Si EDF m’était contée...

La politique énergétique expliquée aux enfants

19 octobre 2007

On a tous rêvé. A Kyoto, à Montréal... Qui sont ces rêveurs qui ont acté la réduction de moitié des émissions de gaz à effet de serre dans les dix prochaines années ? Quant aux Réunionnais... Auto suffisants en énergies d’ici 2025 ? Ce n’est plus du rêve, c’est de la dope ! Mais EDF veille au grain et la Préfecture fait de la “pédagogie”. Acte 2.

« Et si La Réunion se passait de la centrale thermique EDF ? » Cette question n’est que la synthèse de toutes celles que peuvent légitimement se poser les acteurs du plan régional de développement des EnR (Énergies Renouvelables), devant le dimensionnement du projet de centrale EDF dont la deuxième réunion de l’Instance Locale de Concertation (ILC), hier, a débattu de l’emplacement. Cette question n’aura logiquement de réponse définitive qu’au terme de la consultation : on mesurera alors la distance qu’elle aura éventuellement fait parcourir aux porteurs du projet. Il faut continuer à rêver.
Les questions/réponses sont venues après cinq exposés : celui du TCO sur son Schéma de cohérence territoriale face aux enjeux du développement économique de l’agglomération ; une étude de l’Agorah pour la DDE sur la recherche de sites d’implantation ; une présentation du projet Ville et port et de son objectif “ville solaire” visant l’installation de 45MW produits par l’énergie solaire, soit neuf fois la puissance actuellement installée dans la cité maritime par les industriels et les privés. La quatrième présentation, par la DDE, portait sur le schéma directeur portuaire et ses investissements pour le présent et le moyen terme (2011). Enfin, EDF a présenté son projet de centrale dans le cadre général de la Production Électrique Insulaire (PEI).

Un prototype de nuisance muséale...

« Ne pouvait-on trouver d’autres sites qu’au Port ? »,
s’est “étonné” le premier le secrétaire général de la Mairie du Port, au vu des trois sites étudiés par l’Agorah. De ces trois sites, EDF en retient deux, dont un, par pure forme. Le postulat d’EDF est que sa centrale sera « exemplaire, même si elle fonctionne au fuel ». Ce sera l’exemple... de ce qu’il ne faut plus faire. Une sorte de prototype de nuisance muséale, que nos petits-enfants iront visiter comme on va à Jurassik Park. D’ailleurs, les missionnés EDF de Paris reconnaissent, promis juré, que ce sera la dernière centrale du genre !
On nous fait la “Ferrari” des centrales au fuel lourd, c’est une fin de série... et il faut qu’EDF vienne la faire dans le “laboratoire vert” de l’Europe !
Certain, dans le débat, a parlé de « mépris »... Ce n’était d’ailleurs pas à EDF qu’il s’adressait mais à la DDE, accusée de « mentir par omission » dans la présentation des sites : selon un document de la SOGREAH, les emplacements auraient fait l’objet de deux options et « le document sans Centrale thermique » n’aurait pas été pris en compte. La DDE a protesté contre la véhémence de l’accusation, sans répondre sur le fond.
Sur le fond, le représentant de la CGTR Ports&docks a rappelé que « les plus grosses erreurs d’aménagement de l’île ont toutes été, en leur temps, présentées comme “la meilleure des solutions possibles” ».

