Construisons un projet alternatif — 1 —

La Réunion terre d’expérimentation des énergies renouvelables : - En finir avec l’énergie fossile polluante et coûteuse - Assumer notre part de responsabilité pour sauver la planète

30 juin 2009, par Manuel Marchal

Conséquence du lancement du mot d’ordre d’autonomie énergétique pour 2025, la politique mise en œuvre dans le domaine de l’énergie à La Réunion débouche sur des avancées dont la portée dépasse notre île. Au moment où les grands pays industrialisés tentent de s’appuyer sur la crise pour refonder leurs économies à partir du développement durable, La Réunion est en avance et pose les jalons d’un projet alternatif, réunionnais et mondial.

En novembre 2006, les collectivités et les acteurs socio-économiques réunionnais sont arrivés à synthétiser des propositions (voir encadré) dans l’énergie et l’environnement.
Tout avait commencé en 1998 par la voix de Paul Vergès, les Réunionnais n’ont attendu personne pour lancer le mot d’ordre d’autonomie énergétique pour 2025. C’est le point de départ d’une dynamique qui ne cesse de s’amplifier. La décentralisation a donné la responsabilité à la Région d’élaborer un plan stratégique dans le domaine de l’énergie. Des outils ont alors été créés pour avoir des moyens d’atteindre cet objectif : ce sont l’ARER et le PRERURE. Le PRERURE propose d’agir sur les leviers de la diminution de la consommation et du développement de nouvelles technologies pour arriver à l’autonomie énergétique à partir des énergies renouvelables.
On assiste alors à un véritable foisonnement d’idées et de projets. La volonté politique des Réunionnais a libéré l’énergie créatrice et les investissements. Cette richesse est appuyée par des soutiens politiques mis en œuvre par la Région dans ses compétences.

Un changement fondamental

C’est par exemple la réforme de l’octroi de mer qui prévoit désormais le principe du pollueur-payeur. Les taxes ont alors décidé des industriels à envisager d’autres sources d’énergie pour développer leurs activités. Elles doivent aussi stimuler les comportements vertueux, comme par exemple la décision de remplacer un véhicule à essence par une voiture électrique.
C’est aussi la décision de construire des fermes photovoltaïques le long de la route des Tamarins. Ces installations seront capables de produire de l’électricité pour des véhicules équipés de moteurs ne rejetant aucun gramme de CO2.
Quand cette orientation a été décidée en 1998, la lutte contre le réchauffement climatique n’était pas une priorité pour les grands États, et le prix du baril de pétrole était en dessous de 20 dollars, contre plus de 100 dollars dix ans plus tard, au moment où il a été question sur le territoire de toute la République du Grenelle de l’Environnement. On peut noter que La Réunion n’a pas agi sous la pression des événements extérieurs. Comme la crise économique ou environnementale. Elle a la lucidité de l’anticipation.
La bataille pour l’autonomie énergétique se situe en effet au cœur du projet alternatif pour La Réunion. Il s’agit en moins de 20 ans de passer d’une économie héritée de la structure coloniale fortement importatrice à une économie du développement fortement créatrice d’emplois.

Une nouvelle société

La croissance des énergies renouvelables procurera des emplois directs, estimés à plus de 15.000 par les industriels de ce domaine, mais marque surtout une rupture avec la logique économique issue de la colonisation et de la destruction de la nature.
C’est en effet la création à La Réunion d’une industrie qui n’est pas là pour satisfaire les besoins de l’ancienne métropole coloniale en matières premières, ou pour contribuer à l’importation à La Réunion d’un mode de vie venu de l’ancienne puissance coloniale.
C’est la création d’une industrie réunionnaise, pour faire face à des besoins réunionnais, et qui pourra être capable d’exporter dans le monde un savoir-faire réunionnais. C’est là que se situe un changement considérable dans les esprits. Et si le développement des énergies renouvelables à La Réunion va permettre de libérer les générations futures d’une facture pétrolière de 500 millions d’euros par an, il va aussi libérer les esprits et ouvrir de nouvelles perspectives pour consolider un projet alternatif, pensé à La Réunion, par des Réunionnais, et pour des Réunionnais. Un projet alternatif qui intéresse le monde.

Manuel Marchal


Huit propositions pour un projet alternatif

Dans son édition d’hier, "Témoignages" avait tiré les premiers enseignements de la visite du président de la République aux Antilles. Ce dernier a notamment sollicité les forces vives locales afin qu’elles donnent un contenu à un projet alternatif. Les États-généraux sont le cadre mis en place pour recueillir ces propositions. À La Réunion, une démarche avait été lancée dans un autre cadre. À l’occasion de l’élection présidentielle, une plate-forme de propositions a été présentée à tous les candidats à ce scrutin. Tous ont fait part de leur accord à ces propositions.
Ce document intègre le Plan réunionnais de développement durable, synthèse d’une concertation initiée par la Région, à laquelle ont été associés le Conseil général et l’État, ainsi que les socio-professionnels. Elle a débouché sur la rédaction d’un document identifiant des domaines d’action stratégiques qui sont autant de gisements d’emplois. Au cours de ces prochaines éditions, "Témoignages" va donner un coup de projecteur sur ces huit propositions pour un projet alternatif. Les énergies renouvelables en constituent le premier volet.


