Irak

Premiers effets à La Réunion de la guerre annoncée

Air France augmente ses tarifs

7 mars 2003

Le prix du baril de pétrole oscille entre 35 et 40 dollars. Hier, il se situait précisément à 33,50 dollars à Londres et à 36,69 dollars à New-York. En un an, le coût de cette matière première a augmenté d’environ 50%. La crise irakienne explique en grande partie cette hausse. Mais la tentative de coup d’État au Venezuela et la très forte demande venue d’Asie, en particulier de Chine, en sont d’autres causes. Même un règlement de la crise en Irak ne provoquerait pas forcément une baisse importante des prix du baril, estiment les spécialistes. Cette hausse aura d’importantes conséquences à La Réunion : la bouteille de gaz, les carburants, le coût du transport et les billets d’avion vont augmenter. Un dossier du ’Monde’ daté du 5 mars fait le point sur la situation, nous en reproduisons ci-après de larges extraits.

Jeudi 27 février, le baril de brut américain sur le marché à terme (light sweet crude) a frôlé en séance les 40 dollars, à 39,99 dollars, son plus haut niveau depuis mi-octobre 1990, trois mois avant le déclenchement de la contre-offensive américaine face à l’Irak, qui avait envahi le Koweït. Le baril avait alors atteint 41,15 dollars. Le parallèle est évidemment tentant avec la situation actuelle. Mais, lundi 3 mars, après le camouflet infligé à Washington par les députés turcs, refusant que leur pays serve de base arrière aux opérations militaires américaines en Irak, le baril est revenu à 35,88 dollars. Le rapport des inspecteurs de l’ONU, qui sera remis vendredi 7 mars, pourrait relancer la hausse... ou accentuer la baisse.
En Europe, le prix du brut de référence, le brent de la mer du Nord, qui évolue toujours quelques dollars en dessous de son équivalent américain, fait preuve d’une étonnante stabilité : lundi, le baril de brent sur l’International Petroleum Exchange (IPE) de Londres valait 32,25 dollars, après avoir ouvert à 32,38 et terminé vendredi à 32,79 dollars.
Reste que le seuil de 30 dollars, franchi en décembre, semble être devenu un socle pour le prix de l’or noir, dans l’attente d’un dénouement de la crise irakienne. Or, à ces niveaux, le pétrole est déjà cher : il coûte 50 % de plus qu’il y a un an et s’est renchéri de 10 dollars par baril environ au cours des six derniers mois. Les effets sur les économies occidentales devraient commencer à se faire sentir.
« Une hausse de 10 % du prix du brent exprimé en euros a un impact direct sur les prix des produits pétroliers vendus en France, tant au niveau des prix à la production que des prix à la consommation », explique Valérie Chauvin de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Une hausse de 2% des prix à la pompe a ainsi un impact de 0,15% sur l’indice global des prix à la consommation. « Cet impact est relativement rapide, surtout dans le cas d’une hausse : il suffit de deux mois pour avoir la répercussion, sachant que les deux tiers sont acquis dès le premier mois », précise-t-elle.

