Un phénomène aux conséquences planétaires

Prix élevé du pétrole : explications de l’IFP

27 mai 2004

Les prix élevés du pétrole sont-ils le résultat de la situation politique actuelle au Moyen-Orient ? Ou alors la conséquence d’un phénomène plus structurel. Dans une note que nous reproduisons ci-après, l’Institut français du pétrole (IFP) apporte quelques éléments de réponses.

Les prix élevés du pétrole observés actuellement sont indépendants d’une éventuelle pénurie de ressources et du problème du "peak oil", qui ressortent du plus long terme.
Les raisons à la hausse des prix depuis la fin 2001 sont multiples. Rappelons que depuis 1999, on avait connu une hausse également continue jusqu’à plus de 35 dollars le baril mi-2000.
1. Les stocks de produits aux États-Unis restent bas, en particulier sur les essences. Ces stocks ne se reconstituent pas et restent proches des niveaux qui avaient tiré les prix à la hausse en 2000. Plus généralement, les stocks de brut sont en baisse continue depuis plusieurs années.
On peut y voir une conséquence indirecte des restructurations opérées dans l’industrie pétrolière ces dernières années (fusion/acquisition) avec une rationalisation des opérations.
2. La croissance de la demande mondiale s’est redressée depuis la fin 2002 au rythme de 1,5 à 1,6 million de barils par jour. Les États-Unis, avec +400.000 barils par jour et la Chine avec + 600.000 barils par jour sont les principaux moteurs de cette reprise.
3. L’OPEP a adopté une politique volontariste de maîtrise des niveaux de prix (objectif initial dans la fourchette de 22-28 dollars le baril). Les quotas restent fixés à 23,5 millions de barils par jour, en dépit de dépassements réguliers, jusqu’à 2 million de barils par jour. Cette volonté politique s’appuie sur la crainte d’un retournement du marché semblable à celui observé en 97-98 où le prix était tombé à 10 dollars le baril.
4. L’essentiel des importations des pays de l’OPEP provenant de la zone euro, la dépréciation du dollar par rapport à l’euro a renforcé cette politique de prix élevés.
5. La tendance à la hausse a également été amplifiée par les positions prises sur les marchés à terme par les opérateurs spéculatifs qui détiennent des positions longues (anticipation de hausse de prix) depuis le début de l’année 2002 quasiment sans interruption (marché NYMEX de New York).
6. L’ensemble de ces "fondamentaux" sont renforcés par une accumulation de problèmes géopolitiques régionaux, réels ou potentiels :
a) actions de sabotage récurrentes en Irak sur les lignes d’exportations, et plus généralement menaces d’attentats au Moyen-Orient (attentats en Arabie Saoudite)
b) incertitudes persistantes au Venezuela et au Nigeria.
7. Les possibilités d’accroissement rapide de la production non-OPEP apparaissent limitées, même en Russie du fait des contraintes existantes sur les capacités d’exportation.
8. Enfin, les États-Unis présentent des spécificités qui contribuent à transformer tout problème d’approvisionnement local en une hausse du prix sur les marchés internationaux :
a) premier consommateur mondial, mais également 3ème producteur mondial,
b) importateurs nets de brut et d’essences,
c) présentant un marché interne très fragmenté du fait de la diversité des qualités de carburants selon les États,
d) et se caractérisant par une logistique raffinage et distribution sans flexibilité.


Vivons-nous un choc pétrolier ?

Un "choc pétrolier" est la conjonction d’une tension sur le marché pétrolier et d’un crise politique majeure au Moyen-Orient ayant un impact fort sur les approvisionnements en provenance de cette zone.
Au sens strict, nous ne sommes pas actuellement dans une situation de "choc pétrolier", dans la mesure où si l’on assiste à une montée régulière des prix depuis 2002, les tensions actuelles au Moyen-Orient n’ont pas pour le moment entraîné de baisse significative des approvisionnements.
Mais, la situation peut être jugée particulièrement instable et un événement majeur dans cette zone entraînant une baisse significative des exportations n’est pas exclu. Le prix du baril pourrait alors rapidement monter bien au dessus de la barre des 50 dollars : nous basculerions alors dans une véritable situation de "choc pétrolier".
À l’inverse, une augmentation significative du niveau des quotas de production de l’OPEP de l’ordre de 1,5 à 2 million de barils par jour, lors de la prochaine réunion du 3 juin prochain, apparaîtrait comme un signal de détente pour les opérateurs.


Impacts sur la croissance économique

En ce qui concerne l’impact potentiel d’un prix du brut élevé sur la croissance économique dans le monde, une telle évaluation demeure délicate, même si certains observateurs ont cité des chiffres de perte de croissance autour de 0,5% du PIB au USA ou en Europe. Que peut-on en dire ?
1. Si l’on observe l’évolution des prix du brut, exprimé en dollar 2003, on constate que les prix actuels autour de 35 dollars le baril restent largement inférieurs à ceux observés à la suite du 2ème choc pétrolier. Le prix du baril, exprimé en dollars 2003, s’élevait alors à près de 80 dollars.
2. Par rapport au début des années 1970, la sensibilité de l’économie des pays riches aux fluctuations du prix du baril a été significativement réduite. La part du pétrole dans la consommation énergétique de l’industrie et du secteur de la production d’électricité a fortement baissé en Europe, passant respectivement de 36 à 22%, et de 16 à 8%. L’ampleur de la baisse a été moins importante aux États-Unis : la part du pétrole est passée de 26 à 27% dans l’industrie et de 13 à 8% dans le secteur de la production d’électricité.
3. En ce qui concerne l’impact sur le consommateur final du fait des prix du carburant, l’effet est amorti en Europe par le niveau de taxation et la hausse de l’Euro. En revanche, le consommateur américain a fortement ressenti cette hausse.
4. Les pays en voie de développement, non producteurs de pétrole, restent les plus touchés par le niveau actuel élevé du prix du baril.


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