Après les pellets de bois importés d’Amérique du Nord, de l’huile de colza venant d’ailleurs

Les importations retardent la marche vers l’autonomie énergétique de La Réunion

6 octobre 2023, par Manuel Marchal

Contraint par la loi de ne plus utiliser le charbon dans ses centrales du Gol et de Bois-Rouge, Albioma l’a remplacé par des pellets de bois importés d’Amérique du Nord. Pour sa part, EDF va importer une biomasse liquide à base d’huile de colza achetée au groupe français Avril pour alimenter la centrale thermique du Port. Ces deux entreprises extérieures disposent d’un quasi-monopole de la production d’électricité à La Réunion, et ces deux décisions retardent la marche vers l’autonomie énergétique de La Réunion. Elles maintiennent notre île sous la dépendance de produits importés pour produire de l’électricité alors que La Réunion est une mine d’énergies renouvelables qui n’attendent qu’à être valorisées. Comment expliquer que l’autonomie énergétique des Réunionnais ne soit pas, dans les actes et la durée, la priorité de ces deux sociétés implantées à La Réunion ?

Comment concilier la décarbonation de la production d’électricité et le maintien de la structure de production ? Tout simplement en continuant à importer des sources d’énergie primaire. C’est ce que font Albioma et EDF, deux sociétés extérieures à La Réunion qui ont un quasi-monopole de la production d’électricité dans notre pays.

EDF change de fournisseur de carburant importé

La loi impose de ne plus utiliser de charbon dans les centrales d’Albioma, la filiale du fonds de pension américain importe alors d’Amérique du Nord des pellets de bois.
Mercredi, ce fut au tour d’EDF de dévoiler sa stratégie dans le domaine. La société française va en effet importer une « biomasse liquide » à base d’huile de colza pour alimenter la centrale thermique du Port. « EDF a conclu un contrat d’approvisionnement avec la société Saipol, filiale du groupe Avril. », indique La 1ère. Autrement dit, fondamentalement, rien ne va changer. EDF change de fournisseur de carburant importé, passant d’un groupe extérieur à un autre groupe français, Avril.
Pourtant, la volonté de décarbonation de l’industrie ne date pas d’hier. Ces deux sociétés avaient tout le temps pour explorer et mettre en oeuvre une production d’énergie réunionnaise avec comme source primaire les énergies renouvelables disponibles en abondance dans notre île. Or, ces importations traduisent une orientation qui ne date pas non plus d’hier.

L’ARER avait démontré l’inutilité de la centrale thermique du Port

Rappelons qu’avant 2010, quand Paul Vergès était président de la Région Réunion, il était question du remplacement de l’ancienne centrale thermique du Port par une nouvelle en projet près du Port Est. L’Agence régionale de l’énergie Réunion (ARER), présidée par Paul Vergès, avait alors réalisé une étude démontrant qu’il était tout à fait possible de se passer de cette centrale thermique car La Réunion avait le potentiel suffisant en énergies renouvelables d’une part, et en économie d’énergie d’autre part.
De plus, les communes du Port et de La Possession, alors dirigées par des membres du Parti communiste réunionnais, s’étaient opposées à ce projet au nom d’un engagement d’EDF à ne plus construire dans ce secteur d’installations suite à celle de la Turbine à combustion. (Voir Témoignages du 18 octobre 2007 : Et si La Réunion se passait de la centrale thermique de EDF ?).
La réaction d’EDF, membre de l’ARER, ne s’était pas fait attendre : interdiction à l’ARER de faire des études de ce genre à l’avenir. Depuis, l’ARER n’existe plus, supprimée par Didier Robert à son arrivée à la présidence de la Région Réunion, et une centrale thermique fonctionnant avec des carburants importés a été construite par EDF à côté du Port Est. Dès le départ, l’accent avait été mis par EDF sur la possibilité d’utiliser des carburants type éthanol dans la centrale, ce sera donc chose faite dans quelques semaines.

Illustration du système néocolonial

Ces choix d’Albioma et d’EDF rappellent aux Réunionnais une des conséquences du système néocolonial qui maintient notre île dans le sous-développement : le contrôle des principaux moyens de production par des sociétés extérieures à La Réunion. C’est le cas dans le domaine de l’énergie, c’est aussi la même situation dans l’industrie de transformation de l’or vert de La Réunion, la canne à sucre.
Fort heureusement, les progrès technologiques permettent d’envisager une alternative.

La Réunion mine d’énergies renouvelables

En effet, La Réunion est riche en énergies renouvelables. Le développement de l’énergie solaire grâce à l’autoconsommation est un premier pas vers cette souveraineté énergétique. Ceci permet aussi de faire baisser les factures de 70 % comme l’a rappelé la Section PCR de Saint-Denis. D’importantes économies d’énergies sont également possibles. Il suffit par exemple de constater le gaspillage entraîné par l’utilisation de climatiseurs dans de gigantesques centres commerciaux ouverts aux quatre vents.
Enfin, ne serait-il pas souhaitable que l’utilisation d’énergies renouvelables disponibles en abondance puisse être la priorité des propriétaires des outils de production et des gestionnaires de réseau ? En son temps, l’ARER avait montré comment l’énergie thermique de l’océan, gratuite et illimitée, pouvait remplacer le charbon par exemple. Mais aujourd’hui, le centre d’intérêt principal d’Albioma et d’EDF est-il la marche vers l’autonomie énergétique de La Réunion ?

M.M.

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