Propositions réunionnaises pour un projet alternatif

Energie et environnement : les convergences réunionnaises

Voici les propositions consensuelles dans le domaine des énergies et de l’environnement qui ont été validées par les candidats à l’élection présidentielle.

« Si à La Réunion la production de cellules photovoltaïques est inenvisageable pour des raisons de coûts d’investissement, de ressources en silice insuffisantes et de process très consommateur d’énergie, en revanche, les segments avals de cette étape peuvent être réalisés localement. Il existe aujourd’hui une industrie en pleine émergence qui dépasse le stade d’une simple industrie de transformation limitée à l’assemblage : La Réunion dispose aujourd’hui d’une vraie expertise en matière d’industrie de fabrication dans le domaine du solaire et du photovoltaïque. Une entreprise locale va prochainement être dotée d’un outil de production de chauffe-eau d’une capacité de 50.000 unités/an, soit la plus grosse capacité d’Europe (NDLR — cette entreprise est déjà dotée de cet outil et exporte une partie de sa production).

• Le projet TEMERGIE

Autour de la filière solaire s’est constitué un cercle plus large de professionnels des secteurs de l’énergie et de l’environnement, s’organisant sur un principe de pôle de compétitivité (prise de parts de marché sur la base de projets de développement fondés sur la R&D), selon deux axes stratégiques :


- l’intégration des potentiels économiques fondés sur les énergies renouvelables (solaire et autres sources : éolien, biomasse, ainsi que géothermie et “hydrolien” en perspective) ;


- l’intégration des paramètres énergétiques au secteur du BTP : “l’alliance” entre une industrie émergente à forte valeur ajoutée et un secteur économique porteur à long terme pour l’économie réunionnaise (cf infra) ;
On s’oriente bien vers un concept d’île laboratoire (sur des logiques que l’on retrouve dans certaines composantes de la filière TIC ou du pôle Qualitropic). Il faut multiplier les expérimentations tant sur les réseaux que sur la production, afin de garder le petit avantage compétitif qui est en cours de création, et d’exporter le savoir-faire. Il faut donc mettre plus encore l’accent sur la R&D, en matière de solaire comme dans les autres secteurs.

• Impacts sur l’emploi et secteurs porteurs

La généralisation d’une stratégie d’entreprise positionnée sur le secteur de l’énergie et de l’environnement aurait un impact positif sur les principes suivants :

- le marché réunionnais seul ne peut pas absorber de volumes importants de production. Il est donc impératif, pour croître, de conquérir des marchés internationaux ;

- l’industrie réunionnaise s’est contentée jusqu’à présent de transformer, à destination du marché local. Pour créer de la Valeur Ajoutée — nécessaire à la conquête de marchés internationaux —, l’industrie ne doit pas seulement transformer, mais elle doit créer et produire.

- le marché local doit « être fort pour pouvoir être fort pour être crédible à l’international » ; cette crédibilité jouant notamment au niveau des acteurs financiers locaux.

D’autres filières peuvent présenter des potentiels d’emplois analogues :

- la structuration d’une véritable filière bois à vocation énergétique ;

- la spécialisation sur la base d’avantages concurrentiels technologiques par rapport à la zone O.I. dans le traitement des déchets ;

- la création d’une industrie de la biomasse ».


A propos du PR2D

Une vision concertée

Le Plan réunionnais de développement durable est une démarche initiée par le Conseil régional, à laquelle l’Etat et le Conseil général sont associés. Le Conseil régional a mandaté la SR21 — Société Anonyme d’Economie Mixte pour le développement durable et la coopération régionale — pour son élaboration.
L’idée fondatrice était d’étudier et de promouvoir les secteurs économiques à fort potentiel. Cependant, cette approche segmentée ne tenait pas compte d’éléments forts comme l’économie solidaire, les restrictions budgétaires ou encore la préservation de l’environnement. Un Comité de pilotage et un Comité technique ont été constitués afin d’identifier des domaines plus larges. Le principe de concertation étant identifié comme fondamental pour l’émergence du développement durable, un cycle de réunions a débuté début 2006.
La construction du Plan réunionnais de développement durable s’est appuyée sur des réunions de travail thématiques où des personnes qualifiées du monde socio-économique ont été invitées à donner leur vision. Pour le document "Stratégie A – 25", finalisé en novembre 2006, 8 groupes de concertation ont fonctionné :

- Groupe 1 : Démographie, mobilité, formation

- Groupe 1a : Innovation-Recherche et Développement

- Groupe 1b : Nouveau dispositif d’économie solidaire

- Groupe 2 : Ouverture internationale

- Groupe 2’ : Développement portuaire et aéroportuaire

- Groupe 3 : Aménagement du territoire et gestion de l’espace

- Groupe 4 : Energie et environnement

- Groupe 5 : Evolution de la filière canne


www.temoignages.re/docs

À partir de toutes les pages du site de "Témoignages", vous pouvez cliquer sur un lien qui donne accès aux différents documents évoqués dans ce dossier : Plate-forme de l’Alliance et Plan réunionnais de développement durable. Vous pouvez aussi télécharger la plaquette du PRERURE.
Vous pouvez aussi ajouter cette adresse dans vos signets pour accéder directement à la page reliant ces documents :
http://www.temoignages.re/docs

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