Maurice Gironcel dans le ’Journal du Parlement’

« Relever le pari des énergies renouvelables »

3 novembre 2007

’Témoignages’ publie l’interview de Maurice Gironcel, Maire et Conseiller-général de Sainte-Suzanne, réalisée par Marlène Sitouze pour le compte du ’Journal du Parlement’. Dans cet entretien consacré aux énergies renouvelables, l’élu rappelle notamment les avancées de la ville moderne à la campagne en la matière tout en insistant sur les enjeux qui se posent à l’échelle de l’île.
Maurice Gironcel, Maire et Conseiller-général de Sainte-Suzanne et Président de la CINOR, décrit plusieurs réalisations pilotes implantées sur le territoire de la commune : une ferme éolienne, une école solaire, une unité de production d’électricité à partir du biogaz extrait des déchets. Autant d’exemples qui illustrent l’émergence d’une nouvelle filière créatrice d’emplois. À Sainte-Suzanne, plus qu’ailleurs à La Réunion, les énergies renouvelables sont entrées dans la vie quotidienne, l’amplification de leur usage vise à garantir le droit à l’énergie des habitants de ce territoire insulaire densément peuplé, tout en préservant l’Environnement.

L’école climatique de Bras-Pistolet produit de l’électricité à partir du soleil. Les 2 prochains groupes scolaires qui verront le jour dans la ZAC Entrée de Ville et à Quartier-Français intègreront le principe de production d’électricité par panneaux solaires et de récupération d’eau de pluie pour l’arrosage et les sanitaires, selon les principes HQE demandés au maître d’œuvre. (photo Jérome Picard)

Quelles sont les raisons qui ont amené notre commune à relever le pari des énergies renouvelables ?

- Petite île tropicale dans l’Océan Indien, La Réunion vit de profonds changements. En 1980, l’énergie propre fournie par les centrales hydrauliques d’EDF suffisait à satisfaire les besoins des Réunionnais. L’accroissement de la demande a été couvert par la construction de deux centrales mixtes charbon-bagasse et par le recours grandissant à l’énergie des centrales thermiques du Port. 804.000 habitants aujourd’hui, la population va atteindre le million d’habitants dans une vingtaine d’années. La consommation d’électricité va donc continuer à croître chaque année. Pour que le droit à l’énergie soit une réalité pour les Réunionnais, de nouveaux moyens de production seront mis en fonction. Nous devons aussi garder à l’esprit qu’un environnement préservé est une des conditions du développement. Dans ce cadre, la préoccupation des collectivités locales est de mettre l’accent sur le développement des énergies renouvelables. À La Réunion, les énergies propres, matières premières pour produire de l’électricité, sont disponibles en abondance. Elles peuvent permettre à notre île de ne plus dépendre des aléas extérieurs dans la production d’électricité. Par exemple, notre île est la région la mieux équipée en chauffe-eau solaires. Et le Conseil régional a défini un Plan régional des énergies renouvelables et d’utilisation de l’énergie (PRERURE), qui vise à rendre La Réunion autonome sur le plan de la production d’électricité, uniquement à partir des énergies renouvelables. Toutes ces initiatives réunionnaises sont d’ailleurs citées en exemple.

Comment se manifeste la volonté politique de développer les énergies renouvelables à Sainte-Suzanne ?

- Le PRERURE se donne comme objectif de produire 100 mégawatts à partir de l’énergie éolienne. Sainte-Suzanne est balayée par le souffle des alizés, un vent tropical régulier. Nous avons donc participé à la création d’une ferme éolienne dans les Hauts de la commune à Bellevue. Composée actuellement de 26 pour atteindre à terme 40 aérogénérateurs, cette réalisation contribue à l’alimentation électrique des Réunionnais dans un esprit de solidarité. La ferme de Bellevue-les-Hauts est une initiative pilote dans ce domaine, elle traduit dans les faits l’engagement de notre municipalité à lutter pour créer les conditions d’un développement durable et solidaire pour notre population.

Quel autre projet vous tient-il à cœur ?

- Dans un autre quartier des Hauts de Sainte-Suzanne, à Bras-Pistolet, nous avons construit une école solaire, dite école climatique. Elle utilise au mieux l’énergie du soleil pour produire son électricité. Je tiens à souligner également l’importance d’impliquer dès leur plus jeune âge les Réunionnais dans la bataille pour le développement. Sachant que les énergies renouvelables sont un des outils qui nous aident à relever ce défi, il est essentiel que dès l’école, la jeunesse ait la conviction qu’elles sont une alternative crédible au tout pétrole par exemple. Cela ne pourra avoir qu’une influence bénéfique dans leurs comportements d’adultes, et fait d’ores et déjà de ces jeunes des acteurs du développement quand ils vantent auprès de leurs parents tous les bienfaits de ces technologies propres. D’ailleurs, il est à noter que tous les lycées qui sont aujourd’hui construits à La Réunion intègrent les normes Haute Qualité Environnementale (HQE). Quant aux plus anciens, un programme de rénovation doit les faire évoluer vers l’HQE. Dans ces écoles du 21ème siècle, les toits sont couverts de panneaux solaires, l’eau de pluie est utilisée pour les sanitaires et l’arrosage, et la disposition des bâtiments est conçue pour limiter au maximum la consommation d’énergie, et donc l’impact sur l’environnement. Je pense que ce volet éducatif est essentiel pour que nous puissions relever le pari de l’énergie renouvelable et propre. Par ailleurs membre de la Communauté d’agglomérations du Nord de La Réunion (CINOR), Sainte-Suzanne participe activement à la promotion de ces énergies renouvelables dans le cadre de l’intercommunalité.

