L’aménagement du territoire est l’un des défis que La Réunion doit relever au cour des prochaines années. Est-il encore nécessaire de rappeler les besoins en foncier pour la construction de logements, pour les structures touristiques et économiques, les écoles, les voies de circulation, l’agriculture, etc, conséquence de l’accroissement de la population et de l’impératif de développement économique. Ces besoins se heurtent aux contraintes naturelles du territoire, notamment les ravines et les rivières, de sorte que l’endiguement est un préalable à tout projet cohérent d’aménagement.
Sainte-Suzanne, commune qui revendique et veut conserver son caractère de “ville à la campagne”, n’est pas épargnée par le défi de l’aménagement. 21.000 habitants aujourd’hui, la ville est devenue attractive pour la population, qui vient y habiter. Elle accueille un centre commercial qui ne cesse de s’étendre et dispose d’atouts touristiques indéniables. Mais ses chances de développement sont en partie compromises par la rivière Sainte-Suzanne. En cas de fortes pluies, la rivière a tendance à sortir de son lit. Les quartiers de la Marine et de village Desprez qui comptent plus de 4.000 habitants sont situés en zone inondable et le Bocage ne peut accueillir de structures touristiques et sportives durables tant que le problème de la rivière n’est pas réglé.
Pour Pierre Agon, directeur de l’aménagement et du cadre de vie à la Mairie de Sainte-Suzanne, c’est véritablement un projet “colossal” qui est mené, et qui s’inscrit dans le cadre du développement durable. Le projet était déjà en gestation lorsque Lucet Langenier était maire, et il est loin de se terminer. Un seul exemple, le stade en eaux vives au Bocage ne devrait être livré que fin 2015. On en est à l’étape de l’enquête publique, actuellement en cours et ce jusqu’au 18 février. Mais la voie est tracée, il y a un projet clair d’aménagement pour Sainte-Suzanne.

Protection des lieux habités

Priorité : les travaux de protection des lieux habités contre les risques d’inondation de la rivière Sainte-Suzanne, qui permettront d’aménager la zone touristique et de loisirs du Bocage et Niagara, de réaliser le stade en eaux vives à caractère régional et d’aménager le secteur de la Marine.
Le village Desprez est protégé par une digue vieille de 30 ans, mais qui ne garantit absolument pas une protection en cas de crue centennale de la rivière. La construction d’un canal de dérivation devait permettre d’évacuer l’eau jusqu’à la mer lors d’épisode de fortes pluies, et en période cyclonique. Il y a une dizaine d’années, on avait même pensé à récupérer les matériaux du canal pour la construction de la 4 voies, mais les matériaux s’étaient avérés de mauvaise qualité. Le chantier s’était interrompu avant de reprendre.
« Le canal était efficace, “90%” de l’eau s’écoulait dans le canal en période cyclonique », explique Pierre Agon. Mais le « dossier est assez complexe », ajoute t-il d’emblée. D’abord, la rivière n’était plus alimentée en eau, ce qui posait problème pour la faune et la flore. Un ouvrage de répartition des eaux sera réalisé au niveau du radier actuel pour permettre les écoulements fluviaux dans le bras naturel de la rivière Sainte-Suzanne. Ensuite, l’eau qui arrivait à la mer lors des crues était bloquée par l’effet de houle, ce qui atténuait l’efficacité du canal de dérivation. Deux digues en mer sont actuellement en construction pour casser cet effet de houle. Les berges de la rivière vont subir un entretien sélectif de sa végétation et également un rehaussement.
Enfin, pour le quartier de la Marine, une digue doit être réalisée afin de la protéger des crues du ruisseau Foutac, affluant de la rivière Saint-Jean. Une enquête devra définir l’emprise de la futur digue Foutac.

Un nouveau centre urbain, touristique et sportif

Ces travaux devraient ainsi en autoriser d’autres. Le Bocage est un site de loisirs qui accueille déjà 3000 personnes le week-end. Nous voulons en faire le « poumon de Sainte-Suzanne et même du nord-est de l’île », affirme Pierre Agon. Les travaux de réfection de l’aire de jeux existante ont commencé en octobre dernier et devrait durer 8 mois pour desservir un roller parc. Il est à prévoir la réfection de la zone sportive, un espace prairie, un verger, une cocoteraie ou encore des jardins thématiques.
Le stade en eaux vives est le complément de cette valorisation du Bocage. Il comprendra une rivière artificielle de 255 mètres en béton armé et fibré, un bâtiment d’accueil, des gradins naturels.
Pour finir, l’endiguement de la rivière va permettre la création d’un nouveau quartier, entre le quartier historique de la Marine et le centre ville. Ainsi, la mairie récupère le foncier nécessaire à la construction de logements. Pour l’instant, la Marine, comme le village Desprez sont isolés du centre ville, car enclavés ou mal desservis. Ce qui se ressent en termes d’équipements, de services et d’animation. Ces quartiers vont revivre grâce à l’endiguement de la rivière. Des logements diversifiés, une école, la création de parcs et de parcours reliés à la zone de loisir du Bocage sont prévus, ainsi que la constitution d’une réserve foncière de 4 hectares. Pour être plus précis, ce sont 100 logements sociaux sur 325 programmés, 130 parcelles de 500 m2 et 33 de 200 m2, 20 commerces en pieds d’immeuble.
Tout en devenant le centre de la commune, ces quartiers vont sauvegarder l’environnement. L’enjeu est évidemment touristique. Les activités sportives seront regroupées au sein d’un complexe pour ne pas générer de nuisances.
Au dernier conseil municipal, une motion a été votée à l’unanimité pour demander à l’Etat et la Région de construire un pont à la place du radier actuel, qui déborde à chaque fortes pluies. « Une question de sécurité pour le village Desprez », nous explique Pierre Agon. En cas de grave problème, les secours mettraient énormément de temps pour y arriver si le radier est inaccessible.
Le maire a aussi demandé à ce que le tram-train arrive jusqu’au Bocage pour desservir une zone qui s’apprête à être un “poumon” régional.
Sainte-Suzanne donne ainsi l’exemple d’une ville qui veut allier développement touristique, urbain, protection de l’environnement et qualité de vie de ses habitants.

Edith Poulbassia