Charte du groupe H2 Run

Un pas vers la filière hydrogène

9 novembre 2007, par Edith Poulbassia

Objectif que s’est fixé La Réunion : atteindre l’autonomie électrique d’ici 2025. Notre île en a les moyens, avec le développement des énergies renouvelables, l’éolien et le photovoltaïque. Toutefois, ces sources d’énergies sont intermittentes, c’est-à-dire qu’elles ne garantissent pas une production constante. La solution : stocker l’énergie pour faire face aux périodes creuses de production. Grâce à l’eau douce, à la biomasse, dont dispose La Réunion, le stockage de l’énergie est envisageable. Une charte a été signée hier à la Région pour pouvoir mener des études sur l’hydrogène. Entretien avec Matthias Vinard, Chef de Projet Hydrogène à l’ARER.

Le groupe de travail H2 Run existe depuis 2005. Il réunit des institutionnels, des industriels ou encore l’université, le CEA (commissariat à l’énergie atomique). Quels sont pour l’instant les résultats de ce groupe de travail ?

- Le premier résultat est la signature de la charte qui permet de structurer le groupe H2 Run et de donner une légitimité à ses actions. La Charte permet d’acter les actions du comité technique, et d’entreprendre l’étude des différentes filières de stockage, dont l’hydrogène, pour infirmer ou confirmer la pertinence de ce choix. La charte va clarifier les activités du groupe, structurer les partenariats.

Cette charte est signée par des acteurs locaux mais aussi des acteurs nationaux. Quel est l’intérêt pour ces derniers de s’associer à ce projet réunionnais ?

- Axane et Hélion sont des fabricants de piles à hydrogène. S’associer au groupe H2 Run, c’est se positionner sur les marchés insulaires. La Réunion fait office de laboratoire, en présentant toute la problématique des sites isolés. Les technologies de l’hydrogène sont amenées à se développer sur ce genre de site. Pour le CEA (Commissariat à l’Énergie Atomique), établissement public à caractère industriel et commercial, qui oeuvre dans la recherche universitaire et industrielle, c’est l’occasion de travailler à des tests dans un endroit qui réunit des conditions particulières de température, d’humidité, de salinité, etc.

L’hydrogène est une forme de stockage de l’énergie et il est aussi un carburant propre. Y a t-il des expériences en cours à La Réunion ?

- La Réunion n’a pas encore mené d’expérience. Mais au niveau mondial, et en Europe on a déjà essayé. Grâce au programme Hyfleet-Cute, dans des villes comme Amsterdam, Madrid, Berlin, Barcelone une trentaine de bus hydrogène sont en activité. En France, à Dunkerque plus précisément, on expérimente le mélange hydrogène-gaz naturel.
A La Réunion, on envisage de produire de l’hydrogène à partir de l’eau douce par électrolyse. On verra si cette impression est validée via les études qui vont être menées. Une autre piste est possible, la production d’hydrogène à partir de la biomasse. C’est un procédé qui existe déjà et qui en plus valorise les déchets.

Quels sont les avantages et les inconvénients de l’hydrogène ?

- Il y a trois avantages. On peut créer un système énergétique propre, si l’hydrogène est produit à partir de l’éolien ou du photovoltaïque. Quant à l’hydrogène, il ne dégage que de l’eau et de la chaleur. L’énergie contenue dans un volume d’hydrogène peut être stockée à volonté, transportée puis utilisée pour fournir de l’électricité grâce aux piles à combustibles. Enfin, la densité énergétique de l’hydrogène est trois fois supérieure au gasoil. C’est-à-dire qu’un kilo d’hydrogène génère trois fois plus d’énergie qu’un kilo de gasoil.
L’inconvénient, c’est qu’il a une très faible masse volumique. C’est un gaz difficile à liquéfier. La conséquence technique est qu’il faut le comprimer à très forte pression pour les réservoirs. Et comme pour tout gaz sous pression, par exemple le GPL, se pose le problème de la sécurité. Dernier “inconvénient” : l’hydrogène ne se trouve pas à l’état natif, il faut impérativement passer par la transformation de l’eau ou de la biomasse.

