Pétrole : facteurs structurels pour des prix durablement élevés

Énergies renouvelables : condition du développement durable

20 juillet 2004

Selon les observateurs, le niveau élevé du prix du pétrole s’explique principalement par trois facteurs sur lesquels il est difficile actuellement de peser : guerre en Irak, hausse de la demande et difficultés pour augmenter la production. D’où un constat : la nécessité d’imaginer un développement basé sur l’utilisation d’autres énergies, ceci afin d’anticiper sur la hausse prévisible du prix du pétrole, mais aussi pour atténuer les conséquences des changements climatiques.

Depuis déjà plusieurs mois, le monde est confronté à une hausse des tarifs du pétrole brut. Le 1er juin dernier, le baril de brut avait dépassé le plafond symbolique des 40 dollars (42,33). Après une légère accalmie, le cours est remonté vendredi dernier avec 41,25 dollars à la clôture de la séance du marché à terme de New-York.
Des observateurs évoquent déjà un scénario de pré-crise, avec une différence fondamentale par rapport aux chocs pétroliers de 1973 et 1979 : cette hausse ne découle pas de la volonté politique d’un ou plusieurs gouvernements, ou d’un changement de régime, mais d’autres facteurs sur lesquels on a peu de prise : guerre en Irak, saturation de l’outil de production et hausse de la demande.

Moyen-Orient déstabilisé

On pourrait qualifier le premier élément de conjoncturel, il s’agit de la guerre en Irak, mais à l’heure d’aujourd’hui, rien ne dit que le conflit déclenché par la Maison blanche va s’arrêter prochainement. Au contraire, les forces d’occupation et leurs collaborateurs ont à faire face à des actes de sabotage de l’outil de production, qui empêchent l’Irak d’atteindre les niveaux d’exportation d’avant-guerre.
Ainsi, l’année dernière, l’Irak a produit en moyenne 1 million de barils par jour de moins que pendant la période 1999-2001, ce qui se traduit par une chute de près de 50%. Et plus le temps passe, plus on constate l’enlisement dans la guerre, marqué par la multiplication des attentats. Bagdad détient un triste record : 20 voitures piégées en un mois.
Conséquence de l’invasion de l’Irak : la recrudescence des attaques contre les installations pétrolières en Arabie Saoudite, premier pays exportateur mondial de pétrole. "Les menaces de déstabilisation auxquelles le régime saoudien est confronté remettent en cause la possibilité pour ce pays de jouer son rôle prépondérant dans la satisfaction des besoins pétroliers mondiaux", précise Nicolas Sarkis, directeur du Centre arabe d’étude pétrolières, dans le dernier numéro du “Monde diplomatique”. Le chercheur estime que l’instabilité de la région qui abrite les plus importantes réserves mondiales est à l’origine d’une “prime de risque” qui se répercute sur les prix. Comprise entre 6 et 10 dollars par baril, elle comprend notamment les coûts d’assurance. Une prime qui risque de persister, car le Moyen-Orient semble désormais être déstabilisé de manière durable.

Production à plein régime

Le deuxième facteur est la limite des capacités de production et de raffinage. Les pays de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) atteignent leur niveau maximal de production. "Combien de pétrole l’OPEP peut-elle pomper en plus ?", interroge Phil Flynn, analyste chez Alaron Trading. En effet, d’après Nicolas Sarkis, "selon les estimations les plus fiables, les capacités non utilisées sont de l’ordre de 2,5 à 3 millions de barils par jour". L’OPEP a produit 28,6 millions de baril en juin, niveau le plus haut depuis 2000. Quant aux pays non-OPEP, la production s’élevait en juin à 45 millions de barils par jour.
On le voit, la marge de manœuvre est étroite, de l’ordre de 4%. Et dans la plupart des pays, la production se fait à "plein régime", relève Nicolas Sarkis. Pour produire davantage, des investissement colossaux sont à prévoir, de l’ordre de 27 milliards de dollars par an au Moyen-Orient. Mais du fait de l’instabilité politique dans cette région du monde, pourra-t-on investir suffisamment ?
Autre interrogation : l’incertitude sur le volume des réserves prouvées, et les découvertes de nouveaux gisements se font rares.
Un autre problème souligné par Nicolas Sarkis vient du sous-investissement dans les capacités de raffinage des pays consommateurs. Des capacités aujourd’hui limitées pour faire face à la demande en produits raffinés ont eu notamment pour conséquence d’entraîner, en mai dernier, une pénurie d’essence aux États-Unis, avec flambée des prix à la clé.

