La sécheresse n’est qu’une explication secondaire aux tensions sur la ressource

180 litres d’eau potable par jour et par personne : la véritable cause des problèmes de l’eau à La Réunion

2 novembre, par Manuel Marchal

Avec la crise climatique, la sécheresse devient la norme à La Réunion. L’appel à « une consommation responsable » des Réunionnais lancé par la Préfecture fait face à un obstacle de taille : l’importation du système français de distribution de l’eau. Il est responsable de la consommation de 180 litres d’eau par jour et par personne au bénéfice des sociétés principalement françaises qui vendent l’eau de La Réunion aux Réunionnais. L’urgence d’un autre modèle s’impose, avec en particulier la valorisation d’une ressource gratuite : l’eau de pluie.

Ce mercredi 23 octobre, le Comité sécheresse s’est réuni à la Préfecture sous la présidence du représentant de l’État, le sous-préfet de Saint-Pierre.
Un communiqué diffusé ce 31 octobre fait apparaître les conclusions suivantes :
« Si le mois de janvier a bénéficié de pluies excédentaires avec les passages du cyclone Belal et de la tempête Candice (+13 % par rapport à la normale), les mois suivants ont été déficitaires (– 32 %, notamment dans l’Est et le Sud-Ouest). Les prévisions pluviométriques étant peu favorables jusqu’à la fin de l’année, le déséquilibre entre la ressource disponible et les besoins risque de continuer à s’accentuer.
Des tensions sur la ressource en eau sont apparues dès le mois de mai sur certains secteurs et se poursuivent avec des seuils de vigilance, d’alerte voire de crise, atteints, tant sur les ressources souterraines que sur les rivières. C’est notamment le cas à Bras-Panon, à Champ-Borne, la Plaine des Palmistes, au Port, à Saint-Benoît, à Saint-Denis, à Sainte-Marie, à Sainte-Suzanne et dans les hauts de l’Ouest.
Actuellement, des arrêtés municipaux de limitation des usages sont en vigueur sur les territoires des communes de Bras-Panon, Saint-André, Sainte-Marie (l’Espérance) et Salazie.Plusieurs communes sont ou ont été concernées par des coupures (Cilaos, Sainte-Marie, Trois-Bassins, les hauts Saint-Paul et La Plaine) et les difficultés d’approvisionnement pourraient s’accentuer pour les communes déjà impactées. Certains secteurs sensibles, comme le Tévelave, sont sous surveillance et pourraient connaître des tensions en l’absence de pluies ».
Principale conclusion : « Des perturbations sur la distribution d’eau sont à prévoir ». D’où un appel à « une consommation responsable ». Il s’agit notamment de « favoriser les techniques d’irrigation économe en eau ; réduire l’arrosage des jardins et des espaces verts ; réduire ou arrêter le lavage des cours et des voiries à grandes eaux ; réduire toutes les consommations d’eau pour les usages domestiques non essentiels (lavage de voiture…) ».

Conséquence de l’importation du système français de vente et d’assainissement de l’eau

En effet à La Réunion, l’eau rendue potable par des traitements dans des usines financées par les abonnés et les contribuables est utilisée pour de nombreux usages, notamment l’évacuation des déchets dans les toilettes, le nettoyage des cours et des sols, l’arrosage des jardins des particuliers et le remplissage des piscines.
Tous ces usages n’ont pas besoin d’eau potable. Le résultat de ce gaspillage est une consommation moyenne de 180 litres d’eau par jour et par personne à La Réunion. C’est la conséquence de l’importation à La Réunion du système français de vente de l’eau, qui prévoit plusieurs points d’eau potable dans une habitation et aucun contrôle sur son usage car l’abonné paye la facture.
A cela s’ajoute une perte importante entre l’usine d’eau potable et le robinet : 35 % de l’eau disparaît dans des fuites dans les canalisations. Le relief et le climat tropical sont différents de la France, ce qui impose des contraintes pour ces réseaux.

Valoriser l’eau de pluie remet en cause des rentes de situation

Ceci impose l’urgence de revoir ce modèle. Dans les pays voisins, l’eau de pluie est valorisée. Aux Comores, elle est récupérée puis stockée dans un réservoir sous la maison. Ainsi, il suffit d’ouvrir une trappe pour puiser de l’eau gratuite à volonté. Mais cette eau gratuite tombée du ciel ne fait pas les affaires des sociétés, principalement françaises, qui contrôlent ce qui est un marché : la vente de l’eau potable et l’assainissement de l’eau potable utilisée une fois.
En effet, l’eau de pluie gratuite ne passe pas par le compteur d’eau. Son volume ne peut donc pas être pris en compte dans le calcul de la facture d’assainissement payé par l’usager. Or, lorsqu’une famille est reliée au tout à l’égout, la partie assainissement constitue la majorité de la facture.
L’utilisation de l’eau de pluie est donc une perte pour les sociétés qui contrôlent le marché.
Pourtant ce système montre ses limites. Pour revenir à « une consommation responsable », il faut revoir ce modèle sur la base d’une donnée : 2 litres d’eau potable par jour et par personne suffisent.
Mais ceci remet en cause tout un système qui repose sur ces centaines de millions d’euros d’investissements payé par les abonnés, ainsi que par les collectivités, l’Europe et l’État financés par le contribuable. Ces investissements servent à construire des usines de potabilisation et des stations d’épuration qui rejettent ensuite l’eau assainie dans la mer.

M.M.

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