Hausse inévitable des carburants à La Réunion
Dans le contexte actuel où la route constitue l’unique moyen de transport intérieur, la hausse des carburants liée à l’augmentation du pétrole aura d’importantes conséquences pour tous les Réunionnais.
« L’automobiliste est le premier à ressentir le "choc" pétrolier. (...) Mais des conséquences plus profondes et à plus long terme sont à redouter pour les entreprises, à des degrés divers selon qu’elles sont consommatrices ou transformatrices de produits pétroliers. Et ce, même si, en Europe, le renchérissement de l’euro par rapport au dollar permet aux entreprises de compenser en partie la hausse de la facture pétrolière, libellée en dollars.
La hausse du prix du pétrole se traduit généralement pour le secteur par une flambée décalée mais amplifiée du prix du gazole. Ce dernier (...) pourrait donc encore grimper dans les semaines à venir de 20% à 30%. Or « l’achat de carburant représente 21 % du coût total du transport par la route, ce qui en fait le deuxième poste de dépenses du secteur après les salaires », explique Jean-Paul Deneuville, délégué général de la Fédération nationale des transports routiers (FNTR) ».
(Source "Le Monde")
Des conséquences dans des secteurs industriels
Pétrochimie
« L’industrie chimique française achète pour 5 milliards d’euros de produits pétroliers par an. Si le prix du brut augmente de 10 dollars, la facture s’alourdit de 2 milliards », précise Jean Pelin, président de l’Union des industries chimiques.« Une hausse de 10 dollars du prix du baril entraîne une hausse de 100 dollars du prix de revient du nafta, le produit de base de la pétrochimie et de 130 dollars de la tonne de propylène ou de l’éthylène. Ce qui peut se traduire, dans un délai de trois à six mois, par un renchérissement de 150 dollars de la tonne de plastique », explique un chimiste. L’industrie, qui a vu ses grands marchés, automobile et construction, se contracter ces derniers mois, redoute plus que tout autre la poursuite de la hausse du pétrole, même si « au niveau mondial, la production de matière plastique ne représente que 4% de la consommation du pétrole », rappelle Alain Chapelle, délégué général du syndicat des producteurs de matières plastiques.
Engrais
Ce secteur représentait 10,7 milliards de francs de chiffre d’affaires en France, en 2000, et a un impact sur l’ensemble des coûts de l’agriculture. « Nos contrats de matières premières sont négociés sur un ou deux ans. Nous ne ressentons donc pas de hausse particulière liées à l’augmentation du pétrole », explique le responsable d’un site de fabrication d’engrais, filiale d’un groupe allemand. « Par contre, la hausse des tarifs a un impact fort sur nos coûts logistiques qui ont augmenté de 5% à 25%. Nos produits, vendus en grande distribution, ne vont pas subir de hausse pour le client. Mais il ne faudrait pas que cela dure plus de quelques mois ».
(Source "Le Monde")
3% en plus pour voyager avec Air France
Selon "Le Monde", « pour digérer la hausse du kérosène, des compagnies aériennes ont choisi de la répercuter sur le prix du billet. KLM a imposé une surprime de 5 à 10 dollars par billet, Lufthansa a augmenté ses tarifs de 4,5% ».
Le quotidien parisien nous apprend que « pour l’instant, Air France a choisi une autre voie, celle de la "couverture". Ce système fonctionne comme une assurance : sur une période donnée, le prix du carburant est garanti ». « Au premier semestre de l’exercice en cours, les besoins en carburant de la compagnie française étaient couverts à 45%, et à 70% pour le second semestre, à un prix moyen de 22,5 dollars le baril », indique "Le Monde" avant de préciser que « pour 2003-2004, Air France confirme avoir une couverture pour 60% de ses besoins à un prix moyen de 22,29 dollars le baril. La compagnie consomme environ 5 millions de tonnes de kérosène par an (12% de son chiffre d’affaires) ».
Pourtant, mercredi, Air France a annoncé une augmentation « de l’ordre de 3% » du prix de ses billets vendus en France. Cette hausse est entrée en vigueur depuis hier. « La hausse de certains coûts externes, en particulier du pétrole, conduit Air France à augmenter ses tarifs sur l’ensemble de son réseau », indique un communiqué de la compagnie nationale.
Selon Air France, cette hausse correspond à celles décidées par les autres grandes compagnies européennes. Si l’on situe cette augmentation par rapport aux informations du "Monde" qui estime qu’une grande partie du carburant utilisé par Air France a été acheté « à un prix moyen de 22,5 dollars le baril », il semble étonnant que la compagnie prenne pour prétexte la hausse actuelle du baril de pétrole pour justifier sa décision de mercredi. Sans autres éléments, cela laisse à penser qu’Air France profite de la situation pour améliorer ses bénéfices, notamment sur la ligne La Réunion-Paris.
Hausse du pétrole : des causes multiples La guerre annoncée en Irak explique en grande part la hausse des cours du pétrole - la prime de risque de guerre est évaluée entre 5 à 6 dollars sur le prix du baril, selon CDC Ixis Capital Markets. Mais nombre d’analystes s’accordent sur des causes moins visibles, qui expliqueraient, en cas de levée de l’incertitude en Irak, que le reflux des prix de l’or noir pourrait être moins spectaculaire que prévu, et s’équilibrer, selon la société de Bourse Aurel Leven, à 25 dollars le baril de brent à Londres.
La grève au Venezuela, cinquième producteur mondial de pétrole, permet d’expliquer, début janvier, une partie des tensions observées sur les cours. L’arrêt de la grève, fin janvier, n’a pas provoqué de recul des prix du pétrole. En effet, « le retour de la production vénézuélienne à son niveau du mois de novembre 2002 devrait prendre du temps », selon les analystes d’Aurel Leven. (...)
L’hiver particulièrement rigoureux en janvier et les tempêtes de neige de février aux Etats-Unis ont aussi fait baisser les stocks commerciaux américains de pétrole brut, « qui sont ainsi tombés durant la première quinzaine de février à leur plus bas niveau depuis 1982 », pour Aurel Leven. Merrill Lynch estimait ainsi, le 21 février, que la demande américaine avait augmenté durant le mois de février de 3,9 % par rapport à la même période en 2002.
Par ailleurs, fin janvier, toujours selon Merrill Lynch, les stocks industriels de l’OCDE étaient de 123 millions de dollars en dessous de la normale, alors que lors de l’invasion du Koweït par l’Irak, en 1990, les stocks de pétrole étaient de 125 millions de barils au-dessus de la normale.
La très forte demande en provenance de la Chine, devenue un des tout premiers consommateurs de matières premières dans le monde, compense par ailleurs la faiblesse de la demande liée au ralentissement économique occidental. Enfin, la très forte, et peu habituelle, présence des fonds spéculatifs sur le marché du pétrole explique aussi une partie des hausses et des volatilités observées sur les cours. Selon Moncef Kaabi, économiste chez CDC Ixis Capital Markets, « il y a beaucoup plus d’acteurs sur les marchés à terme du pétrole que d’habitude. Ils échangent en ce moment jusqu’à quinze fois les volumes réels pour se couvrir de positions prises sur d’autres marchés ».
Dès lors, toute nouvelle affecte les cours : l’explosion apparemment accidentelle d’une barge de carburant, près d’un terminal maritime à New York, qui a fait deux morts le 21 février, a fait flamber en quelques minutes les prix du brut.
(Source "Le Monde")

Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus