Prix record du baril

Pétrole : le temps de l’énergie chère

13 octobre 2004

Nouveaux records hier sur le marché du pétrole. Les cours ont dépassé 54 dollars à New York et 51 dollars à Londres. C’est 66% de hausse depuis le début de l’année, les stocks diminuent, et les marges de manœuvre aussi.

À l’approche de l’hiver de l’hémisphère Nord, saison très énergivore, le prix du pétrole continue à flamber. À New York hier, il a atteint un nouveau record à 54,45 dollars le baril. À Londres, le baril de brent est monté à 51,5 dollars avant de reculer légèrement à 51 dollars. Autre première hier : les contrats à terme du gazole ont dépassé pour la première fois les 500 dollars la tonne.
Depuis le début de l’année, le pétrole a augmenté de 66%, et la demande atteint des sommets inégalés depuis 24 ans. Pendant ce temps, le niveau des stocks diminue. Selon Reuters, "en Europe, les stocks de produits distillés sont inférieurs de 3,4% au niveau de l’an passé".
Aux États-Unis, la baisse du stock de brut de chauffage est importante : 6%. "On craint qu’il n’y ait pas assez de fioul et le temps a déjà commencé à se refroidir dans le Nord-Est des États-Unis", explique à Reuters John Brady, courtier chez ABN AMRO.
"Aux États-Unis, les chiffres hebdomadaires sur les stocks devraient faire apparaître jeudi une chute d’un million de barils des distillats", selon une enquête Reuters auprès d’analystes.

Tendance à la hausse

Les spécialistes font état de plusieurs facteurs structurels pour expliquer la hausse récente : la grève générale au Nigeria contre la hausse des prix du carburant et le sabotage d’un oléoduc ; un mouvement revendicatif sur les plates-formes norvégiennes de la mer du Nord ; et les conséquences d’un phénomène climatique dans les gisements off-shore du golfe du Mexique.
Le Nigeria est 7ème exportateur mondial, la Norvège le troisième, quand aux puits nord-américains, leur production est réduite de 470.000 barils par jour. Dans un contexte déjà tendu, il n’est pas étonnant que les événements qui touchent ces trois pays aient des répercussions immédiates sur les cours mondiaux.
Ces derniers sont en effet tirés vers le haut par plusieurs facteurs sur lesquels il est difficile d’agir dans l’immédiat. Tout d’abord, la guerre en Irak déstabilise profondément la région où se situe le potentiel pétrolier le plus important, et le conflit déborde en Arabie Saoudite, principal exportateur mondial. Avec l’enlisement des armées d’occupation en Irak, la guerre n’est pas finie, et cette situation risque de durer.

Ensuite, la croissance économique mondiale a besoin de pétrole, la demande atteint des sommets. Et actuellement, la consommation de pétrole constitue un des éléments fondateurs du modèle de développement le plus utilisé, malgré les graves et durables conséquences sur le plan environnemental. Malgré les efforts de la Chine dans le domaine des économies d’énergie, l’Agence internationale de l’énergie estime que l’an prochain, la demande continuera d’augmenter pour atteindre 83,85 millions de barils par jour.
Enfin, la découverte de nouveaux gisements de pétrole se tarit. De par sa nature, le pétrole n’est pas une énergie renouvelable, et plus la demande augmente, plus la pression sur les réserves potentielles s’accroît, plus le prix ne peut qu’augmenter.

Risque d’aggravation des attaques

Le ministre saoudien du Pétrole a fait part d’un autre élément. Selon lui, les cours élevés sont dus à la période électorale aux États-Unis, et ils baisseront à partir de la fin du mois prochain. Avec son homologue koweïtien, il compte demander aux autres États membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole une hausse des quotas de production afin de faire diminuer les prix.
Il annonce que l’Arabie saoudite pourrait augmenter sa production d’1,5 million de barils par jour. C’est justement le chiffre, correspondant à la hausse de la consommation mondiale l’an prochain, avancé par l’Agence internationale de l’énergie. Mais le ministre saoudien tient-il compte du risque d’aggravation des attaques contre les personnels du secteur pétrolier et des sabotages dans son pays du fait de la guerre dans sa région ?
La situation risque de rester tendue pendant encore longtemps, avec une tendance à l’énergie chère. Cela souligne la dépendance du mode de développement le plus utilisé dans le monde à un type d’énergie très sensible à la situation politique, aux fluctuations d’un marché et polluant de surcroît.

M.M.


Choc pétrolier : risque sérieux

Le 18 août 2004, le baril de pétrole était à 45 dollars à New York, 41 dollars à Londres. Dans ses différents scénarii sur l’évolution des cours du pétrole, l’Institut français du pétrole donnait ce jour-là trois possibilités : “Poursuite de la tendance actuelle”, “Vers un nouveau choc pétrolier” et “L’atterrissage en douceur”.
Or, eu égard à l’évolution des cours, en hausse régulière, avec plus de 54 dollars à New York et 51 dollars à Londres deux mois plus tard, c’est la deuxième tendance qui se dessine.
Voici ce qu’écrivait le 18 août dernier l’Institut français du pétrole sur le scénario de nouveau choc pétrolier :
"L’un des grands pays exportateurs est l’objet d’une déstabilisation majeure affectant durablement les volumes exportés : attentats visant les infrastructures pétrolières (pipelines reliant les principaux terminaux d’exportation, sites de production, tankers) en Arabie Saoudite, chaos généralisé en Irak, troubles politiques au Venezuela...

Comparable au choc pétrolier de 1979-1982

"L’offre n’est plus en mesure de satisfaire la demande à l’occasion du pic de consommation hivernal. Les stocks pétroliers dans les grands pays consommateurs atteignent les niveaux les plus bas jamais observés.
"En dépit de l’utilisation concertée d’une fraction des stocks stratégiques, le prix du baril atteint les valeurs synonymes de choc pétrolier en 1979-1982 (80 dollars de 2003). Plusieurs secteurs économiques subissent une hausse violente des coûts de production : transports aériens et terrestres, agriculture, chimie.
"La hausse du prix du baril se propage aux autres marchés énergétiques (gaz, charbon, électricité) et génère une volatilité qui s’auto-alimente. L’inflation est multipliée au minimum par un facteur 2. Les marchés financiers plongent et nourrissent des anticipations très négatives de la part des entreprises et des ménages. La croissance économique mondiale est immédiatement affectée"
.


France : budget 2005 plombé

Dans le projet de loi sur le budget 2005, les services du ministère français des Finances ont tablé sur un baril de pétrole Brent à 36,5 dollars pour l’an prochain.
Hier, ce cours de référence a dépassé les 51 dollars. Cela veut dire que le cours actuel est supérieur de 39% aux prévisions du ministère des Finances. Et plusieurs facteurs laissent à penser que ce cours va rester élevé pendant encore plusieurs mois.
En effet, quand finira la guerre en Irak ? Quand diminuera la demande ? Comment va-t-on augmenter les capacités de production et de raffinage ?
Les députés vont commencer à examiner la loi de finances 2005, mais on peut déjà dire que le projet présenté par Nicolas Sarkozy est sérieusement plombé.


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