Le poids de la demande

Troisième facteur, lui aussi structurel : la hausse de la demande. Selon plusieurs experts, le développement économique de la Chine et de l’Inde en particulier tirent les prix vers le haut. Ainsi, l’an dernier, la Chine a vu ses importations augmenter de 6%, et on prévoit que la part du pétrole dans la production énergétique chinoise passera en 25 ans de 31,5% à 73,2%.
Dans la globalité, on estime qu’en 2025, la demande quotidienne en pétrole s’élèvera à 120 millions de barils - contre 80,3 aujourd’hui. Cela représentera le double des besoins d’avant le premier choc pétrolier de 1973. Alors qu’en juin dernier, la production était d’environ 73 millions de barils, on peut se poser la question : comment produire une telle quantité ?
Pour se développer, la Chine et l’Inde utilisent le “modèle” de développement de l’Occident, basé sur la consommation importante d’énergies fossiles. Or, ces deux pays sont des géants démographiques, qui représentent aujourd’hui plus de 2 milliards de personnes, soit plusieurs fois la population de l’Occident. C’est dire que l’on est là face à un phénomène inéluctable, qui tirera les prix vers le haut.
C’est ce qu’estime Dominique Bourg, directeur du Centre de recherche et d’études sur le développement durable, qui dit dans “20 minutes” d’hier que "nous ne pourrons pas répondre à l’augmentation massive de la demande avec l’entrée de plus d’un tiers de l’humanité sur le marché mondial. Le prix du pétrole ne pourra qu’exploser". Cela rejoint l’analyse de plusieurs experts pour qui nous vivrons dans un monde où l’énergie ne sera plus bon marché, avec toutes les conséquences économiques que l’on peut imaginer.

Chercher des alternatives

Cela montre que dès maintenant, il est essentiel d’envisager un autre mode de fonctionnement, où une des priorités est de réduire la part du pétrole dans la production d’énergie. Cela apparaît comme une nécessité économique. Et cela est d’autant plus urgent que la consommation d’hydrocarbures a des conséquences sur l’environnement. Leur combustion entraîne l’accumulation de gaz à effet de serre.
Or, ces derniers favorisent les changements climatiques. Si la consommation de pétrole atteint dans 25 ans le double de celle des années 70, on peut craindre une augmentation encore plus brutale de la température moyenne de la planète, avec des conséquences encore plus dramatiques. Et dans de telles conditions, quel développement pour La Réunion si le pays est régulièrement ravagé par des cyclones d’intensité exceptionnelle ?
Chercher de nouvelles énergies qui ne dégradent pas l’environnement et qui sont capables de répondre aux besoins d’une population mondiale en augmentation, c’est bien un des enjeux du développement durable.

M.M.


Jusqu’où les prix peuvent monter ?

"Un baril à 200 dollars n’aurait rien d’absurde"

Dans son édition d’hier, “20 minutes” a interrogé le philosophe Dominique Bourg, directeur du Centre d’études interdisciplinaires sur le développement durable et professeur d’écologie industrielle à l’université de technologie de Troyes.
Pour le chercheur, "un baril de brut à 200 dollars, cela n’aurait rien d’absurde, même s’il est impossible de dire quand". "Aujourd’hui, beaucoup de gens, pour des raisons économiques, ont fui loin des centre-villes, avec tous les transports que cela suppose", poursuit-il, "si nous sommes face à une explosion radicale du prix du baril - au-delà des 50 dollars de façon durable - que faisons-nous ? Il y a là un véritable problème d’infrastructure !".

Energies renouvelables

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