La question du pouvoir d’achat au cœur des luttes

L’autonomie énergétique : un outil pour améliorer la situation sociale

4 juin 2008, par Manuel Marchal

Les grèves successives qui marquent l’actualité sociale sont liées à la question du pouvoir d’achat. Tout le monde, l’Etat y compris, reconnaît qu’à La Réunion, la vie est plus chère. Cette situation va encore s’aggraver si la part des importations ne diminue pas dans le secteur de l’énergie.

Grève à la Poste depuis le 21 mai, grève au CRC depuis hier, grève à Stor Solutions la semaine dernière, grève à la Banque de La Réunion, grève à la BNPI... les mouvements sociaux se succèdent à La Réunion. C’est la question du pouvoir d’achat qui est au cœur des revendications portées au cours de ces grèves qui durent souvent plus d’une semaine. Tous ces travailleurs sont en lutte pour avoir droit à un meilleur salaire. Car force est de constater que les prix augmentent plus vite que les revenus. Cela rend les tensions d’autant plus fortes que le coût de la vie à La Réunion est plus élevé qu’en France. Or, c’est à partir de la situation française que sont définis les minima sociaux et le SMIC. Le différentiel est tellement important que l’Etat verse à ses salariés une prime pour justement compenser une vie plus chère à La Réunion qu’en France.
La baisse du pouvoir d’achat est une revendication commune dans les grèves. Et cette situation ne risquera pas de s’améliorer tant que notre île importera 86% de son énergie. En effet, ces importations sont des énergies fossiles : charbon et hydrocarbures.

Importations payées par les Réunionnais

Tout le monde ne peut que constater que les prix des matières premières ne cesse d’augmenter. La hausse du pétrole a ainsi un impact sur les prix. Le contexte insulaire de La Réunion amplifie cela, pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, les marchandises importées sont transportées soit par bateau, soit par avion, mais dans les deux cas, avec un mode de transport qui utilise les hydrocarbures. L’an dernier, ce sont ainsi plus de 3,65 millions de tonnes de produits qui ont été déchargés sur les quais du Port, indiquent les statistiques de la DDE. Parmi ces importations, on a plus d’un million de tonnes d’énergies fossiles.
Ce sont donc 3,65 millions de tonnes qu’il a fallu transporter en divers points de l’île en utilisant des véhicules fonctionnant également avec des hydrocarbures. C’est en effet le poste transport qui est à La Réunion le plus gros consommateur d’énergies importées, avec à la clé une hausse de 37% de la consommation en 4 ans. Cette facture, elle est payée par les Réunionnais.
Cette augmentation s’accompagne d’une hausse du prix de l’énergie. En quelques années, le prix du baril de pétrole a été multiplié par 6. Il dépasse aujourd’hui 120 dollars, et il n’est plus impossible que la prochaine étape soit les 200 dollars. Cela est dû à des facteurs externes à La Réunion, et ce n’est pas La Réunion qui peut décider de faire baisser le prix du pétrole.
Le modèle de développement dominant, mis en place par l’Occident depuis plus d’un siècle, était en effet construit sur un baril de pétrole à moins de 10 dollars. Cette époque est derrière nous. La hausse de la demande mondiale, la stagnation de la production et la spéculation interdisent en effet d’imaginer un retour au pétrole bon marché.

Maîtriser notre production et notre consommation

Tout concourt donc à une hausse du prix payé par les Réunionnais sur tous les produits. Si l’on reste spectateur, les prix vont s’emballer, et avec eux, le mécontentement de la population va s’amplifier.
Il est donc essentiel de sortir de cette situation en maîtrisant nous-mêmes notre production et notre consommation énergétiques. C’est une source d’économie importante, ainsi qu’un facteur de renforcement de la cohésion sociale.
C’est l’objectif fixé par le mot d’ordre d’autonomie énergétique dans la production d’électricité pour 2025, et d’autonomie énergétique dans tous les domaines pour 2050. En se libérant des énergies fossiles, notre île a en effet la garantie de pouvoir compter uniquement sur des énergies gratuites, disponibles en abondance à La Réunion. Ce sont, entre autres, le soleil, le vent, la biomasse, la chaleur du volcan ou l’énergie des vagues. De la réussite de cet objectif dépend le développement du pays. Car le maintien dans notre île d’un mode de développement conçu dans un contexte qui n’a rien à voir avec la situation actuelle ne pourra entraîner qu’un appauvrissement de la population.

Manuel Marchal


De 66 à 130 dollars

Doublement du prix du pétrole en moins de deux ans

En 2006, ce sont plus 1.100 million de tonnes d’énergies fossiles (hors kérosène) qui ont été importées, transportées et consommées à La Réunion, dont plus de 500.000 tonnes de carburants (hors kérosène). En 2006, le prix du pétrole était en moyenne de 66 dollars, soit la moitié du cours actuel.
La conjonction de la hausse de la consommation hydrocarbures à La Réunion et de l’augmentation des prix du pétrole ne peut donc avoir que des conséquences désastreuses.


Les fermes agrisolaires

Diminuer la facture de nos importations

Parmi les fiches actions présentées par le PRERURE, l’une d’entre elles vise à concilier production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et sécurité alimentaire.
Dans un contexte de renchérissement du prix des transports, notamment du fret maritime, les importations vont coûter de plus en plus cher. Il sera donc plus onéreux d’importer de la nourriture.
Il est donc important de réfléchir dès maintenant à des solutions pour que l’agriculture réunionnaise puisse produire davantage pour la population réunionnaise. Avec la construction de serres anticycloniques surmontées de panneaux photovoltaïques, les fermes agrisolaires pourraient faire augmenter la production maraîchère sur de petites surfaces, tout en garantissant un approvisionnement régulier au lendemain des cyclones.
La réussite d’un tel projet fera diminuer la hausse de la facture de nos importations, et donc sera un levier pour lutter contre la vie chère.


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