Avec la production et l’utilisation de l’hydrogène, quels sont les changements à envisager ?

- Pour produire de l’hydrogène, il nous faudra développer les technologies d’électrolyse de l’eau. Pour l’utilisation, on connaît déjà le moteur à combustion, ou encore la pile à hydrogène pour la transformation en électricité. Avec le développement d’une filière hydrogène, la question qui va se poser est surtout celle de la maintenance. Nous devons penser à former une main-d’oeuvre qualifiée locale. Un deuxième volet est celui de la logistique. Comment va t-on transporter l’hydrogène du lieu où il est produit vers les lieux de consommation. On peut affirmer que cette filière peut créer de nombreux emplois, même s’il est encore difficile d’évaluer le chiffre d’affaire ainsi que les besoins en main d’oeuvre de ce nouveau secteur économique. L’hydrogène est enfin un nouvel axe de recherche pour l’université. Tout comme le photovoltaïque. Développer une excellence réunionnaise dans le secteur de l’hydrogène, c’est la possibilité d’exporter notre savoir-faire vers d’autres pays.

Entretien EP


Une économie hydrogène à La Réunion

Il s’agit de réaliser un couplage entre les énergies renouvelables et intermittentes et l’hydrogène : « Le surplus de production issu des énergies renouvelables serait utilisé pour produire de l’hydrogène par électrolyse, technique nécessitant de l’électricité, puis cet hydrogène serait stocké. Enfin, lorsque les conditions climatiques se détériorent ou pendant les pointes de consommation qui ne peuvent pas être garanties par les énergies renouvelables, l’hydrogène est utilisé comme carburant dans des systèmes de piles à combustibles afin de fournir l’électricité nécessaire pour équilibrer production et consommation ». L’hydrogène est aussi un carburant. Il peut remplacer les produits pétroliers, jouer un rôle dans le développement de transports propres.
Le groupe H2 Run compte une dizaine de membres, intéressés par le potentiel de l’hydrogène : La Région, EDF, Airliquide, Hélion, CEA, BP Solar, Axane, Groupe Dijoux, l’université de Corse, le CHD Félix Guyon, Office de l’eau, etc. Ce groupe n’est pas fermé, il peut accueillir tous les acteurs intéressés par l’hydrogène.
La charte définit deux axes de travail pour le groupe H2 Run : étudier les technologies de stockage (batteries, stockage hydraulique, à air comprimé, etc) et faire un choix adapté à La Réunion ; mettre en place des projets pilote avec l’hydrogène. Par exemple, des bus à hydrogène sur la route des Tamarins, des piles à hydrogène pour les relais de téléphone mobile, remplacer les groupes électrogènes à Mafate, ou au CHD Félix Guyon (déjà envisagé avec le CEA).
L’ARER va participer à un projet, baptisé PEPITE, dès l’année prochaine. Il s’agit de travailler sur le couplage hydrogène-éolien. Ce projet est financé sur trois ans par l’ANR (agence nationale de la recherche).

Les atouts de La RéunionEnergies renouvelables

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Messages

  • La production de l’hydrogène demande des quantités considérables d’énergie.

    Même une énergie concentrée comme le nucléaire (à éviter cependant) n’y suffirait pas. Pour s’en convaincre, il suffit de lire les propos de l’Agence internationale de l’énergie atomique rapportés dans cet article : Pénurie et fin progressive de l’uranium (partie hydrogène).

    Pour donner un ordre de grandeur, aux Etats-Unis, 900 réacteurs nucléaires seraient nécessaire pour produire l’hydrogène devant remplacer les carburants automobiles, soit neuf fois les réacteurs qui existent pour produire 20% d’électricité du pays. Chose d’autant plus impossible que la production d’uranium commencera à diminuer dans vingt ans et ne pourra plus alimenter les 440 réacteurs qui existent aujourd’hui dans le monde.

    Alors, l’hydrogène pourrait de façon limitée et avec des pertes importantes servir de stockage temporaire pour l’énergie éolienne, mais rien de plus. Pour l’énergie solaire, mieux vaut se baser sur le solaire thermodynamique.


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