Malgré les impacts négatifs pour les usagers

Nouvel appel à la fin des tarifs réglementés de l’énergie

8 juin 2006

Énergies : un groupe à haut niveau recommande des mesures urgentes pour la mise en place d’un système énergétique européen à la fois compétitif et durable. Au programme : la libéralisation des services.

Le Groupe à haut niveau (GHN) sur la compétitivité, l’énergie et l’environnement a adopté le 2 juin dernier son premier rapport qui contient un certain nombre de recommandations concrètes concernant "des questions urgentes comme l’amélioration et la mise en œuvre du cadre réglementaire européen dans le domaine de l’énergie, l’utilisation plus rationnelle des ressources par les industries à forte intensité énergétique, l’efficacité énergétique ou le fonctionnement et la révision du système communautaire d’échange des quotas d’émission".
Sur le premier point, la conclusion du Groupe de haut niveau est claire, en voici un extrait selon un communiqué publié le 2 juin dernier : "Le GHN plaide pour une application intégrale des dispositions en matière d’instruments de concurrence afin de garantir un environnement plus compétitif d’approvisionnement en gaz et électricité. Il est demandé aux États membres de faire un effort pour mettre en œuvre dans les délais le cadre réglementaire en vigueur, en ce concentrant plus particulièrement sur les dispositions en matière de dissociation et en supprimant les tarifs réglementés qui faussent la concurrence (1)".

Un panel tendance libérale

Qui peut donc faire de telles propositions ? Le groupe de haut niveau se compose de 29 personnes. Tout d’abord de 4 membres de la Commission européenne : Günter Verheugen (vice-président et commissaire à l’Entreprise et à l’Industrie), Stavros Dimas (Environnement), Neelie Kroes (Concurrence) et Andris Pielbags (Energie). Quatre ministres font aussi partie du GHN : le ministre autrichien de l’Économie et du Travail, son homologue allemand, le ministre finlandais du Commerce et son confrère britannique.
Par ailleurs, ce groupe comprend en majorité des industriels, des membres de la société civile et d’instances de régulation nationales, soit 21 personnes. Aux côtés du PDG de Lafarge, on trouve, entre autres, l’ancien président du MEDEF et actuel dirigeant de son équivalent à l’échelle européenne, Ernest-Antoine Seillère, une dirigeante d’AREVA, d’autres responsables d’entreprises telles que BP, Siemens, Endesa ou Distrigas. Un seul représentant syndical fait partie de ce groupe, il s’agit de John Monks, secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats.
Quant aux autres composantes de la société civile, on note la participation du WWF, de l’Agence écossaise de protection de l’environnement.

Effet de serre

Au-delà de la première conclusion ci-dessus, les membres de ce groupe font d’autres propositions. Cela porte par exemple sur des contrats à long terme avec prix garantis pour les industries grosses consommatrices. Le GHN insiste également sur l’amélioration de "l’efficacité énergétique" à travers l’emploi de la directive “Ecoconception”, et en évaluant le retour sur investissement des installations énergétiques : "mieux connaître les risques liés aux investissements réalisés et (...) mieux évaluer la durée d’amortissement de ces investissements".
Quant aux moyens de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, le Groupe de haut niveau n’hésite pas à conditionner l’amélioration du fonctionnement du système des quotas d’émission à la recommandation "de mettre rapidement et pleinement en œuvre les dispositions de la législation communautaire actuelles en matière de libéralisation des marchés de l’électricité et du gaz".
En résumé, le Groupe de haut niveau a sa recette pour concilier croissance énergétique et protection de l’environnement : il suffit de livrer entièrement aux capitaux privés la gestion de l’énergie ! Mais en France et aux Pays-Bas, deux peuples se sont prononcés clairement contre de tels principes voici déjà plus d’un an.

Manuel Marchal

(1) Souligné par nos soins


Inquiétante dérive pour la démocratie

Les premières conclusions du Groupe de haut niveau mis en place par la Commission européenne est une nouvelle illustration d’une inquiétante dérive pour la démocratie.
Nul doute que de “Groupe de haut niveau” à “Groupe d’experts”, il n’y a qu’un pas que ceux qui se satisfont de conclusions favorables à l’ultra-libéralisme ne vont pas manquer de franchir.
Au sein du groupe mis en place en 2005 par la Commission européenne, on ne trouve qu’un seul syndicaliste, et très peu de représentants d’association. Par contre, on a en majorité des représentants de la grande industrie, d’organisations patronales et d’instances de régulation issus d’États où la privatisation de l’accès à l’énergie est une réalité durement ressentie par des usagers devenus clients. Quant aux représentants politiques, ce ne sont pas des élus, mais des ministres ou des commissaires qui doivent leur fonction à une nomination, pas à une élection. Avec un tel panel d’“experts”, comment peut-on alors s’étonner d’aboutir à des conclusions qui appellent à la déréglementation des tarifs, et à l’ouverture totale des marchés ?
On peut s’interroger sur les conditions dans lesquelles a été constitué ce “Groupe de haut niveau” car on n’y retrouve pas l’émanation de l’expression populaire. Si les conclusions de ce groupe sont réutilisées pour déterminer la stratégie énergétique de l’Union européenne, cela pourra être interprétée comme une dérive inquiétante pour la démocratie. Malgré les résultats des deux référendums français et néerlandais défavorables à une vision ultra-libérale de l’Union européenne, certains font comme si rien ne s’était passé et veulent continuer la même politique.


Les vrais prix d’une “vraie” concurrence

Parmi les conclusions du Groupe de haut niveau mis en place par la Commission européenne, la suppression des "tarifs réglementés qui faussent la concurrence", selon un communiqué publié par l’Union européenne. Arrivant peu de temps après la publication d’une étude sur l’évolution des prix de l’électricité liés à l’ouverture à la concurrence, cette affirmation amène à réfléchir. Selon cette étude les tarifs “non réglementés” ont augmenté de 48% en moyenne sur un an en France (voir “Témoignages” du 1er juin 2006). On voit donc pour qui se situe l’intérêt de voir la fin de ces tarifs réglementés qui “faussent la concurrence”. En tout cas, pas pour l’usager qui voit ses factures faire un bond considérable : sur 5 ans, les prix ont augmenté de 91% au Danemark, 80% au Royaume-Uni.

Energies renouvelables

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