions d’euros ont été consacrés à soutenir le développement des agrocarburants en France, sous forme de défiscalisations. »
La France, dont les caisses sont plutôt vides, a déjà dû prévoir de réduire ces aides, au grand dam des producteurs hexagonaux d’éthanol et de biodiesel.
Le projet de loi de finances 2009 annoncé vendredi dernier prévoit en effet une diminution progressive, jusqu’en 2012, des aides à la production : le gain pour l’Etat devrait dès 2009 atteindre les 401 millions d’euros.

Réduire les transports

« On nous a longtemps présenté les agrocarburants comme une solution miracle palliant notre dépendance au pétrole et aidant à lutter contre le changement climatique. Cela se révèle faux : l’énergie contenue dans un litre d’agroéthanol fabriqué en Europe dépasse à peine celle qu’il fallu brûler pour la produire », affirment les ONG. « La déforestation liée aux agrocraburants accroit les émissions de gaz à effet de serre. »
« Pour nous, l’urgence est donc avant tout de réduire notre hyperconsommation de transports », explique Sébastien Godinot des Amis de la Terre. « En transférant par exemple une partie du transport routier sur le transport ferroviaire, en réduisant la vitesse maximale des voitures et en obligeant les constructeurs à travailler sur la réduction des émissions de CO2 des voitures...ce sont des alternatives bien moins risquées écologiquement que les agrocarburants ! »
Dans le cadre du Grenelle de l’Environnement, les ONG appellent aussi au respect du moratoire sur les autoroutes qui avait été annoncé.

 Sources : Libération 


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