Devant des institutions qui assènent que l’emplacement proposé - en “bord à quai”, dans le secteur des vraquiers - est le meilleur possible, les acteurs portuaires - CCIR, ADIR, Medef-Union Maritime et personnel de l’enceinte portuaire - ont fait valoir qu’il ne pouvait y avoir de développement portuaire sans espaces réservés. Le président de la CCIR, avant d’appeler à la recherche d’un « compromis », a posé l’exigence de dégager 80 ha dans la zone du port-est.
Le Secrétaire général a aussitôt proposé de lancer « dans les plus brefs délais » les discussions sur le schéma d’aménagement portuaire - discussions que la ville du port estimerait devoir piloter. Mais rien de tout cela n’indique que les réflexions engagées sur le développement portuaire feront évoluer en quoi que ce soit l’option prise par EDF sur les 17 ha en bord à quai. A une question du représentant de l’ADIR - « si techniquement la collectivité Réunion vous apporte un terrain “clé en main” ailleurs, EDF accepterait-il de déménager ? », la réponse d’EDF est « Non. Il ne faut pas aller ailleurs. Ce n’est pas antinomique avec le développement portuaire et c’est le meilleur terrain au sens énergétique ». Dommage que le président de la CCIR soit parti sans dire sur quoi il escomptait voir s’instaurer un « compromis »...

Au mépris du choix des énergies renouvelables

Le seul point sur lequel le projet de centrale s’est modulé quelque peu est celui de la puissance installée. Elle pourrait se limiter à 160 MW dans un premier temps : c’est encore beaucoup pour une centrale dont l’utilité réelle ne porterait que sur quelques dizaines de mégawatts d’appoint. Pourquoi dans ce cas ne pas se contenter d’une TAC supplémentaire ? Au point de contradiction et d’incohérence ou tout cela nous amène...
Les responsables d’EDF sont prêts à concéder que cette centrale pourrait ne pas apporter toute la puissance pour laquelle ils l’ont (sur)dimensionnée : cela fait partie des contradictions acceptables pour faire passer le projet. Un projet qui, assure-t-on à EDF, « permet l’essor des énergies renouvelables »... pourvu que ce soit d’autres qui s’en chargent ! C’en est à se demander à quoi travaillent exactement les 3000 agents d’EDF employés, paraît-il, à de la R&D dans les EnR. Ils cherchent, nous dit-on... mais ce sont les autres qui trouvent (1).
Et même - concession suprême - la centrale disposerait d’un « potentiel photovoltaïque de 1 ha » (équivalent à 1 MW). Ce fut la réponse faite à l’ARER qui suggérait que « les architectes préservent des orientations de toitures favorables aux EnR » et que les commanditaires « incluent des exigences draconiennes en matière de climatisation et de maîtrise de l’énergie ». Cause toujours... Le choix d’EDF entre les deux projets architecturaux en concours devrait intervenir « au début de l’année prochaine ».
Et si La Réunion décidait pour de bon de s’en passer ? Il faudra reposer la question jusqu’à ce que les porteurs du projet lâchent enfin les vraies raisons d’une entreprise dont le calibrage fait fi de près de dix ans de concertation locale sur les EnR. Alors, un peu plus (de “concertation”) ou un peu moins...

Une autre proposition de l’ARER, suggérant à EDF d’aller chercher l’eau du circuit de refroidissement à plus de profondeur, de façon à coupler la production d’électricité à une valorisation par des technologies marines associées, n’a pas non plus reçu de réponse : ce sera pour le 8 novembre prochain. Les rêveurs ont de la suite dans les idées. Ils ont raison. Ce sont eux qui inventent l’avenir.

P. David

(1) Pendant qu’EDF défendait son prototype du passé, une dépêche en provenance de l’Union européenne signalait que des entreprises allemandes, en coopération avec l’institut des techniques solaires de production d’énergie (ISET) de l’Université de Kassel, ont présenté cette semaine à Berlin « un système décentralisé de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables réparties sur l’ensemble du territoire allemand ». Le système combine différentes technologies de production et de stockage de l’énergie à partir de sources renouvelables (éolien, solaire, hydraulique et biogaz) et ambitionne de couvrir 100% de la demande électrique nationale. C’est un système pilote innovant qui relie 36 centrales isolées et est capable de fournir de l’électricité 100% renouvelable en continu, « de manière fiable et indépendante des conditions météorologiques ».

Energies renouvelables

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