Des conséquences sur le coût de la vie

Le prix du pétrole en hausse constante

11 juillet 2005

Le prix de l’or noir continue de grimper. Les conséquences à attendre vont de la hausse du coût des transports aériens et maritimes, des prix à la pompe et au final une augmentation du coût de la vie. Une telle évolution justifie plus que jamais la politique d’autonomie énergétique voulue par la Région. Elle devrait favoriser la production, à partir de la canne, d’éthanol pour la consommation automobile. Mais La Réunion ne semble malheureusement pas encore prête à emprunter cette voie.

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Le prix du baril du pétrole continue de flamber. Alors qu’on pensait que les 50 dollars allaient être un plafond, les prix atteignent déjà les 60 dollars et contredisent toutes les prévisions. Les observateurs estiment qu’ils pourraient être de 80 voire de 90 dollars d’ici le premier trimestre de l’année prochaine. Le seuil symbolique de 100 dollars ne serait alors pas loin.
En augmentant récemment le prix de ses billets, Air France a montré que les compagnies aériennes subissaient le contrecoup de la hausse. Il faut s’attendre à d’autres effets de la courbe ascendante de l’or noir.

Une nouvelle hausse des prix

Un pétrole qui resterait cher va peser sur une croissance qui tarde à venir en France. Le gouvernement a d’ores et déjà prévu de rendre plus rigoureux son budget 2005 et 2006. Il serrera les dépenses. Nous l’avons écrit, cela jouera sur le montant des crédits du FEDOM et de la LBU, c’est-à-dire sur les aides à l’emploi et au logement dans les DOM.
Une hausse des prix de l’essence à la pompe (fuel, essence) et de la bouteille de gaz n’est pas à écarter. Outre des incidences sur le transport aérien, c’est sur le fret maritime que les conséquences seront plus importantes. Il y a quelques mois, le coût du fret a été augmenté d’au moins 15%. Même si le prix du fuel n’était pas seul en cause, tout laisse entendre que le secteur maritime subira les effets du renchérissement du pétrole. La première conséquence sera une nouvelle hausse des prix pour les ménages comme pour les industriels ou dans le secteur du bâtiment.

Autonomie énergétique en 2025

Les prévisions sur le long terme prêtent au pessimisme. Car, plus que la hausse du prix de produits pétroliers, c’est la possibilité de voir les ressources manquées pour cause de tarissement qui inquiète. Même si cela est discuté, la perspective d’un épuisement des stocks de pétrole et de gaz d’ici une cinquantaine d’années est de plus en plus évoquée.
Cela souligne d’autant plus l’intérêt de l’orientation prise par la Région dans le domaine énergétique : d’une part favoriser des actions d’économie dans la consommation, de l’autre offrir les conditions d’une autonomie d’ici 2025, c’est-à-dire produire sur place de l’énergie renouvelable pour la consommation domestique et industrielle.
Le renchérissement du prix du pétrole rend désormais plus attractive la production de biocarburants, dont l’éthanol qui est extrait de la canne. En effet, pendant longtemps, le coût de production du biocarburant ne lui permettait pas d’être compétitif face à l’essence et au fuel. Mais avec la hausse désormais constante et pratiquement irréversible du pétrole, la tendance est en train de s’inverser. C’est ce qu’a compris notre voisine Maurice qui, s’inscrivant dans cette logique, a décidé d’accélerer le développement de sa filière éthanol.
Les instances européennes souhaitent une plus grande utilisation des énergies renouvelables et notamment des biocarburants. Elles appellent au doublement de la part d’énergies renouvelables (énergie éolienne et solaire, biomasse) de 6% à 12% de la consommation énergétique à l’horizon 2010. Une directive votée en 2003 fixe pour le 31 décembre 2005 au plus tard, que la part des carburants renouvelables doit atteindre 2% de la quantité totale, exprimée en contenu énergétique, d’essence et de gazole mise en vente à des fins de transport, part qui doit être portée à 5,75% au plus tard le 31 décembre 2010.

Éthanol : La Réunion pas prête

À l’heure actuelle, notre île ne peut répondre à ces exigences qu’en important de l’éthanol, vraisemblablement de Maurice.
La production de biocarburants à partir de la canne est une solution parmi d’autres pour affronter la crise qui se profile avec la réforme de l’OCM-Sucre. Mais La Réunion n’est pas prête à y recourir. Il faudrait en effet au préalable trouver la variété de cannes qui offre les meilleures conditions de production de sucre et d’éthanol, construire les unités de production d’éthanol, etc... Ce n’est pas une question de moyens financiers : l’Europe soutient financièrement et de manière conséquente de telles orientations. Mais à La Réunion, on n’a pas cru jusqu’ici dans le biocarburant. Maurice, elle, a décidé d’en faire un axe essentiel d’adaptation pour sa filière canne. Elle a pris pour cela les dispositions nécessaires en faisant appel, sur le plan technique, aux expertises d’abord brésilienne puis hawaïenne.
La production d’éthanol à partir de la canne à La Réunion poserait un autre problème : comment seront réparties les richesses produites entre planteurs et usiniers ? Or, l’accord dit de “69”, année de sa signature, fait désormais que les planteurs vendent aux industriels leurs cannes. Ces derniers sont donc les propriétaires de la canne et de ses sous-produits.

J.M.


À Maurice : priorité à l’éthanol

Le nouveau ministre mauricien de l’Agriculture, Arvin Boolell, participera après-demain mercredi à une audition organisée par les commissions de l’Agriculture et du Développement du Parlement européen sur la réforme de l’OCM-Sucre, une réédition en quelque sorte de la première audition organisée par les mêmes commissions en décembre dernier. Maurice se rend à ce forum à la fois comme pays fournisseur de sucre à l’Europe mais aussi comme chef de file des pays ACP.
Dès sa nomination, le nouveau gouvernement Rangoolam avait décidé de faire de ce dosier sucre sa priorité. Si on ne peut mettre en doute la volonté du nouveau gouvernement de défendre bec et ongle sa filière, on ignore encore quelle stratégie il va mettre en œuvre. Celle-ci a été préparée par les responsables du Ministère à la fin de la semaine dernière et a été finalisée lors d’une réunion spéciale en présence du Premier ministre ce samedi.
Dans le cadre de la réforme de l’OCM-Sucre, Bruxelles propose aux pays ACP la mise en œuvre de mesure d’accompagnement. Le 7 juin dernier, une délégation de la Commission était à Port-Louis où elle était venue s’informer des propositions mauriciennes.
L’ancien gouvernement mauricien, sous l’impulsion de son ministre de l’agriculture, Nando Bodha, avait lancé un plan d’actions 2005/2015 basé sur une amélioration de la productivité et de la compétitivité de l’industrie sucrière, tant dans les champs qu’à l’usine. Ce plan comportait aussi la création d’un “hub énergie” à Mahébourg dont le pilier aurait été une usine de production d’éthanol. Dans cette perspective, il était prévu de rouvrir le port du village pour l’exportation d’éthanol et l’importation de matières premières.
Le nouveau gouvernement mauricien pourrait reconduire, pour l’essentiel, ce plan. Tout laisse à penser qu’il fera de la production d’éthanol un axe prioritaire pour sauvegarder sa filière canne.


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