Comment s’exprime la solidarité intercommunale dans ce domaine ?

- Par exemple, en recyclant et en valorisant les déchets. Nous avons calculé que chaque personne produit chaque année 400 kilos de déchets par an. Et pour le moment, une grande partie n’est pas recyclée. Ces milliers de tonnes sont alors transférés dans les deux centres d’enfouissement technique de La Réunion dont un est implanté sur le territoire de notre commune. Nous ne nous contentons pas d’enterrer ces détritus sur Sainte-Suzanne, nous récupérons les poches de gaz créées par la décomposition de ces détritus. Canalisé, ce biogaz débouche sur des turbines qui produisent de l’électricité qui sera vendue ensuite à EDF.

Existe-t-il à La Réunion d’autres unités de production d’électricité fonctionnant selon ce principe ?

- Aux limites de notre commune se trouve une des deux usines sucrières de La Réunion, dans le quartier de Bois-Rouge. Elle réceptionne plusieurs centaines de milliers de tonnes de cannes à sucre chaque année. Une partie de cette masse n’entre pas dans le processus de fabrication du sucre, c’est la bagasse. Elle est alors brûlée dans une centrale thermique voisine de l’usine. Le produit de sa combustion assure une grande partie de la production électrique de La Réunion.

Comment les énergies renouvelables s’intègrent-elles dans la politique de votre municipalité ?

- À Sainte-Suzanne, la promotion des énergies renouvelables s’inscrit notamment dans la lutte pour la protection de l’environnement, une des conditions du développement durable. Notre politique volontariste en matière d’environnement a d’ailleurs été soulignée par Nelly Olin, Ministre de l’Écologie, lors de sa visite cette année à Sainte-Suzanne. Nous avons conscience aussi que notre commune ne dispose pas en fonds propres de suffisamment de moyens pour relever seule ce défi. À Sainte-Suzanne, les équipements structurants de la protection de l’environnement se traduisent en particulier en investissements qui nécessitent le concours de l’Europe, de l’État, de la Région, du Département et de la CINOR, dans le respect des compétences de chaque partenaire. Il est donc essentiel que chacun d’entre eux se donne les moyens suffisants pour que ce partenariat soit efficace, et porte ses fruits auprès de la population. La saturation du Centre d’enfouissement technique à l’horizon 2015, celle plus proche de la station d’épuration de La Marine, les travaux d’endiguement de la rivière Sainte-Suzanne et le sous-dimensionnement du réseau d’adduction d’eau potable signifient autant de chantiers qui ne pourront être menés à bien que si chaque partenaire maintient sa forte implication. C’est le sens de la motion que nous avons remise à la ministre de l’Écologie lors de son passage à Sainte-Suzanne, afin d’interpeller les pouvoirs publics dans ce sens. Mais surtout, aller vers le développement durable ne se limite pas à la protection de l’environnement, c’est aussi améliorer la situation de l’emploi.

Pourquoi insistez-vous sur ce point ?

- À La Réunion, plus d’une personne en âge de travailler sur trois sont au chômage. C’est le plus important défi que nous devons relever, il en va de la cohésion de notre société. Aucune piste n’est à négliger pour mener à bien cette bataille. Alors, nous ne pouvons que soutenir l’émergence d’une filière “énergie renouvelable” à La Réunion, non seulement parce qu’elle permet de produire des richesses en préservant l’environnement, mais aussi parce qu’elle est créatrice d’emplois durables et qualifiés. La fabrication, la pose et la maintenance de panneaux solaires et d’éoliennes sont des tâches qui ne peuvent être accomplies que par des personnels formés aux technologies les plus récentes. Avec le chômage massif que nous connaissons à La Réunion, les énergies renouvelables sont un moyen pour que des milliers de jeunes puissent voir leurs compétences reconnues par un travail qui participe de manière décisive à la lutte pour le développement durable et solidaire de La Réunion, en liaison avec les autres pays de la région Océan Indien.

C’est-à-dire ?

- Nous sommes conscients que le développement de La Réunion passe également par le renforcement de la coopération avec les autres pays de notre environnement géographique proche. Et l’environnement peut donner un nouveau souffle à cette coopération. En juillet dernier, nous avons accueilli une délégation de Madagascar qui avait notamment pour but d’étudier les outils de l’aménagement du territoire. Dans ce cadre, elle a pu visiter le Centre d’enfouissement technique et la ferme éolienne. Comme La Réunion, Madagascar vit un accroissement démographique important, qui se conjugue avec une augmentation de la consommation d’énergie. Sur ces problèmes communs, nous pouvons avancer ensemble, ce qui donne tout son sens à la démarche de co-développement solidaire dans laquelle nous nous impliquons depuis déjà de nombreuses années avec Madagascar, mais aussi avec les autres pays de la région.

Interview Marlène Sitouze

Les atouts de La RéunionEnergies renouvelables

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