Production de carburants à base d’algues

Après l’or noir, l’or vert ?

5 mai 2010

Après les carburants obtenus à partir de cultures oléagineuses (soja, colza, palmier à huile, tournesol) et les combustibles obtenus à partir d’alcool (maïs, blé, betterave, canne à sucre), les algo diesels ont fait leur apparition dans le monde des « bio carburants ». Ces combustibles de « troisième génération » représentent de grands enjeux face à la flambée du baril de pétrole et à la raréfaction des énergies fossiles, non renouvelables. Laurent Blériot de la société Bioalgostral, qui produit du bio diesel à partir de micro-algues de l’océan Indien, analyse l’état actuel du marché, le potentiel des algues et les projets à venir sur l’île de La Réunion. Les algo carburants seront-ils l’énergie de demain ? Entretien.

Revenons pour commencer à la naissance de la société Bioalgostral…

- La start-up est née en août 2008 et exerce ses activités sur la plate-forme technologique du Cyroi (Cyclotron Réunion océan indien) spécialisée dans le domaine des bio sciences. L’activité principale est la production de bio carburants à partir de micro-algues. Ce projet s’intègre au programme Gerri (Grenelle de l’environnement à La Réunion, réussir l’innovation). En effet, la micro-algue est au centre de deux problématiques : l’optimisation des stations d’épuration et l’autonomie énergétique.

Plusieurs pays dans le monde, notamment les Etats-Unis et l’Espagne, ont déjà développé la filière des algo carburants. En quoi la technologie de Bioalgostral à La Réunion est-elle innovante ?

- Dans le cadre de la valorisation des micro-algues, nous ne souhaitions pas entrer en concurrence avec les agriculteurs. Les algues se nourrissent de phosphate notamment et celui-ci sert aussi d’engrais pour l’agriculture. Pour nous, il était essentiel de trouver une autre source de phosphate et également d’identifier une alternative au principe “planter pour rouler”. Nous avons identifié des sources de phosphate non utilisées : dans les eaux usées des stations d’épuration et les lisiers de porcs par exemple. Nous avons obtenu un brevet pour la récupération des phosphates issus des eaux sales et préconisé la méthanisation des boues pour créer de l’électricité et du CO2 dont les algues se nourrissent également.

Le coût de la production de l’huile de micro-algues est critiqué et jugé non compétitif sur le marché…

- La difficulté, c’est bien de transformer la biomasse issue des algues en huile à une échelle industrielle, le coût est cher. Aujourd’hui, nous sortons la technologie du laboratoire, un démonstrateur devrait être opérationnel en juin prochain. Il s’agit d’un site pilote et non encore industriel. Mais les micro-algues sont intéressantes à plus d’un titre. Elles vivent dans l’eau, mais n’en consomment pas, elles sont trois fois plus productives que les cultures oléagineuses qui impliquent des pesticides, des engrais, de l’eau et du foncier.

Un projet de couplage d’une unité de production micro-algues à une station d’épuration au fin de production d’un biodiesel doit voir le jour à Sainte-Rose, c’est l’occasion de sortir du laboratoire…

- La station d’épuration deviendrait productive. La biomasse devient une réelle source d’énergie. Elle peut être utilisée après une méthanisation de la matière organique et produire du biogaz et, après, de nouvelles transformations chimiques du biocarburant. Une partie de la matière sèche, une fois l’huile extraite des algues, peut être utilisée pour le compostage et même l’épandage pour les matières qui résulteraient de la méthanisation. L’utilisation des boues générées par la future station d’épuration (début du chantier en 2010) servirait, in fine, à produire du biocarburant, servant au parc automobile de la commune de Sainte-Rose.

Vous présentez cette technologie comme une solution renouvelable, n’est-ce pas surtout un argument de vente ?

- La technologie de Bioalgostral permet de capter et recycler les nitrates et les phosphates dans les eaux usées urbaines et de fixer le CO2 obtenu par la méthanisation des boues en les transformant en ressource. C’est un cycle fermé. Et surtout, il n’y aura pas d’odeur. Les bassins pour la méthanisation sont couverts et fermés. Par ailleurs, quand on dit bio, il faut aller au bout. Dans le secteur des biocarburants, l’enjeu est non seulement alimentaire, mais aussi si l’on s’en tient aux carburants issus de l’agriculture, ils nécessitent l’ajout de phosphates, une matière fossile non renouvelable. Nous nous sommes fixés comme contrainte de puiser le phosphate ailleurs que dans la nature. Et pour les prélèvements d’algues dans l’océan, nous n’en réalisons qu’un seul. Les algues sont ensuite élevées en laboratoire, il n’y a aucun risque de pénurie.

En termes de commercialisation, quels espoirs avez-vous ?

- L’Union Européenne s’est fixée l’objectif de 5,75% de biocarburants incorporés à la pompe avant 2010. À l’horizon 2030, ce chiffre pourrait être de 30%. Cela nous réjouit. Mais aujourd’hui, pour des raisons de fiscalité, la législation impose de ne pas dépasser un certain seuil, nos marges de manœuvre sont limitées sur ce point. Mais les pétroliers ne voient pas d’un mauvais œil ce projet, nous ne faisons pas le même métier. Bioalgostral n’est pas distributeur de carburants. La SRPP (Société réunionnaise des produits pétroliers) s’est même déclarée « prête du jour au lendemain à intégrer les biocarburants ».

Qu’attendons-nous dans ce cas ?

- Nous bouclons le montage financier et technique en ce moment. La plate-forme pilote de 1.000 mètres carrés devrait être lancée en juin. Il nous serait possible de répondre à 13% de la commande de diesel sur une année. Le potentiel annuel de production serait de 50.000 tonnes d’algo carburants. Un test sur des véhicules roulant 100% à l’algo diesel sera lancé prochainement. Le projet est en cours de finalisation.

Energies renouvelables

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