Hausse du gaz et des carburants

Pétrole : vers la fin d’un produit de grande consommation

1er août 2005

Vendredi dernier, un communiqué de la Préfecture indiquait une hausse des produits pétroliers à partir d’aujourd’hui en raison notamment d’une forte augmentation du prix du pétrole brut. Pour les experts, il est difficile que la tendance puisse s’inverser à ce sujet, du fait de la hausse de la consommation mondiale et de la raréfaction progressive des ressources. Aujourd’hui, certains évoquent avec nostalgie l’époque où le litre de super était à moins de 2 francs (contre 8,19 francs aujourd’hui). Mais les automobilistes du futur, s’ils mettent encore de l’essence dans leur moteur, envieront le temps ou le litre de super était à moins de 2 euros, car dans moins d’un siècle, le pétrole sera ’un produit de haute technologie’, avec le coût que cela implique.

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"La fin du pétrole n’est pas pour demain", pronostiquait le 31 mai dernier l’Institut français du pétrole lors d’une conférence de presse. Mais reste à définir ce qui s’appelle “demain”. Voyons déjà ce qui se passe aujourd’hui. Aujourd’hui, c’est une nouvelle hausse des produits pétroliers, avec le litre de super à 1,25 euros - la barre symbolique des 10 francs le litre se rapproche - et la bouteille de gaz à 17,42 euros, soit bien au-delà de 100 francs.
Une hausse que le préfet explique ainsi : "les prix du pétrole sont restés à des niveaux élevés", dépassant quelquefois 60 dollars le baril ; "dans le même temps, l’euro s’est déprécié par rapport au dollar".

Hausse durable et inéluctable

On ne peut pas nier l’influence du taux de change euro - dollar dans le coût des carburants, puisque la monnaie de référence pour fixer le prix du pétrole est le dollar. Mais le premier facteur de hausse, le prix du baril, ne cesse d’augmenter. Et les raisons de cette augmentation ne sont pas conjoncturelles, mais structurelles.
Elles reposent sur le maintien d’une demande élevée, due notamment à une politique énergétique basée sur la consommation à outrance d’hydrocarbures aux États-Unis et à un degré moindre en Europe. Cette demande en hausse est due aussi à la transition progressive de pays du Sud - dont des géants démographiques, tels que la Chine et l’Inde - vers un mode de développement inspiré de celui de l’Europe ou de l’Amérique du Nord.

Vers la fin du pétrole

Ces hausses du pétrole brut s’expliquent également par le maintien de la tension dans le Moyen-Orient du fait de la guerre en Irak et en Afghanistan. Or, c’est dans cette région du monde que se situent les plus importantes réserves de pétrole facilement exploitables, d’où une “prime de risque” qui se répercute dans le coût du pétrole.
Enfin, les spécialistes s’interrogent sur le temps qu’il reste avant que le pétrole - cette énergie fossile non renouvelable - disparaisse de la Terre. Si les différentes hypothèses donnent des durées différentes, elles s’accordent sur un point : le pétrole, un jour, ce sera fini. Et ce jour se rapproche, plus vite qu’on ne le croit.

40 ans maxi avec les “réserves prouvées”

"Des inquiétudes se manifestent non seulement sur la stabilité de l’approvisionnement des pays consommateurs mais sur la réalité même des réserves d’hydrocarbures encore accessibles sur la planète"
, affirmait le 31 mai dernier l’Institut français du Pétrole. "Ces inquiétudes se nourrissent, entre autres, de l’envolée des cours du brut, qui sont passés de 25 dollars en septembre 2003 à plus de 50 dollars aujourd’hui et des déclarations d’une association de spécialistes, l’ASPO (Association for the Study of Peak Oil), pronostiquant un déclin de la production mondiale de pétrole avant 2010". Or 2010, c’est dans 5 ans...!
"L’examen des différentes estimations montre une réelle convergence sur l’évaluation des “réserves prouvées”", poursuit l’IFP, "celles-ci correspondent à 40 ans de consommation au rythme actuel de production". C’est-à-dire si la demande n’augmente pas, mais cela est loin d’être le cas.
À ces “réserves prouvées”, l’IFP ajoute des réserves "encore à découvrir", égales à environ 1.000 milliards de barils. C’est un volume comparable aux “réserves prouvées” actuelles. Il compte aussi sur "une partie des pétroles “non conventionnels” (...) du Canada et du Venezuela, dont l’exploitation a déjà commencé et qui représente des quantités équivalentes aux réserves de pétrole conventionnel du Moyen-Orient". (voir encadrés)

"Un produit de haute technologie"

