Inauguration d’un atelier de restauration archéologique

Adapter sa culture pour survivre à Tromelin

5 juillet 2010

Pendant 15 ans, des êtres humains arrachés à Madagascar pour être esclaves à Maurice ont survécu en autarcie sur l’île de Tromelin. Durant ce séjour, ils ont adapté leur culture à la réalité du lieu. Ils ont construit en pierre, le matériel utilisé à Madagascar uniquement pour les tombeaux. L’inauguration d’un atelier de restauration d’archéologie par le préfet des TAAF donne un nouveau coup de projecteur sur cette partie de l’Histoire.

L’histoire de Tromelin commence officiellement le 11 août 1722, date où le récif est découvert par Briand de La Feuillée, capitaine de vaisseau de la Compagnie des Indes, sans qu’il y ait pour autant prise de possession de l’île par la France. Celle-ci est nommée « l’île de Sable » en raison de ses plages de sable corallien. On la retrouve également cartographiée sous l’appellation « Le Danger ». En effet, à cause des vents violents, elle est soigneusement évitée à l’époque de la marine à voile. L’accès est très difficile par la mer : l’île ne peut être atteinte que par des embarcations légères aux époques d’affaiblissement des alizés.
Le 31 juillet 1761, l’Utile, une flûte de la Compagnie française des Indes Orientales, fait naufrage sur l’île alors qu’elle transporte des esclaves provenant de Madagascar destinés à l’île Maurice. L’équipage laisse alors 60 esclaves sur l’île, regagne Madagascar dans une embarcation de fortune, promettant de venir les rechercher. Cette promesse ne sera jamais tenue et c’est quinze ans plus tard, le 29 novembre 1776, que le chevalier de Tromelin, commandant la corvette La Dauphine, récupérera huit esclaves survivants : sept femmes et un bébé de huit mois.

Les fouilles archéologiques

Deux campagnes archéologiques ont été menées en 2006 et en 2008 sur l’île de Tromelin par le Groupe de Recherches en Archéologie Navale (GRAN), sous la conduite de Max Guérout, avec le concours de Thomas Romon de l’INRAP pour les fouilles terrestres, de Joe Guesnon du GRAN pour les fouilles sous-marines et de Nick Marriner du CEREGE pour l’étude géomorphologique de l’île. La mission a reçu le parrainage de l’UNESCO et du Comité pour la Mémoire et l’Histoire de l’Esclavage présidé par Françoise Vergès.
Les deux campagnes ont été financées par l’UNESCO, le Conseil régional et le Conseil général de La Réunion, la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) de La Réunion, la fondation d’entreprise Groupe Banque Populaire et la fondation du Patrimoine. Elles ont également bénéficié du concours des Forces Armées dans la Zone Sud de l’Océan Indien (FAZSOI) et de Météo France la Réunion.


Des maisons construites comme des tombeaux

La localisation de l’habitat des esclaves sur le point haut du
Nord de l’île a été le résultat le plus significatif de cette mission.
La découverte la plus significative consiste en une série de récipients en cuivre. Ils portent l’empreinte du travail des esclaves malgaches puisque certains d’entre eux ont été réparés de nombreuses fois par rivetage. Ils illustrent l’acharnement à utiliser jusqu’au bout les matières premières fournies par l’épave, et symbolisent l’usure du temps sur les objets comme sur les hommes.
La fouille de 2008 a permis de mettre au jour un ensemble de trois bâtiments dont l’ampleur pouvait surprendre. Si l’espace intérieur est réduit, l’épaisseur des murs, entre 1 mètre et 1,5 mètre, leur donne une large emprise au sol. Dans l’un des bâtiments découverts, sans doute la cuisine, un abondant mobilier a été retrouvé. Constitué essentiellement d’objets en métal, il est
resté en place autour d’un foyer lui-même aménagé. Ce mobilier, abandonné brutalement le 29 novembre 1776, donne une image vivante d’un quotidien, d’un espace et de conditions de vie organisés et maîtrisés.
Cette maîtrise des ressources disponibles est d’autant plus étonnante qu’elle va à l’encontre des habitudes malgaches. On sait en particulier que, sur la Grande île, les habitations sont à l’époque, faites de végétaux symboles de vie, la pierre étant réservée aux tombeaux. A Tromelin, les constructions en pierre et de grande ampleur démontrent une réelle adaptation non seulement à l’environnement mais aussi une évolution culturelle et psychologique.
La petite société qui s’est constituée sur l’île est de toute évidence restée unie et organisée, apportant ainsi un démenti manifeste à ceux qui, en les réduisant en esclavage, leur avaient nié toute humanité.


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