En additionnant le certain et le conditionnel, l’IFP arrive à un déclin de la production dans 20 à 35 ans. Et de proposer que ce délai soit utilisé en priorité pour "repousser encore l’échéance, de manière à donner aux sociétés des pays consommateurs le temps d’adapter leur mode de vie" et "mettre au point des solutions alternatives comme, par exemple, la production de carburants à partir du gaz, du charbon ou de la biomasse".
Pour l’IFP, "on continuera à produire du pétrole pendant de nombreuses années encore, au-delà de la fin du siècle. Mais, bien qu’il soit considéré par les consommateurs comme une “commodité”, le pétrole deviendra, de plus en plus, un produit de haute technologie".
Cela montre que l’époque du carburant “bon marché” est derrière nous, donc que l’on a davantage de chance d’aller vers un litre de super à 2 euros plutôt que retourner à l’époque où il coûtait 2 francs. Et si rien ne change, ce litre de super à 2 euros sera envié par ceux qui dans quelques dizaines d’années seront condamnés à mettre de l’essence dans un moteur.
Pour que la liberté de se déplacer soit un droit respecté pour tous et ne devienne pas un luxe réservé aux plus fortunés d’ici 40 ans, c’est une remise en cause radicale de la politique énergétique qu’il faut concrétiser, afin de se libérer de la dépendance d’énergies fossiles très polluantes, génératrices de gaz à effet de serre et donc de réchauffement climatique. Et 40 ans, cela vient vite.

Manuel Marchal


Le défi de l’industrie pétrolière : produire jusqu’à la fin du siècle

Gagner du temps pour trouver des alternatives

Même si des investissements importants en capitaux et en matière grise sont réalisés pour prolonger l’exploitation du pétrole, la production mondiale entrera un jour en déclin, puisqu’il s’agit de ressources fossiles finies. L’échéance est inévitable. Mais quand interviendra-t-elle ?
Avant la fin de la décennie soutient l’Association for Study of Peak Oil (ASPO), qui regroupe différents experts et anciens collaborateurs de grandes compagnies pétrolières.
Mais son pronostic ne prend pas en compte les progrès de la technique, ni la hausse possible des prix qui augmente les quantités de brut accessibles et peut infléchir l’évolution de la demande.
L’USGS (United States Geological Surveys), pour sa part, situe ce point d’inflexion entre 2020 et 2030, selon la croissance de la consommation mondiale, et sur la base des réserves d’huile conventionnelle prouvées et restant à découvrir mais sans prendre en compte les gisements de pétrole non conventionnel, ni d’amélioration majeure de la récupération.
Dans ce contexte, le rôle des techniciens du pétrole consiste à repousser cette échéance le plus loin possible (découvrir et produire plus, à coût raisonnable), afin de donner aux pays consommateurs le temps d’adapter leur mode de vie et de pouvoir utiliser ce délai pour préparer des solutions alternatives comme, par exemple, la production de carburants à partir du gaz, du charbon, ou de la biomasse ou, sur le plus long terme, des technologies de type hydrogène/pile à combustible.
Pour autant, déclin de la production ne signifie pas fin brutale et pénurie. L’exploitation se poursuivra, en tout état de cause, bien après le moment où les courbes s’inverseront. Nathalie Alazard-Toux et Yves Mathieu sont formels : "On continuera à produire du pétrole pendant longtemps encore, au moins jusqu’à la fin de ce siècle et certainement au-delà".

(Source : Institut français du pétrole)


Trois évaluations convergentes sur les réserves prouvées mondiales

40 ans au rythme de consommation actuel

Les quantités de pétrole qui ont une probabilité supérieure ou égale à 90 % d’être récupérées, grâce aux techniques actuelles et dans les conditions économiques courantes, sont dites P90 ou encore 1P. Ce sont celles qu’on appelle les "réserves prouvées".
La publication statistique la plus connue, BP Statistical Review, organe de référence pour le monde pétrolier et économique, collationne les chiffres officiels de réserves des pays bien que, comme nous l’avons vu, celles-ci ne répondent pas à des définitions identiques. Son évaluation des réserves prouvées de la planète, fin 2003, était de 1.148 milliards de barils, soit 157 milliards de tonnes, quantités correspondant à 41 années de consommation au rythme actuel.
L’United States Geological Surveys (USGS), qui retraite les données pétrolières communiquées par les différents organismes pour les rendre plus homogènes, évalue les réserves prouvées de la planète à 1.000 milliards de barils.
“Oil and Gas Journal”, qui - en plus des réserves sous forme de pétrole liquide - inclut la quasi-totalité des sables asphaltiques du Canada, arrive à 1.265 milliards de barils.
Ces trois estimations sont relativement proches et s’accordent sur des réserves mondiales de pétrole liquide légèrement supérieures à 1.000 milliards de barils.

(Source : Institut français du pétrole)


Le pétrole “non conventionnel”

À côté des gisements de pétrole “conventionnel”, déjà découverts ou restant à découvrir, existent d’autres ressources de pétrole dit “non conventionnel”. Le pétrole non conventionnel est formé par des hydrocarbures, denses et fortement visqueux, qui nécessitent d’être rendus plus fluides et plus légers pour être produits en quantités suffisantes et économiquement rentables.
Il s’agit essentiellement des bruts extra-lourds du Venezuela et des sables asphaltiques du Canada, qui représentent des ressources totales estimées à 4 000 milliards de barils (volumes en place). Leur exploitation a déjà commencé sur certaines zones. Près de 600 milliards de barils de pétrole pourraient à terme, être récupérés (réserves potentielles), soit 15% des ressources en place.

(Source : Institut français du pétrole)


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